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Sortie de Paris à la porte de la Villette (photo: MV, déc. 2005).

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SOURCES ET DOCUMENTS:
Atlas des grandes routes de France (Michelin, 1959), carte Michelin Sorties de Paris n°100 (1965); carte Michelin 150 km autour de Paris n°97 (1970); Analyse des vœux des Conseils généraux de département, session de 1841, imprimerie royale (1841); Aubervilliers, Léon Bonneff, Saint-Vaast-la-Hougue, l’Amitié par le livre (1949); Aubervilliers à travers les âges, Jacques Dessain, édité par Louisette et Jacques Dessain (1998); Aubervilliers, notre village, Société de l’histoire et de la vie à Aubervilliers (1985); En une forêt plus grande que Paris, Jacques Chauvin, imp. V. Suin (1989); Guide du Routard Picardie, Hachette (2011-2012); Histoire de la ville de Dammartin, Victor Offroy, librairie de Lemarie fils (1873); Histoire de la ville de Soissons, Jean Leroux, imprimerie de EM Fossé Darcosse (1839); Histoire des rues d’Aubervilliers, T2, J. Dessain, C. Fath, J.J. Karman (recueil d’articles du Journal d’Aubervilliers, 1985-86); Histoire du Valois, Victor Dujardin, Céret (1887); Itinéraire complet de la France, par M.L.D.M., chez Louette, libraire (1788); La deuxième bataille de la Marne, Michelin (1919); Les Echos de la Forêt de Retz, décembre 2010, n°55; La Plaine Saint-Denis, Anne Lombard-Jourdan, CNRS éditions, PSD éditions (1994); Les routes de France du XXe siècle, 1900-1951, Georges Reverdy, Presses de l’ENPC (2007); Le Soissonnais dans la Grande Guerre, Pascal Chambon, éd. A. Sutton (2011); Recueil de documents statistiques (T.1), ministère des Travaux publics, de l'Agriculture et du Commerce, Imprimerie royale (1837); Relevé des documents intéressant le département de Seine-et-Marne, par l'archiviste du département, Typographie de Ernest Bourges (1883); Si la route de Flandre nous était contée, M. Aubert, J. Dessain, M. Gripon, R. Roehr (plaquette éditée à l’occasion de festivités de la RN2000); Situation des travaux, ministère des Travaux publics, Imprimerie royale (1840); Soissons, Jacques et Edith Chauvin, éd. A. Sutton (1999); Soissons, d’hier et d’aujourd’hui, Citémis éditions (1998); Soissons: son histoire illustrée à travers ses rues, places, monuments et ses habitants, Geneviève Cordonnier, FeniXX réédition numérique (1985); Statistique du département de l'Aisne, Jean Baptiste Louis Brayer de Beauregard, imprimerie de Melleville (1825); Sur les chemins de la victoire, Villers-Cotterêts, Soissons, Laon, comte Maxime de Sars, impr. du Courrier de l’Aisne (1934-1991); Sylvie, Gérard de Nerval, Livre de Poche (1999); Villers-Cotterêts, un château royal en forêt de Retz, Christiane Ribouleau, Cahiers de l’inventaire, Association pour la généralisation de l’inventaire régional en Picardie (1991); Voie historique, de Paris aux Ardennes, de César à De Gaulle, Marcel Fèvre, FeniXX réédition numérique (1973); drancy.fr; histoireaisne.fr (site de la fédération des Sociétés d'histoire et d'archéologie de l'Aisne); leplessisbelleville.com; lespontssurlaisne.free.fr; roissyenfrance.fr; tourisme93.com;Wikipédia, Wikisara.

Face à la gare SNCF de Villers-Cotterêts, ce vieux poteau Michelin indique le cimetière militaire de la cité, qui a été au coeur des combats de la Première Guerre mondiale (photo: MV, janvier 2013).

