Ancien panneau Dunlop à Gex. Citation d'une carte postale collectée par le département de l'Ain. Ce site respecte le droit d'auteur. En cas de souci sur cette image, merci de le faire savoir à l'auteur du site.
Fontaine Napoléon dans la descente du col de La Faucille en direction de Genève (photo: MV, avril 2006).
Sources et documents: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°70 Beaune-Evian (Michelin, 1948, 1955); carte IGN n°143 Lons-le-Saunier-Genève; carte IGN n°3327ET Morez, Les Rousses, col de la Faucille (2008); Annales des voyages, de la géographie, de l'histoire et de l'archéologie, librairie Gide fils (1825); «De Divonne à Gex», dans Visages de l’Ain (n°42, avril-juin 1958); Encyclopédie de Genève, T.VIII (1990); Evian et le Chablais: au fil de l'histoire, Louis Girod, éditions Cabédita (1993); Ferney-Voltaire, mémoire de quartiers, Béatrice Obergfell, Cabédita (2009); Gex,700 ans d’histoire, Office culturel municipal de Gex (1977); Guide Diamant Savoie-Dauphiné-lac Léman, Hachette (1951); Guide du Routard Alpes, Hachette (2003-2004); Guide littéraire de la France (Hachette, 1964); Histoire des communes savoyardes, T.1, le Chablais, Henri Baud et Jean-Yves Mariotte, éd. Horvath (1980); Histoire de Thonon et du Chablais, dès les temps les plus reculés jusqu'à la Révolution française, Louis-Étienne Piccard, impr. de J. Niérat (1882); Histoire du Grand-Saconnex, Eugène-Louis Dumont, librairie de l’Université Georg-Genève (1967); La France par cantons et par communes, département de l'Ain, Théodore Ogier, Bourricand frères (1895); Meillerie, ou les cailloux de la gloire, Bernard Sache, éd. Le Vieil Annecy (2003); Mémoire et observations historiques et critiques sur la route du Simplon, Nicolas Céard, Goeury (1820); Voyage dans la Suisse française et le Chablais, Alfred de Bougy, Poulet-Malassis (1860); anieres.ch; gex.fr; helvetia-ge.ch; ville-evian.fr; ville-geneve.ch; ville-thonon.fr; Wikipédia, Wikisara. Remerciements: les médiathèques et bibliothèques de Gex, Genève, Evian, la BPI du centre Georges-Pompidou, l’Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse (IVS).

Ce panneau était situé à l'entrée de Gex, sur la rue de Genève. Il n'est plus en place puisque la route principale contourne le centre et qu'il nous faut parler de D1005 en lieu et place de la route nationale (photo: MV, avril 2006).

Localités et lieux traversés par la N5 (1959):
Col de La Faucille
Gex (N84C)
Cessy
Segny
Ornex
Ferney-Voltaire
(Frontière)
Le Grand-Saconnex (SUI)
Genève (SUI) (N506)
(Frontière)
Aubonne
Douvaine
Massongy
Sciez
Bonnatrait
Thonon-les-Bains (N202)
Publier-Amphion
Evian-les-Bains
Maxilly (Gde et Pte-Rive)
Tourronde
Meillerie
Le Locum
Saint-Gingolph

Sortie de Ferney-Voltaire vers Genève. La douane n'est qu'à quelques mètres (Photo: MV, juillet 2006).
Route de Ferney au Grand-Saconnex (Photo: MV, juil. 2006).

D'autres ressources autour de la nationale 5 historique: La page Wikisara consacrée à cette nationale française (lire).
La page Wikipédia de la RN5 historique (lire).

