"Le village de Fontenu, écrit le Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté au XIXe siècle, est situé au bord d'une chaîne de montagnes qui s'élèvent à pic à l'extrémité sud-est du lac de Chalain. Les maisons sont généralement groupées, construites en pierre et couvertes en laves, ancelles ou tuiles. Du point qu'il occupe, la vue plonge sur le lac de Chalain et sur la vallée de l'Ain. (...) Le sol, d'une fertilité ordinaire, produit du blé, de l'orge, de l'avoine, du méteil, du maïs, des pommes de terre, des légumes secs, du chanvre, peu de betteraves et de fruits, du foin et des fourrages artificiels. On élève dans la commune des bêtes à cornes, des volailles, et on y engraisse quelques porcs. Cinquante ruches d'abeilles". La principale ressource des habitants est l'agriculture: "Sans être dans la misère, ils sont généralement peu aisés" (photo: Marc Verney, juillet 2014).
L'actuelle chapelle de Fontenu. "Il y avait à Fontenu, signale également le Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté au XIXe siècle, une chapelle très ancienne, dédiée à saint Bonot ou saint Bonnet, dans laquelle on célébrait une messe basse le jeudi de chaque semaine, et une messe solennelle le 15 janvier, jour de la fête de ce saint. La nef, de style ogival prismatique, a de belles proportions. Elle est divisée en deux travées par des colonettes engagées dans les murs et sans chapiteaux. Une grande fenêtre géminée et trilobée, murée en partie, éclaire la chapelle". Dans l'ouvrage de Pierre Lacroix, Eglises jurassiennes, romanes et gothiques, on peut lire: "Son histoire connue se résume à sa fondation, le 4 juillet 1524" (photo: Marc Verney, juillet 2008) .
"Le vallon de Chalain, décrit le Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté au XIXe siècle, offre un aspect pittoresque que la plume ne saurait reproduire. Semblable à un golfe, il est creusé de l'est à l'ouest dans une montagne boisée et appartient moins à la terre qu'à l'eau. Un lac immense, qui se découpe comme une large nappe d'azur en occupe le fond. (...) On a trouvé à Fontenu une hache en bronze, qui a pu être employée aux sacrifices, et sur les rives du lac, des haches celtiques en pierre de jade. La voie romaine de Besançon à Poligny et à la ville d'Antre, passait au Pont-du-Navoy, et longeait le lac de Chalain pour se diriger sur Clairvaux" (photo: Marc Verney, juillet 2014).
"Les seigneurs de Fontenu, de la maison de Marigny, avaient fait construire au XIIIe siècle une maison-forte. Le château proprement dit, se compose d'un seul corps de bâtiment rectangulaire. Au milieu de la longueur de la façade principale, s'avance en saillie une tour octogonale qui contient l'escaler et l'entrée principale. Aux angles de la même face, sont deux tours, l'une à plan circulaire et l'autre à plan quadrangulaire". Ce château, raconte encore A. Rousset, "est enserré dun côté par un magnifique rempart de rochers, et de l'autre paraît surgir du sein du lac. On croirait voir un de ces beaux paysages écossais, si bien décrits par Walter-Scott" (photo: Marc Verney, juillet 2012).


 


De quelle histoire le Jura est-il le nom?
L’ARCHEOLOGIE PREVENTIVE ET LA MEMOIRE RETROUVEE DU PETIT VILLAGE DE FONTENU
Un chantier de fouilles archéologiques préventives s’est tenu cet été 2020 à Fontenu, petit village jurassien typique situé au cœur d’une belle région surnommée la «petite Ecosse» par les écrivains-voyageurs du XIXe siècle. Les maisons de pierre sont recroquevillées au bord de la falaise; une émouvante chapelle entourée de verdure surplombe les eaux turquoises du lac de Chalain, classé au patrimoine de l’humanité pour ses habitats lacustres du Néolithique. Un projet de lotissement, un peu incongru dans ce superbe espace de nature encore relativement préservé, a déclenché l’intervention de l’Institut national de recherche archéologique préventive (Inrap) durant la totalité du mois de juillet. Responsable du chantier et spécialiste de l’époque médiévale, Sébastien Œil de Saleys m’a reçu au milieu des parcelles fouillées au pied de la chapelle, qui, au fil des jours, ont révélé tout un pan méconnu de l’histoire du village. Le site Sur ma route s’est arrêté en bord de chemin pour regarder tout cela… Entretien.

Sébastien Œil de Saleys, le responsable du chantier et spécialiste de l’époque médiévale à l'Inrap, montre l'étendue des fouilles et le volume important de terrain qu'il a fallu déblayer pour arriver aux vestiges du XIIIe siècle (photo: Marc Verney, juillet 2020).

Marc Verney-Sur ma route: Pourquoi avoir lancé un chantier de fouilles préventives à Fontenu, tout petit village jurassien de la région des lacs?