Localités traversées par la N2 (1959):
Paris, porte de la Villette (boulevard périphérique)
Aubervilliers/Pantin
Le Bourget
La Patte-d'Oie (N17)
Roissy-en-France
Le Mesnil-Amelot
Villeneuve-sous-Dammartin
Dammartin-en-Goële
Le Plessis-Belleville
Nanteuil-le-Haudouin
Lévignen
Gondreville
Vauciennes
Villers-Cotterêts (N36)
Maison-Neuve
Vertes-Feuilles
Gravançon
Soissons (N31)

A Nanteuil-le-Haudouin (photo: MV, février 2013).
L'abbaye de Longpont est à découvrir dans la forêt de Villers-Cotterêts (photo: MV, sept. 2006).
Sur la RN2, entre le cimetière militaire de Vauxbuin et Soissons (photo: MV, février 2013).
Situation de la route nationale 2 sur les cartes Michelin Etat des routes
En 1927, au sortir de Paris, la RN2 est en pavé ordinaire jusqu’au Bourget. Le pavé devient mauvais de Roissy-en-France jusqu’à 5 km de Villers-Cotterêts. Après, jusqu’à Soissons, puis Laon, la route est recouverte de macadam. A l’époque, la carte Michelin distingue la route «moderne», dont le revêtement est composé de petit pavé, asphalte, ciment sur fondations solides. Dans la région, c’est le cas de la RN17 vers Senlis. Au printemps 1930, la RN2 est en bon état durable jusqu’au Bourget. Plus loin, ce n’est pas bon jusque vers Villers-Cotterêts avec une chaussée en mauvais état. Après, jusqu’à Laon, la nationale 2 est dans un état correct. Encore plus tard en 1938, la sortie de Paris jusqu’à l’embranchement avec la RN17 est encore lente, puis moyenne sur une quinzaine de kilomètres et rapide jusqu’à Villers-Cotterêts. De là, la chaussée est très rapide jusqu’à Soissons. Enfin, quelques kilomètres après Soissons et entre le Chemin des Dames et Laon, la route est moderne (chaussée plate, très large, virages relevés, antidérapante). Après la Deuxième Guerre mondiale (1947-48), la RN2 est toujours indiquée comme lente jusqu’à l’aéroport du Bourget (pavé mauvais entre la Patte-d’Oie et Roissy-en-France), moyenne sur quelques kilomètres puis rapide ensuite, sauf après Soissons (lente) et avant Laon (lente). En 1952-53, la carte Michelin montre des difficultés ponctuelles entre Dammartin-en-Goële et Nanteuil-le-Haudouin; plus loin, la déviation au sud de Laon est esquissée (entre RN2 et RN44). En 1959, les routes RN2 et RN44 contournent presque totalement Laon par le sud.
Une route où le camion est roi, on vous dit! (photo: MV, février 2013)
Soissons: détail de l'épisode du vase sculpté sur le monument de la place Marquigny (photo: MV, décembre 2012).
A l'entrée de Soissons, côté route de Laon (photo: MV, décembre 2012).





Belles routes de France...
R.N.2: LA BELGIQUE EN DROITE LIGNE (I)
La route nationale 2 historique relie Paris à Maubeuge et conduit, plus au nord, chez nos voisins belges, à Mons puis à Bruxelles. Au passage, ai-je écrit en octobre 2006, la route traverse la forêt de Retz, à Villers-Cotterêts, s’attarde à Soissons, contourne la splendide cité de Laon et sillonne deux belles régions vertes: la Thiérache, autour de Vervins et l'Avesnois, vers Avesnes-sur-Helpe. Nous avons entièrement refait le trajet en février 2013 après une première virée en septembre 2006. En ce XXIe siècle déjà bien avancé, de nouvelles ressources en ligne viennent s’ajouter aux premiers ouvrages consultés. Du coup, voilà plein de raisons pour aller danser à nouveau sous le fameux clair de lune à Maubeuge chanté il y a quelques années par Bourvil... Mais toujours avec le trajet 1959 sous notre loupe de chercheur de vieux bitume! Première partie: de Paris à Soissons...

Sur la R.N.2, un peu avant Soissons (photo: Marc Verney, février 2013). Attention, en cliquant sur l'image vous continuez la promenade sur la R.N.2.