A VOIR, A FAIRE

Gex: la petite cité est le point de départ de nombreuses promenades (patrimoine et nature), dont celle du creux de l’Envers. Des sentiers entre France et Suisse permettent aussi de découvrir la problématique des frontières (religion, contrebande, conflits) et de découvrir de vénérables bornes. A quelques kilomètres de Gex, le Cern est depuis 1954 un laboratoire de recherche international sur la physique des particules. Il dispose d’un immense accélérateur de particules de 27 km de diamètre enfoui sous le sol… Un vrai univers de science-fiction sous la route blanche… Des visites sur réservation sont possibles. Non loin de Gex, se trouve la ville thermale de Divonne-les-Bains.
Ferney-Voltaire: à voir, le château de M. Voltaire, qui résida en ces lieux au milieu du XVIIIe siècle. Il fut un bienfaiteur avisé du village, qu’il développa, tout en recevant à sa table l’élite de la pensée européenne.
Genève: une ville impressionnante à l’histoire millénaire… Idéalement située à un coin du lac Léman, ce n’est pas qu’un paradis pour milliardaires et fonctionnaires des Nations unies… Une visite à pied de la vieille ville s’impose. Voici la promenade de la Treille, sur les anciens remparts, l’hôtel de ville et sa tour Baudet, l’ancien arsenal et ses mosaïques racontant de grandes heures de la ville, puis la maison Tavel, qui est la plus ancienne demeure de Genève (fin XIIIe) qui renferme le musée du Vieux-Genève. Non loin, voilà la cathédrale saint-Pierre et son important site archéologique. Derrière le Palais de justice et l’ancienne place du Bourg-de-Four, voilà le musée d’Art et d’Histoire, le plus visité des musée de la cité. Les touristes intéressés par le fait religieux ne manqueront pas le musée de la Réforme et le mur des Réformateurs située dans le parc des Bastions. Nous conseillons également une promenade le long des quais, depuis les bains des Pâquis, en passant par le port des Mouettes, le pont du Mont-Blanc jusqu’à l’Horloge fleurie, le Jardin anglais et le jet d’eau, situé en face du quai Gustave-Ador. Rive droite, voici le Palais Wilson, qui a abrité la Société des Nations et le palais des Nations, actuel siège européen de l’ONU. Non loin, le Jardin botanique offre 28 ha de verdure au promeneur… Le visiteur à la recherche de dépaysement visitera Carouge, de l’autre côté de l’Arve, ancienne cité sarde, construite par le royaume de Piémont-Sardaigne pour concurrencer Genève. Enfin, à 14 km (vers Evian), en bordure de lac, voilà Hermance, charmant village dont l’adorable quai donne sur l’azur du Léman et les crêtes bleutées du Jura.
Sciez: au nord, en suivant la D25, voilà le village d’Yvoire, vieux bourg savoyard pittoresque avec des vestiges de murailles, des portes gothiques et un ancien château du XVIe siècle. A côté, le golfe de Coudrée, recèle, à Excenevex, la seule plage de sable fin du Léman.
Thonon-les-Bains: On peut jeter un œil à l’église Saint-Hippolyte, à l’Hôtel-Dieu, au musée du Chablais, installé dans le château de Sonnaz. On peut descendre au port de Rives par un amusant funiculaire construit en 1886. Enfin, non loin de l’hôtel de ville, il ne faut pas manquer le point zéro de la route des Grandes Alpes, cet itinéraire créé en 1909 par le TCF et qui relie Thonon à Nice (R.N.202 en 1920). Un peu à côté de Thonon, le château de Ripaille (vignoble) et son arboretum. Encore un peu plus loin, les châteaux et la chapelle des Allinges.
Evian-les-Bains: une promenade le long du lac est fortement conseillée au visiteur. Ne pas manquer la buvette Cachat, rue Nationale, une bâtisse Art nouveau où coule la source d’Evian.
Meillerie: La «pierre à Jean-Jacques Rousseau» se trouve à Meillerie. Rousseau, écrivain, philosophe et musicien suisse y est captivé par le paysage, Et c'est là qu'il trouve l’inspiration pour écrire son célèbre roman, La Nouvelle Héloïse.
Saint-Gingolph: côté suisse, on trouve un intéressant musée des Traditions et des barques du Léman. Nombreuses possibilités de promenade en montagne.
Sources et documents: Genève insolite et secrète, Christian Vellas, Jonglez (2010); Guide du Routard Alpes, Hachette (2003-2004); Guide du Routard Suisse, Hachette (2013); Guide Diamant Savoie Dauphiné lac Léman, Hachette (1951); Guide Vert Jura, Michelin (1957); Un grand week-end à Genève, Hachette (2008). L’office du tourisme de Genève, de Gex, d’Evian-les-Bains et st-gingolph.com.