En 1959, la R.N.2 historique sort de la capitale à la porte de La Villette en empruntant la route de Flandre (également nommée Pavé de Paris à Senlis). Ce hameau de La Villette (350 habitants en 1789) ne fut longtemps qu’un lieu de passage qui vivait principalement avec les voyageurs et les rouliers jusqu’au début du XIXe siècle. Il est rattaché à Paris en 1859 et devient vite un vaste pôle d’industries. La carte d’état-major publiée par le Géoportail de l’IGN montre en 1954 un quartier du Pont-de-Flandre lacéré par les voies de communication: le chemin de fer de petite ceinture qui jouxte les voies issues de la gare de l’Est, le canal Saint-Denis… A droite, voilà les abattoirs, inaugurés en 1867 «avec les trois halles gigantesques du marché aux bestiaux», raconte le site tourisme93.com. C'est en 1865, dit encore ce site que «le baron Haussmann, chargé par Napoléon III de "moderniser" l'urbanisme parisien, décide de regrouper à la Villette les abattoirs et marchés aux bestiaux de Paris». Dans cette véritable «cité du sang», 23.000 moutons et 5000 boeufs sont abattus et dépecés chaque jour au début du XXe siècle. A proximité se trouve le pont en arc qui franchit le canal Saint-Denis. La carte de Cassini (XVIIIe) montre bien la «route de Senlis» qui s’étend au travers des campagnes jusqu’à la «patte d’oie» de Gonesse. Avant cette époque, la chaussée a un tracé plus sinueux; peu de bâti aussi: le relais de poste du Bourget sera juste renforcé d’un autre aux Quatre-Routes, au nord-est d’Aubervilliers… la zone, peut-on lire dans Si la route de Flandre nous était contée, ne commence à se construire timidement qu’au milieu du XIXe siècle avec l’extension des limites de Paris. On est alors dans une contrée quasi rurale: le maire d’Aubervilliers menace, en 1854, de dresser contravention à l’encontre de ceux qui déposent des tas de fumier sur la route de Flandre.

PERIPHERIQUE PARISIEN: L'ANNEAU MAJEUR
Avant de sortir de Paris, un petit tour sur le boulevard périphérique de la capitale? On y rencontre du béton, du métal et du plastique. Des gens, aussi... (lire)

Carte postale éditée par GF montrant la porte de Paris et la route de Flandre au début du XXe siècle (note: cette image se trouve dans le domaine pubilc car son copyright a expiré). Document scanné par Claude Villetaneuse, source: Wikipédia.

Le développement urbain et social n’y est d’ailleurs pas toujours maîtrisé… Au cœur de ce XIXe siècle industrieux et impérial, les riverains demandent l’installation d’un poste de police aux Quatre-Chemins (sud-est d’Aubervilliers) à cause «des attaques nocturnes, luttes à main armée route de Flandre»! Après la guerre de 1870, les lieux se peuplent d’Alsaciens et de Lorrains refusant de devenir Allemands au point que ce quartier sera parfois surnommé la «Petite Prusse». L’écrivain Léon Bonneff, dans son livre Aubervilliers décrit bien l’ambiance de l’endroit à l'orée du XXe siècle: «Sur les glacis des fortifications et le long d’un kilomètre de trottoirs, un marché pouilleux ouvre le dimanche (…)… Les voitures de gros charroi roulent pesamment sur le pavé gris creusé de rails. Les tramways à un étage dont la peinture verte, noircie par le temps et les averses, s’écaille par endroits, se frayent un passage à coup de cloches continus (…). Les grilles sont encombrées de voitures et d’autos que retiennent les formalités d’octroi». Et puis il y a le cimetière de Paris, installé côté Pantin: «Tenant le milieu de la chaussée, les convois funèbres montent vers le cimetière parisien. Du matin au soir, Paris déverse des enterrements. Les voitures mortuaires passent dans le tumulte du marché, le roulement des camions, le crissement des fritures»… Le quartier des Quatre-Routes s’édifie après 1920. Là encore, la vocation industrielle prédomine. Et l’histoire imprègne les pavés de son cortège de guerres: soldats volontaires de 1792, troupes russes au Bourget en 1814, combats aux Bourget entre Français et Prussiens à la fin des Cent jours en juin 1815, guerre de 1870 et siège de la capitale par les Prussiens… Voilà encore 14-18… la R.N.2 est parcourue vers le sud par les colonnes de réfugiés belges et du nord de la France alors qu’en sens inverse transitent les troupes qui montent au front. La chaussée, recouverte de pavés en 1823, est totalement défoncée par ce trafic incessant. A droite, la R.N.2 effleure Drancy. Dans le but d’attirer les acheteurs, principalement des ouvriers modestes, les promoteurs immobiliers du début du XXe siècle ont donné des noms attractifs comme «l’Avenir parisien (qui jouxte la nationale), Paris-campagne, Les Oiseaux ou le Village parisien», raconte drancy.fr. Un peu plus loin, sur la gauche du tracé, l'aéroport du Bourget naît en 1920 d’un terrain militaire créé pour le premier conflit mondial. C’est là que se posera, en mai 1927, devant une foule immense l’aviateur Lindbergh, après sa traversée de l’Atlantique en solitaire à bord du Spirit of Saint Louis. Le Bourget aura été le premier aéroport français à disposer d’une piste en dur. Mais l’état de la route sur les treize kilomètres entre Paris et son principal port aérien va longtemps faire jaser. En août 1922, le directeur de la navigation de la plate-forme pond une note plutôt énervée: «Le trafic actuel, ainsi que celui que l’on est en droit d’espérer dans l’avenir pour le port aérien du Bourget, nécessiterait la réparation de cette voie d’accès, dont les imperfections ne peuvent qu’indisposer la clientèle de luxe appelée à y circuler en automobile».

A VOIR, A FAIRE Le musée de l’Air et de l’Espace, situé dans l’ancien aérogare du Bourget construit en 1937. On y trouve notamment le prototype du Concorde. La Grande Galerie, ouverte en 1987, présente la plus belle collection d’avions originaux et d'éléments d'aérostation des débuts de l’aviation et de la guerre 1914-18.


R.N.17: LE TOUR DES BEFFROIS
La RN17 de 1959 relie Le Bourget à Lille en passant par Senlis, Péronne, Cambrai et Douai. Cap au nord pour une route qui file droit sur la métropole lilloise. (lire)

Au carrefour de la Patte-d’Oie, au niveau de Gonesse, la nationale 2 de 1959 part sur la droite (D902 aujourd’hui), en laissant filer plein nord la chaussée de Senlis (ancienne R.N.17). La carte de Cassini (XVIIIe) montre déjà ce carrefour. Dans les années cinquante, on ne parlait pas encore du gigantesque aéroport Charles-de-Gaulle, venu depuis mars 1974 se poser sur les immensités fertiles de la région, entre Roissy-en-France et le Mesnil-Amelot. Avant d’accueillir la vaste plate-forme, «Roissy-en-France, dit le site de la localité, était un prospère village agricole riche de terres fertiles, greniers à blé des rois, fief des grands commis de la royauté que furent les De Mesmes. Plusieurs seigneurs ont fait l’histoire du village. On peut encore admirer, dans Roissy-en-France, les vestiges du château dans lequel résidèrent ces seigneurs de siècle en siècle» (roissyenfrance.fr). Dans ce bourg du Val-d'Oise, aujourd’hui, c’est l’avenue Charles-de-Gaulle qui suit le tracé de l’ancienne route nationale. Pour suivre le trajet historique de la R.N.2, il faut rejoindre la départementale 401, qui relie le Mesnil-Amelot à Dammartin-les-Goële (le zigzag dans l’aéroport est fastidieux mais possible). Au-dessus de nos têtes, les jumbos grondent au-dessus des maigres alignements d'arbres censés humaniser les lieux... Du coup, on pense à ces mots de Gérard de Nerval dans Sylvie: «Quelle triste route, la nuit que cette route de Flandre, qui ne devient belle qu’en atteignant la zone des forêts! Toujours ces deux files d’arbres monotones qui grimacent des formes vagues». Le Relevé des documents intéressant le département de Seine-et-Marne évoque des «travaux de route» entre 1760 et 1767 sur le «chemin de Roissy au Mesnil-Amelot». On retrouve, au Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), la rue de Paris. «Sous l'Ancien Régime, la commune disposait d’un important relais de poste le long de l’ancienne voie royale Paris-Soissons-Reims», signale le site lemesnilamelot.fr. La D401 s’échappe maintenant par l’est en direction de Villeneuve-sous-Dammartin, à quarante kilomètres (déjà!) de Paris. «En 1914, la R.N.2 était totalement pavée, cahotante», écrit Marcel Fèvre dans l’ouvrage Voie historique, de Paris aux Ardennes, de César à De Gaulle. C’est dans des travaux de revêtement «qu’ont disparu en 1933 ces gros pavés de grès, devenus chaotiques, qui avaient supporté jadis les carrosses royaux, puis les armées alliées de la campagne de France», signale Alain Arnaud dans l'article «Quelques étapes de la cartographie routière en Valois» (histoireaisne.fr).