Entrée d'Aubonne, premier village rencontré après le retour en France de la R.N.5 historique (photo: MV, avril 2006).
Panneau Michelin à l'entrée d'Evian-les-Bains. Citation d'un documentaire de la télévision française collecté par l'INA à l'occasion des accords d'Evian ayant mis fin à la guerre d'Algérie. Ce site respecte le droit d'auteur. En cas de souci sur cette image, merci de le faire savoir à l'auteur.

A Evian (photo: MV, avril 2006).
Entrée de Saint-Gingolph (photo: MV, avril 2006).

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Belle route blanche...
R.N.5: L'EMPIRE DU SIMPLON (V)
Après le col de La Faucille, la route virevolte sur le versant le plus ardu du Jura. Les pentes sont rudes et en hiver, les équipements spéciaux sont chaudement recommandés pour passer sans encombre les points les plus délicats de la route blanche. Juste avant Genève, le bourg de Gex s'accroche aux derniers arpents du Jura. Etape obligée avant la plaine du Léman, la cité se fait connaître des automobilistes de la route blanche par son bleu. Un fromage. Et son feu. Rouge. Le premier rencontré depuis une paire de kilomètres. Après avoir enfin dépassé Genève et sa belle rade, on passe de l'autre côté du lac; il reste encore une grosse soixantaine de kilomètres pour atteindre Saint-Gingolph, le but de ce voyage. La R.N.5 (D1005), revenue en France côté savoyard s'étire jusqu'à Thonon, Evian, Meillerie... La route prend les eaux de toute part et regarde désormais du côté du Simplon, grandiose voie impériale jusqu’à Milan et Rome!

Les ultimes kilomètres de la R.N.5 historique vers le Locum, peu avant Saint-Gingolph (photo: Marc Verney, juillet 2006). En cliquant sur l'image vous retrouvez le poste de douane de Saint-Gingolph aux anciens temps!

La descente vers Gex débute dès la sortie du col de La Faucille. Plus aucune trace des anciennes auberges. Dans un article de la revue Visages de l’Ain, on apprend que les Allemands, fin août 1944, ont «tout brûlé sur leur passage en évacuant le Pays de Gex». La même revue évoque la «piste muletière» empruntée ici au XIVe siècle par les pèlerins et marchands entre Saint-Claude et Genève (il n’y a à l’époque aucun trafic vers Morez, qui n’existe même pas!). Sur la carte d’état-major du XIXe siècle, on voit partir, sur la gauche, après le col une «ancienne route de La Faucille». Achevée en 1804 et incluse dès 1811 dans la grande voie de Paris à Rome par le Simplon, la nouvelle chaussée de La Faucille est encore rectifiée jusqu’en 1813. De tous côtés, les paysages sont superbes. Voilà maintenant la Fontaine Napoléon (1047 m d’altitude), dessinée par l’ingénieur Céard, qui rappelle l’œuvre des ingénieurs napoléoniens dans la région, puis la route blanche emprunte le fort lacet du Florimont (la route contemporaine, rectifiée, y passe plus au large de la précédente route impériale). Un château, bâti au début du XIVe siècle y gardait la route de La Faucille. Un peu après, lit-on dans Gex,700 ans d’histoire, le lieu-dit La Maladière garde la trace d’un hospice protégeant les voyageurs. Ici, la route, à nouveau modifiée, vire largement autour de l’ancien itinéraire, plus direct, mais plus escarpé (la rue de Rogeland). C’est au milieu du XIXe siècle que ces tronçons ont été retravaillés: pentes ramenées de 12%, 14% à 6% seulement. Les chevaux disent merci!

Le col de La Faucille au début du XXe siècle. Citation d'une carte postale collectée par le département de l'Ain. Ce site respecte le droit d'auteur. En cas de souci sur cette image, merci de le faire savoir à l'auteur du site.
Virage de la fontaine Napoléon (photo: MV, avril 2006).