A gauche, la route (aujourd'hui D401) passe sous l'axe des pistes de l'aéroport de Roissy. Le bruit est infernal. A droite, anciennes publicités peintes dans le centre de Soissons (Photos: Marc Verney, sept. 2006).

On traverse Dammartin-en-Goële, bourg aujourd’hui un peu endormi, perché au sommet d’une butte et ancienne étape sur les chemins du sacre des rois de France, en suivant la rue Charles-de-Gaulle. «Dammartin-en-Goële fut le siège d'un comté échu à Antoine de Chabannes», écrit Wikipédia. Au XIIe siècle, la ville avait un prieuré cure et une maladrerie, mais en 1236, un incendie détruisit presque toute la ville. «En 1554, la famille de Chabannes vend le comté de Dammartin au connétable Anne de Montmorency. En 1593, la ville est prise par Henri IV. En 1632 la terre est confisquée après l’exécution de Henri II et Dammartin est donné au prince de Condé», dit encore l'encyclopédie Wikipédia. Le château fut démantelé par Richelieu. Son emplacement surplombe toujours la ville: c'est l'esplanade du Château. La grande route qui travers la ville de Dammartin fut «tracée en 1767» et vit s'élever de part et d'autre «les deux rangs de maisons qui la bordent et forment la rue neuve», découvre-t-on dans l'Histoire de la ville de Dammartin. Passé le château de la Tuilerie, le bitume à deux fois deux voies crache son lot de voitures rapides et de lourds semi-remorques. Voilà désormais les villages de Lagny-le-Sec et du Plessis-Belleville, à peine effleurés par le bitume moderne. Ce dernier village, écrit le site leplessisbelleville.com, «constituait une étape sur la route Paris-Soissons grâce à l’auberge relais de poste de la Malnoury dont le lieu-dit se trouve toujours au croisement de la D100 et de la R.N.2 et dont la réputation serait due à la qualité médiocre des repas qui y étaient servis». C’est peut-être un peu exagéré… la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par l’IGN y dévoile l’auberge de la Bonne rencontre! Juste après le lieu-dit «le Chemin de Paris», on croise le bourg de Nanteuil-le-Haudoin. Sous l'Ancien Régime, la localité avait un «château très important», possession des familles de Guise et Schomberg. Mais il a été «détruit en 1794 durant la Révolution française», indique Wikipédia. La Situation des travaux au 31 décembre 1839 mentionne «des réparations de pavages entre la limite de Seine-et-Marne et Nanteuil-le-Haudoin». De même, la côte située à la sortie du bourg sera rectifiée, écrit le Recueil de documents statistiques (1837). L’endroit est surtout célèbre pour l’épisode dit des «taxis de la Marne». Le 7 septembre 1914, plusieurs centaines de taxis parisiens (Renault modèle 1908 principalement) vont transporter environ 4000 soldats français entre Gagny et Nanteuil pour renforcer la VIe armée qui attaque les unités de Von Kluck marchant sur Paris. L’impact militaire est minime mais l’aspect psychologique de l’opération en fait l’action emblématique de la bataille de la Marne… A Péroy-les-Gombries, l’ancienne R.N.2 passait par le lieu-dit «la Vache-Noire». Peu après, endroit bien connu des automobilistes de la région, on franchit, avant Boissy-Levignen, le site d’essai de peintures routières géré par l'Association pour la certification et la qualification des équipements de la route (Acquer).