Si la départementale 1005 entre dans Gex par la rue de Paris et l’avenue des Tilleuls en faisant une large boucle datant là encore du milieu du XIXe siècle, l’ancienne route impériale «plongeait» littéralement entre les vieilles maisons par la rue Charles-Harent. A Gex, lit-on dans La France par cantons et par communes (département de l’Ain), on trouve «peu de restes d’antiquités». Il y aurait eu un poste militaire, poursuit l’ouvrage, «ce qui rendrait ce fait probable, ce sont les vestiges d’une voie romaine, connue encore dans le pays sous le nom de Vi de l’Estroz», une route qui suivait le piémont jurassien. Au XIIe siècle, voit-on sur le site de la ville, «une seigneurie nouvelle est créée: Gex en est la capitale. De ces temps féodaux la postérité a retenu le nom de Léonette, dame de Gex, emblème de l’indépendance gessienne.» Un siècle plus tard, nous dit l’Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse (IVS), on y trouve une «une ville neuve, entourée de remparts, dotée d'importantes franchises, établie au carrefour des routes menant de Genève en Franche-Comté et de Lyon en Pays de Vaud et à Berne». En 1550, les murailles entourent plus de 120 maisons. Selon l’ouvrage Gex, 700 ans d’histoire, les habitants de Gex mettent en valeur «la vallée au milieu des forêts» (Mijoux) en franchissant La Faucille. A la fin du XVIe siècle, la ville est détruite par les Savoyards et les Espagnols. En 1601, sous le règne d'Henri IV, le pays de Gex est définitivement rattaché à la France avec la signature du traité de Lyon. En 1815 est créée la zone franche facilitant l’approvisionnement des Genevois. Gex est alors érigée en sous-préfecture, devient le siège des administrations financières, des Ponts et Chaussées, des Eaux et Forêts… Depuis les années 60, Gex connaît un véritable essor lié à celui de Genève.

Au centre-ville de Gex. La petite agglomération a eu l'excellentre idée d'afficher dans ses rues de vieilles cartes postales d'époque (photo: MV, avril 2010).

Entre Gex et Genève, la carte de Cassini de 1766 montre la réalisation de routes royales, projetées dès 1740, entre Collonges, Saint-Genis, Gex et Saconnex. Sur cette même carte, mais beaucoup moins rectiligne, la «route de Saint-Claude» relie Gex à Genève par Ornex, Fernex et le Grand-Saconnex. Dès 1736 cependant, selon l’IVS, ce chemin est élargi et corrigé par l’administration française des ponts et chaussées.

R.N.84: LYON PAR BELLEGARDE...
Suivez la route nationale 84, la route Genève-Lyon par Bellegarde, Nantua, Pont-d'Ain... Du Jura majeur au tonitruant Rhône... faites le plein d'émotions sur bitume!! (lire)

Ferney (initialement «Fernex») a pris officiellement le nom de Ferney-Voltaire à partir de 1878 en hommage à Voltaire qui y séjourna entre 1760 et 1778 pour sa proximité de la frontière, en cas de problème avec l'administration royale, et de Genève, ville de son rival, Rousseau. À son arrivée, le hameau comptait à peine une centaine d'âmes. Voltaire fit assainir les zones marécageuses, construire de nombreuses maisons, invitant des artisans, horlogers, tisserands, à s'y implanter. Le Guide littéraire de la France (Hachette, 1964) indique donc que «Voltaire créa le village autour du château (...) au bord de la route de Gex à Genève, le long de laquelle il fit planter des arbres.» A Ferney-Voltaire, la route blanche croise ce qui a été peut-être la première rocade de contournement de Genève, une voie construite en 1767 entre Meyrin et Versoix par les militaires français afin de finaliser le blocus des Genevois… En 1816, «Le rattachement de Meyrin, de Collex-Bossy et de Versoix à Genève, nous précise encore l’Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse, désamorce considérablement le rôle de la rocade française». Les frontaliers d’aujourd’hui n’ont peut-être pas le même avis! Dans les années 1970, on crée une route de contournement du centre de Ferney.

La statue de Voltaire à Ferney et son château (photos: MV, juillet 2006).