A Gondreville (Photos: Marc Verney, février 2013).
Un regard au vieux pavé de la côte de Vauciennes (Photos: Marc Verney, février 2013).

Quelques kilomètres plus loin, à Lévignen, bourg tout aussi contourné que les précédents, une vieille plaque toute noire, planquée haut sur une façade, à la sortie nord du village, indique «la route nationale 2 de Paris à Maubeuge». Bon sang! Les cochers ne sauraient avoir tort... On verra la même dans le village de Gondreville, au virage de la nationale. Georges Reverdy, dans Les routes de France du XXe siècle, 1900-1951, nous indique que des «chantiers expérimentaux d’enrobés voient le jour après 1946» sur la R.N.2 dans l’Aisne, avant Villers-Cotterêts. On entre dans le bois de Tillet. A la hauteur de Vaumoise, notre route croise la ligne de chemin de fer de Paris à Soissons ouverte en 1862. A Vauciennes, voilà la vallée de l’Automne et la spectaculaire montée, aujourd’hui adoucie, pavée depuis fort longtemps. On peut en voir quelques uns sur l’ancienne chaussée, en contrebas du moderne bitume. C’est une ordonnance royale du 28 août 1840 qui ordonne la «rectification de la côte de Vauciennes, dans le département de l’Oise». Autour de la route à la circulation tumultueuse, une région, le Valois (réuni à la couronne de France au début du XIIIe siècle), à quelques lieues des vastes plateaux céréaliers. Les étapes charmantes autour de la vallée de l’Automne se succèdent: Crépy-en-Valois, l'église de Morienval, l'abbaye de Lieu-Restauré, le donjon de Vez... et enfin Villers-Cotterêts, au coeur de la forêt de Retz. La nationale 2 n'y passe plus depuis 1968 mais on peut signaler que Villers-Cotterêts est la ville de la fameuse ordonnance du 15 août 1539, signée par François 1er, qui prescrit l'usage du français au lieu du latin dans les actes publics...  Ces quelques mots, lus dans l’ouvrage Histoire du Valois: «Les maisons blanches de cette coquette petite ville produisent sur le fond de verdure de la forêt de Retz le plus gracieux effet». On entre dans la cité, née au point de convergence de quelques chemins gaulois, par la départementale 231 et le faubourg de Pisseleux, rattaché à sa voisine en 1971. Amusante anecdote narrée dans l’ouvrage En une forêt plus grande que Paris de Jacques Chauvin, cette chamaillerie autour de l’accueil de Charles X en 1827: les maires de Pisseleux et de Villers-Cotterêts se sont disputé le droit de prononcer le discours de bienvenue au roi devant toutes les autorités du département… Le droit de parler ayant été remporté au finish par Villers-Cotterêts! L’histoire de la ville est liée aux rois de France, qui venaient chasser en forêt de Retz. François Ier y fait rebâtir un château sur les ruines d’une ancienne forteresse datant du roi Dagobert. Le roi y donnera des fêtes fastueuses jusqu’en 1547. Suivi par son fils, Henri II. Le bourg s’organise autour des activités royales: aubergistes, artisans, ouvriers s’installent dans des maisons placées le long de la route. Un profond changement intervient en 1808: Napoléon Ier transforme le château en dépôt de mendicité pour les Parisiens. Après avoir été une maison de retraite dépendant de la ville de Paris, la République y ouvre la Cité internationale de la langue française en 2023.

Plaque de cocher à l'entrée de Villers-Cotterêts, en direction de Paris (Photo: Marc Verney, janvier 2013).

A VOIR, A FAIRE Le château, construit principalement de 1532 à 1540 et très remanié au fil des siècles. Belles promenades dans le parc, embelli par Le Nôtre. A Villers-Cotterêts, on est également fier d’héberger la maison natale d’Alexandre Dumas (père). Un musée retrace aussi la vie de l’auteur des Trois mousquetaires (évocation du père général et du fils, qui lui se rend célèbre avec La Dame aux camélias). Dans la région, on peut visiter les ruines très romantiques de l’abbaye de Longpont, village situé sur la voie romaine Soissons-Meaux. Multiples randonnées possibles dans la forêt de Retz (13 225 ha).