Pour entrer dans Genève, l’ancienne chaussée passait par le Grand-Saconnex (Ancienne-Route) pour rejoindre la cité lémanique devant la porte de Cornavin au faubourg de la Monnaie. Tout à été bouleversé au fil du temps: à la frontière avec la France, le lieu-dit La Limite et ses cafés populaires, tout comme la route ancienne disparaissent sous les travaux d’agrandissement de l’aéroport de Cointrin (1957-1962) puis de construction de l’autoroute A1 (1964). Un long tunnel est même réalisé en 1960 sous les pistes de l’aéroport. Des terrains sont même échangés entre France et Suisse. A côté, la commune du Grand-Saconnex fut rattachée à la France en 1601 puis retourne à Genève en 1816. Une nouvelle chaussée, longue de 230 toises, qui contourne le centre, date de la moitié du XIXe siècle. Selon une citation de l’époque reprise par l’IVS, «la malle-poste de Paris gagne, en moyenne, 1 minute 2/3 à la descente, et 1 minute 5/6 à la remonte; elle et le public ne courent plus les chances d'accidents qui tenaient les habitants de Saconnex dans une crainte continuelle»… Cela n’a pas dû être d’une grande efficacité: le 20 mai 1904, le conseil municipal décide «de faire poser des poteaux indicateurs et des écriteaux pour le ralentissement», découvre-t-on dans l’Histoire du Grand-Saconnex… Il est vrai que l’auto a fait son apparition! Au début du XXe siècle, une nouvelle route d’accès direct prolonge le contournement du Grand-Saconnex (route de Ferney). Nous voici au beau milieu du quartier des institutions internationales qui fleurissent désormais sur les bords du Léman. La suite de l’itinéraire ancien emprunte, à droite de l’avenue de France, la rue de Montbrillant qui se termine non loin de la gare de Genève-Cornavin. La route plus récente, suit, elle l’avenue de France jusqu’à son terme pour aboutir sur les quais Wilson et du Mont-Blanc. Ce dernier, achevé en 1857 est prolongé en 1867 du quai Wilson (appelé aussi quai du Léman). La route donne alors sur le pont du Mont-Blanc qui franchit le Rhône et marque la fin du lac Léman. L’ouvrage actuel, qui date d’octobre 1903 a été élargi en 1965. Le passage est très ancien: En 52 avant JC, César sabote le pont pour couper la route des Helvètes. Nous voici au cœur de Genève…

Le lac Léman à Genève et le fameux jet... Sept tonnes d'eau lancées dans l'air (photo: MV, octobre 2010).

La cité lémanique, lit-on dans l’Encyclopédie de Genève, «devient lieu de marché au XIe siècle, puis lieu de foires au XIIIe siècle». Elles nécessitent la «création d’auberges et d’hôtelleries pour accueillir les riches marchands». C’est déjà le luxe… En 1512, un arrêté recommande même la fabrication de pain blanc pour «l’honneur» de Genève puisque les étrangers s’y pressent! Au XVIe également, Jean Calvin y exerce une influence religieuse et politique considérable; la ville adopte la réforme protestante. Presque un siècle plus tard, en 1602, Charles Emmanuel 1er, duc de Savoie, échoue dans sa tentative de conquérir la ville en escaladant ses murailles. La commémoration de cet événement, appelé «l'Escalade», est la principale fête patriotique des Genevois. La ville reste attrayante. A la fin du XVIIe siècle, un atlas évoque même la surprise des voyageurs devant «la beauté de la situation» de Genève… Au XVIIIe siècle, des écrivains comme Rousseau ou des hommes de science comme Horace-Bénédict de Saussure vantent l’intérêt de la région. Genève s’affirme comme la «porte des Alpes». Le XIXe siècle confirme l’engouement d’une clientèle aisée, célèbre, souvent anglaise, pour les bords du Léman. John Ruskin, un écrivain-voyageur venu de Londres, fait plus de vingt fois le voyage de la Suisse entre 1833 et 1844: «Plus j’avance en âge, plus je rend grâce au ciel d’être né à Londres, assez près de Genève pour pouvoir aller facilement dans cette ville»…

BELLE «ROUTE BLANCHE»...
De Genève au Mont-Blanc... Il n'y a qu'un pas ou presque que franchit allègrement notre «route blanche», aboutissement touristique de l'itinéraire de Paris à la Suisse... (lire)

Genève: la route d'Evian part sur la gauche, suivant le quai Gustave-Ador (photo: MV, juillet 2006).