R.N.36: TRANCHE DE BRIE
De Villers-Cotterêts à Melun, voilà une promenade tranquille dans un coin de Brie peu fréquenté sur une chaussée royale au tracé unique (lire)

On sort de la ville par la D231 (quelques bornes royales sur le trajet). De Villers-Cotterêts à Soissons, la R.N.2 est une voie rapide, qui s'impose dans un premier temps à la forêt, large tranchée dans des bois qui ont connu de nombreux combats durant la guerre 14-18... dont notamment l'offensive Mangin d'août 1918 qui aboutit à la victoire sur l’Allemagne en novembre de la même année grâce à l’utilisation judicieuse de petits chars Renault bien camouflés dans la forêt. «En sortant de la forêt de Retz, peut-on découvrir dans le livre Sur les chemins de la victoire, Villers-Cotterêts, Soissons, Laon, on atteint un vaste plateau sans ondulation, qui offre en été le spectacle d’infinis champs de blé ou de betteraves. (…) La houle dorée des blés n’est rompue que par de grosses fermes isolées». La route croise alors le cimetière militaire français de Vauxbuin. Là, on remarque, dessiné sur la carte d’état-major des années cinquante publiée sur le site de l’IGN, une «chaussée Brunehaut» qui part du cimetière et contourne la «Montagne de Paris» par l’ouest en gagnant Maupas par le vallon des Chaudières. Un ancien chemin vers Soissons utilisé jusqu’au début du XVIIIe siècle. «En 1722», écrit Geneviève Cordonnier dans l’ouvrage Soissons: son histoire illustrée à travers ses rues, places, monuments et ses habitants, «on songea à régulariser les chemins autour de Soissons. La (nouvelle) route descendait en lacets la montagne de Presles et gagnait en ligne droite le dehors de la porte Saint-Christophe, qu’on nomma aussi à partir de ce moment porte de Paris». Rectifiée par ordonnance royale en 1843, c’est encore notre R.N.2 (améliorée) d’aujourd’hui. La nationale ne passe plus au centre: une déviation à quatre voies contourne le centre-ville par le sud depuis le début des années 80. Victor Hugo, avec sa verve de grand voyageur, a ainsi décrit l’agglomération: «Soissons, a demi engagée dans le croissant d’acier de l’Aisne, comme une gerbe que la faucille va couper…». Hélas, mille fois hélas pour cette ville, on se situe là sur l’axe des invasions et les troupes qui envahissent la France semblent toutes se donner rendez-vous à Soissons… 1814, 1815, 1870, 1914, 1918, 1940… autant de dates fatidiques qui symbolisent souvent le martyre de la cité. A la fin de la Grande Guerre, Soissons n’est plus qu’un amoncellement de décombres. Sur les 3000 immeubles existants en 1914, seuls 800 sont considérés comme réparables quatre ans plus tard. Car le front passe aux portes de la ville pendant trois ans, entre septembre 1914 et mars 1917. Soissons est même prise par les troupes allemandes en 1918!

La R.N.2 peu avant la descente sur Soissons (Photo: Marc Verney, janvier 2013).