R.N.92: AUX CONTOURS DES MONTS
Entre Genève et Valence, cette belle route au parcours atypique visite monts et merveilles avant d'atterrir au pays des cigales... Une course au soleil qui va vous plaire (lire)

Un guide, le Murray’s handbook for travellers in Switzerland, qui paraît en 1838, estime qu’à Genève il y a déjà 30 000 visiteurs pour 30 000 habitants… Maupassant, en 1873, raconte son séjour: «Dans les fauteuils en rotin, de belles étrangères aux accents divers, des Françaises, des Russes, des Italiennes, tiennent un cercle rieur»… Une forme de jet-set, non? Les années précédant la Première Guerre mondiale sont l’apogée de ce tourisme mondain où se mêlent hommes d’affaires, politiques, écrivains, femmes de tous horizons… Les années qui suivent la guerre 14-18 voient la création à Genève de la Société des Nations (1919); puis c’est le siège européen de l’ONU qui s’y installe en 1946, entouré de dizaines d’organisations internationales. Non… Il n’y a pas que des émirs et des banquiers au bord du Léman!

Pour quitter la ville, il faut suivre le quai Gustave-Ador, bâti en 1856 afin de prolonger la promenade du lac. On y trouve la plus formidable attraction de Genève: le jet d’eau qui s’élève à 140 mètres de hauteur depuis le bout de la jetée des Eaux-Vives. Son origine est pratique. En 1886, une société de distribution d’eau voyant la demande baisser le soir, laissait jaillir les excédents à l’usine de pompage de la Coulouvrenière. En sortait un petit jet d’eau… qui a donné, en 1891, l’idée à la ville de Genève d’en installer un plus grand dans la rade… Aujourd’hui, le jet est motorisé par des motopompes de 1000 kW et est visible (par beau temps) depuis le col de La Faucille!

A gauche et à droite, juchée sur le petit pont sur l'Hermance, la mignonne borne-frontière de 1816 sous ses deux aspects (Photos: Marc Verney, avril 2006).

Entre Genève et Thonon, nous dit l’Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse, la voie fait partie d'une «liaison transrégionale séculaire, reliant la grande cité lémanique au Valais et à ses cols». D’ailleurs, un lieutenant de César, Servus Galba, l'emprunte en 57 avant J.C. La route d’aujourd’hui, qui passe par Douvaines est née d’un projet sarde de 1756. Il s’agit de construire, de La Capite à Thonon, la «chaussée du Chablais» qui permettra d’améliorer le commerce chablaisien avec Genève. Les travaux, qui débutent en 1762 se terminent en 1788. La nouvelle voie est large et file droit dans le paysage. Côté suisse, on raccorde la chaussée savoyarde à Genève à partir de 1768 avec une voie de 24 pieds de largeur entre Cologny et La Capite (un hameau né au XVIIIe siècle où l’on trouve la maison des douanes sardes). Nicolas Céard, l’ingénieur de Napoléon ne fera qu’améliorer ce tracé sur la route du Simplon. Plus tard, en 1847, une route longeant les rives du Léman déclassera l’itinéraire précédent entre Cologny et La Pallanterie. On modernisera également la route jusqu’à la frontière savoyarde. D’après l’IVS, «le pont Neuf qui franchit la frontière sur l'Hermance est construit en béton avec des parements de pierre

Ce duo de panneaux Michelin a été photographié en juillet 2006 à Bonnatrait en Savoie (photo: MV, juillet 2006).