L'Histoire de la ville de Soissons mentionne l'existence d'un coche d'eau, établi en 1670, qui faisait le trajet de Soissons, traversée par l’Aisne, une rivière navigable, à Paris en quatre jours. L'entreprise cessera en 1768, à la mort du petit-fils du fondateur. Pour traverser cette rivière, il n’y a eu longtemps que le pont de Saint-Waast. Dans son article «Les vingt ponts de Soissons» paru sur le site histoireaisne.fr, Denis Rolland fait un historique complet des passages de l'Aisne à Soissons. «L’hypothèse d’un pont de bois, peut-être construit en 826, semble plausible, dit-il. La première mention certaine du "vieux pont" de Saint-Waast date de 1147. Une bulle du pape Eugène III confirme alors à l’abbaye Notre-Dame ses biens dont une rente de 20 sous sur le pont de Soissons. Cet ouvrage est reconstruit en 1265». Mais son histoire ne s'arrête pas là. Elaboré de manière très robuste, lourdement réparé en 1741 et 1754, «sans la guerre de 1914-1918, ce pont du Moyen Age aurait subsisté sans encombre jusqu’à nos jours», dit encore Denis Rolland. Détruit durant la Première Guerre mondiale, l'ouvrage ne retrouvera plus le trafic de la R.N.2, qui est dévié dans les années vingt sur le nouveau pont Gambetta «en béton armé de 61 m de longueur, à deux travées en anse de panier reposant sur une pile en rivière» (histoireaisne.fr). Après la guerre, raconte Denis Rolland, un nouvel ouvrage sur l'Aisne à cet emplacement est constitué de deux travées de six poutres métalliques: «Sa réalisation sera confiée à l’entreprise Dayde, de Paris, entre mars 1949 et octobre 1951». A l’époque mérovingienne, la ville, d’origine gallo-romaine, est la première capitale du royaume franc après le siège et la victoire en 486 de Clovis sur l'armée du général romain Syagrius. C’est à cette époque que se tient l’épisode dit «du vase de Soissons». Puis, en 751, c’est là que Pépin le Bref s’y fait couronner roi. Il y a deux siècles de relative prospérité aux XIIe et XIIIe siècles… et ce sont les guerres de religion, la Révolution française et le Premier empire. Après les bombardements de 1870, une loi, en 1885, raye Soissons de la liste des places de guerre. A l’emplacement des anciens murs, on construit de grands axes, comme le boulevard Jeanne-d’Arc, qui décongestionnent le centre.

Ambiance de vieux pavés du nord à Soissons (Photo: Marc Verney, décembre 2012).

A VOIR, A FAIRE Malgré son histoire tragique, la ville recèle quelques jolies surprises: la cathédrale St-Gervais-et-St-Protais (quasi totalement reconstruite après la Première Guerre mondiale), sévère d’aspect extérieur et à l’intérieur nettement plus majestueux, l'abbaye St-Jean-des-Vignes, construite sur une colline et son remarquable réfectoire du XIIIe, l'abbatiale St-Léger, transformée en musée consacré à l’histoire locale. Amusant: à une époque, Soissons pouvait s’enorgueillir de posséder l’Hôtel au Bon touriste, «le plus petit hôtel du monde», situé au 31ter, avenue de la Gare… Et on ne quitte pas Soissons sans s’interroger sur le vase! Réponse sur le monument aux morts de la place Ferdinand-Marquigny, face à l’office du tourisme…


Panneau Michelin indiquant le cimetière militaire de Crouy, en direction de Laon (Photo: Marc Verney, septembre 2006).

On quitte Soissons par l’avenue de Laon. Puis c’est l’avenue du Général-Patton qui emmène la R.N.2 historique à Crouy. De là, la route entame la courte mais rude montée de La Perrière. Déjà en 1788, l'Itinéraire complet de la France signalait que cette côte était «rapide et longue à monter»... En janvier 1915, les troupes françaises cherchent à progresser dans le secteur mais sont durement éprouvées par une forte défense allemande. Une crue de l’Aisne vient parachever la défaite française. Soissons restera sous le feu de l’ennemi durant toute la guerre. Voilà, après le Pont-Rouge, le Chemin des Dames qui s’annonce… «Toute cette région fut terriblement bombardée et fut le théâtre de combats acharnés. En mai 1919, des cadavres apparaissaient encore dans les entonnoirs», lit-on dans le guide Michelin La deuxième bataille de la Marne. Ici, la R.N.2 continue en voie rapide sur Laon. Mais il est possible de suivre l’ancien tracé si l’on est un peu malin… Après le Moulin de Laffaux, sortir de la quatre-voies au niveau de l’Ange-Gardien, où se trouvait un relais sous l’Ancien Régime, direction Chavignon par la D23, qui est en fait l’ancienne R.N.2. Un mot sur l’état des routes dans la région après le premier conflit mondial. Dès août 1919, dans l’Aisne, 80 000 travailleurs (dont 49 000 prisonniers allemands) déblaient les ruines et refont les chaussées. En juillet 1923, d’après l’exposé d’Emile Roussel, préfet, présenté devant le conseil général du département, un peu plus de la moitié des voies (dont 190 ouvrages d’art sur 595) a été reconstitué.

Marc Verney, Sur ma route, mars 2024

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