La route, désormais revenue en France (D1005), traverse, nous raconte le Guide Diamant Savoie-Dauphiné, «la ravissante campagne du Chablais dominée à droite par le mont de Boisy (735 m)». On croise des villages sans histoire: Douvaine, Massongy, Sciez… Non loin se trouve le bourg d’Excenevex, connu pour sa plage et ses dunes de sable fin, un ensemble unique en Europe occidentale. Après avoir franchi le Foron, la route part en quasi ligne droite en direction de Thonon. Jadis territoire allobroge, on trouve à l’emplacement de la ville actuelle à l’époque gallo-romaine une station d'étape de la voie de Genève à Saint Maurice, nous raconte le site de la cité. D’ailleurs, d’après ville-thonon.fr, «ce lieu connut dès le Ier siècle après J.C. un développement important, il devint à la fois un lieu de production d'objets manufacturés, un marché et un centre agricole». Après les Burgondes et les Mérovingiens, le bourg passe sous la domination de la maison de Savoie, qui en fait sa résidence principale jusqu’au XVIe siècle. Durant ce siècle, Bernois et Genevois envahissent souvent le Chablais. Si, à la fin du XVIe, la paix de Vervins rend Thonon aux Savoyards, la cité bascule dans l’Empire français au début du XIXe siècle et devient sous-préfecture du département du Léman. La chute de Napoléon Ier provoque le retour du Chablais dans le giron sarde mais «l’italianisation» de plus en plus grande du Piémont-Sardaigne provoque la colère des Savoyards. Alors on milite aussi bien pour le rattachement à la France qu’à la Suisse… Finalement, le 24 mars 1860, Napoléon III et Cavour signent le traité de Turin qui marque l'annexion de la Savoie à la France. Sous le Second Empire, Thonon se développe (chemin de fer, thermalisme)… Il faut également noter que Thonon-les-Bains est le point de départ (ou bien d'arrivée) de la Route des Grandes Alpes. Cette voie dédiée au tourisme a été projetée dès 1909 par le Touring club de France (TCF) pour relier les bords du Léman à Nice.

La route nationale 5 historique arrive à Evian-les-Bains (photo: MV, avril 2006).

Dans les anciens temps, la communication entre Thonon et Evian se faisait par un pont dont le passage pouvait paraître périlleux, ainsi, dans les Annales des voyages, de la géographie, de l'histoire et de l'archéologie (1825), ce voyageur raconte «qu’à une grande demi-lieue de Thonon», il franchit «le torrent de la Dranse sur un pont dont la longueur est de près de 600 pas: il est soutenu par 24 arches, mais tortueux et tellement étroit, que, si l’on eût pratiqué vers le milieu un espace un peu plus large, deux voitures ne pourroient s’y croiser. Ce méchant pont date du XVe siècle. Il contraste avec le bon état de la route»… Des travaux, pour améliorer l’ouvrage, sont menés de 1792 à 1844, nous dit l'Histoire de Thonon et du Chablais. Dans le même temps, on améliore la chaussée entre Thonon et Evian. Aux portes d’Evian, voilà la commune de Publier-Amphion, dont la station thermale fut très en vogue sous le Second Empire. C’est là que l’on trouve d’ailleurs depuis 1965 l’usine d’embouteillage des eaux… d’Evian, la cité voisine!

Evian: la source Cachat (photo: MV, juillet 2010).

La ville d’Evian-les-Bains qui fut une des résidences des ducs de Savoie, va devenir mondialement connue grâce à un… Auvergnat! Celui-ci, fuyant la Révolution en 1789 boit l’eau d’une source jaillissant dans le jardin d’un certain Gabriel Cachat afin de soigner ses calculs rénaux. «Après un usage répété, son état s’améliore et les symptômes de sa maladie disparaissent», lit-on sur le site internet de l’eau d’Evian… Du coup, un premier établissement thermal naît en 1824 autour de la source Sainte-Catherine. C’est le début d’une fantastique histoire industrielle qui fait de cette eau minérale l’une des plus vendues dans le monde au XXIe siècle. Et pourtant, en 1860, Evian, nous dit le Voyage dans la Suisse française et le Chablais, a encore «l’aspect d’un village négligé et mal bâti, à l’exception de sa rue principale, longue mais étroite et pavée de petits cailloux pointus»… Aujourd’hui, une promenade sur le front de lac, gagnée sur l’eau en 1865 et par où passe la R.N.5 historique donne un tout autre visage d’Evian… Enfin, la cité se trouve une place dans la grande histoire de France puisque Evian est le lieu de la signature, en 1962, des accords qui ont mis fin à la guerre d’Algérie… Les négociations –secrètes- ayant notamment eu lieu dans le Jura, au bord de la R.N.5 historique, non loin du centre du village des Rousses.

Il reste 11 km à parcourir sur la route nationale 5 historique (photo: MV, avril 2006).

Après Evian, la route carrossable réalisée par les Sardes au XVIIIe siècle s’interrompait au village de la Tourronde… Ce sont les ingénieurs napoléoniens, et en particulier Nicolas Céard, qui se lancent –à partir de 1802 jusqu’en 1811- dans un travail de titan: faire passer en corniche une large route au pied des rochers tombant presque à pic dans l’eau du Léman (auparavant c’était des barques qui contournaient l’obstacle). A Meillerie, découvre-t-on dans le Voyage dans la Suisse française et le Chablais, «le percement de la route du Simplon a coupé ces beaux rochers qui trempaient leur base dans le lac, a gâté et dénaturé à plaisir ces sublimes paysages de la rive gauche, généralement supérieurs par leur sauvagerie même, à ceux de la rive droite. Aujourd’hui la mine les éloigne encore. Les quartiers neufs de l’opulente Genève sortent de ces carrières calcaires.» Admiratif du travail des ingénieurs français, l’auteur d’un tour du Léman publié au début du XIXe siècle dans les Annales des voyages, de la géographie, de l'histoire et de l'archéologie décrit les «premiers rochers de Meillerie, aujourd’hui taillés en muraille le long de la route… Les blocs immenses qu’on en a détachés ont servi à faire cette espèce de quai continu et long de plusieurs lieues. Le chemin, partout d’une largeur suffisante (…) est bordé d’une lisière de bornes d’une coupe élégante». Mais un chemin vers Saint-Gingolph y aurait quand même déjà existé depuis longtemps: selon Evian et le Chablais: au fil de l'histoire, «les Gallo-Romains, par un effort considérable ont établi une route qui a presque la largeur normale, 3,70 m, car il a fallu entailler la roche sur une assez grande longueur. Ne possédant pas d’explosifs, les ouvriers ont fait le travail à la main, uniquement au pic».

Le bourg de Saint-Gingolph est dominé par les imposantes montagnes alpines (photo: MV, avril 2006).

L’axe reste dangereux au fil des années: l’ouvrage Meillerie ou les cailloux de la gloire publie une lettre datée de mars 1911 adressée au président du Touring club de France dans laquelle l’auteur, Paul Simond, directeur de l’Echo de Paris, explique qu’entre Meillerie et Saint-Gingolph, les exploitants des carrières de pierre «ont pris possession de la route et l’ont transformée en une véritable chantier»… L’auteur y évoque aussi les «coups de mine» qui font dévaler les rochers sur la chaussée, les «fragments de silex» qui crèvent les pneus des vélos et automobiles… Et, de nos jours, au XXIe siècle encore, la voie est fréquemment bloquée par d’immenses éboulements qui s’échappent de la montagne blessée… De Meillerie à Saint-Gingolph, il n’y a plus que 7 km de route. Voici le hameau du Locum: on y trouvait le bureau de douane d’une toute petite zone franche créée aux abords de la frontière suisse et sarde au début du XIXe siècle. Cette zone avait été alors décidée pour pallier aux aléas économiques liés à la coupure en deux du bourg de Saint-Gingolph, qui, de fait, se trouve à cheval sur la frontière franco-suisse. La toute dernière bourgade traversée par la R.N.5 historique aurait été bâtie, selon le site du village, à partir du VIIe siècle après un éboulement ayant ravagé un précédent hameau.

Saint-Gingolph: la frontière franco-suisse (photo: MV, avril 2006).

Au fil des siècles, le bourg se développe autour d’activités comme l’exploitation du bois et des châtaigniers, la construction de bateaux, les carrières ou la production et le commerce de la chaux. Mais, c’est à la fin du XIXe siècle que Saint-Gingolph s’ouvre au tourisme avec l’accostage –le long de son embarcadère- des fameux bateaux à vapeur du lac Léman. C’est le drame à la fin juillet 1944: le bourg (côté français) est ravagé par les Allemands, furieux d’avoir été attaqués par la Résistance. C’est donc ici que s’achève la R.N.5 historique… On aura parcouru cinq cent soixante-huit kilomètres depuis Paris! La route impériale voulue par Napoléon Ier s’échappe maintenant en direction de Saint-Maurice et de la haute vallée du Rhône dans le Valais. Après avoir franchi le col du Simplon depuis Brigue (route carrossable principalement réalisée entre 1801 et 1805 sur des plans de l’ingénieur Céard, constamment améliorée par la Suisse dans la deuxième partie du XXe siècle), on atteindra Milan… Rome! Mais ceci est une autre histoire.

Marc Verney, Sur ma route, avril 2014

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