Sébastien Œil de Saleys: En 2019, un premier diagnostic a été réalisé sur les 900 m2 où doivent se réaliser des logements et une route et c’est à ce moment qu’ont été repérés les restes d’une habitation ancienne. Une fouille a donc été prescrite, et on a pu revenir en 2020 avec une équipe de quatre personnes pour procéder au décapage de la couche de terre et fouiller le terrain. Au départ, nous devions travailler vingt jours sur le site, mais comme nous avons trouvé plus de vestiges que prévu, nous avons prolongé le chantier d’une semaine afin de bien pouvoir enregistrer les informations sur le terrain et de faire des sondages à la manivelle permettant de dégager les bâtiments dans leur intégralité. Le facteur temps joue énormément dans ce type d’intervention. Il faut arriver à rapidement comprendre le terrain afin de restituer convenablement ce que l’on a sous les yeux.

A côté de l'habitation, les archéologues ont trouvé un cellier dont les soubassements ont été remarquablement préservés (photo: Marc Verney, juillet 2020).

Qu’est-ce qui a été trouvé en fin de compte?

Sur ce terrain situé un peu en contrebas de l’actuelle chapelle de Fontenu, on a trouvé les pierres de soubassement d’une construction de l’époque médiévale (XIIIe ou XIVe siècle) accompagnée d’un petit bâtiment annexe dont la fonction devait être celle d’un cellier ou d’une cave. Nous y avons trouvé des fragments de céramique, assiettes et pots, qui, une fois datés, nous permettront d’affiner les périodes d’occupation des lieux. Il s’agit ici certainement d’un habitat paysan. Mais nous ne pouvons pas dire s’il était lié d’une manière ou d’une autre au château des seigneurs de Chalain, une famille déjà bien établie en ce temps-là. Il est aussi possible qu’ils aient été dépendants d’autres structures, comme les abbayes (Saint-Claude, Balerne), très puissantes dans le Jura de l’époque. Enfin, sur la partie supérieure du terrain, il y avait un bâtiment en pierre noté sur le cadastre napoléonien du début du XIXe siècle et représenté sur une gravure de l’époque. La structure disposait d’un étage avec un escalier sur le mur pignon. On suppose que l’un des murs médiévaux aurait pu servir de soubassement à ce bâtiment.

Cette implantation médiévale n’était pas un habitat permanent semble-t-il?

Il n’y a effectivement pas d’aménagement de type cheminée. On pense donc à une occupation temporaire qui se fait cependant régulièrement. Les bâtiments sont relativement bien entretenus: on voit que les sols sont refaits afin que les lieux demeurent habitables. Alentours, des structures en terrasse ainsi que les creusements de silos permettraient de corroborer l’hypothèse d’un travail agricole saisonnier. Sur le site de Fontenu, les silos sont de simples trous dans lesquels les paysans stockaient le grain de manière hermétique. A l’époque, ils faisaient en effet en fonction du terrain sur lequel ils oeuvraient.

Fontenu existait-il déjà?

On a la mention d’une paroisse au XIIe siècle. Il s’y trouve déjà un bâtiment religieux, d’ailleurs peut-être à l’emplacement de la chapelle actuelle, qui, elle serait plutôt XVe, XVIe siècle. En tous cas, présents autour, un ensemble de constructions qui peuvent être considéré comme un village. Et la maison révélée par les fouilles pourrait très bien en faire partie. L’aménagement en terrasses montre bien le caractère agricole du lieu et donc on suppose que le reste du territoire a le même aménagement.

Situés en contrebas de la chapelle actuelle, les silos à grain, désignés par l'archéologue de l'Inrap, sont de simples trous dans lesquels les paysans stockaient la récolte de manière hermétique (photo: Marc Verney, juillet 2020).
Sébastien Œil de Saleys montre les fragments de poterie récoltés sur le site (photo: Marc Verney, juillet 2020).

Après les fouilles, que vont devenir toutes ces trouvailles?
Pour ce qui est des murs et des structures mises à jour, tout a été enregistré, topographié et archivé au niveau de l’Etat. Ce qui ne va pas empêcher le projet de lotissement de se faire. On laisse le terrain en l’état. Les vestiges de ce chantier seront a priori remblayés. Si dans quelques dizaines d’années, on revient à ce chantier de fouilles, les archéologues de l’époque verront ce qu’il en est. Les fragments de céramiques seront, eux, nettoyés, étudiés par des spécialistes. La datation de ces éléments pourra notamment se faire grâce à leur décoration, comme celle du pot écrasé que nous avons retrouvé dans la cave.

Marc Verney, Sur ma route, août 2020

Vue générale du chantier des fouilles archéologiques préventives de Fontenu menées par l'Inrap (photo: Marc Verney, jullet 2020).

SOURCES ET DOCUMENTS: Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté (T. III), A. Rousset, réédition aux éditions FERN (1969); Eglises jurassiennes, romanes et gothiques, Pierre Lacroix, CETRE (1992).

POUR INFO: L'Inrap a été créé en 2002 en application de la loi de 2001 sur l'archéologie préventive. Cet institut assure la détection et l'étude du patrimoine archéologique touché par les travaux d'aménagement du territoire. Il exploite et diffuse les résultats de ses recherches auprès de la communauté scientifique et concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie auprès du public. Son activité de recherche est conduite sous l'égide d'un conseil scientifique associant les ministères de tutelle et des membres de la communauté archéologique: CNRS, universités et services archéologiques des collectivités territoriales. Dans le cadre des diagnostics et des fouilles qu’il conduit, l'Inrap collabore chaque année avec plus de 700 partenaires privés et publics: aménageurs fonciers, sociétés d'autoroutes, exploitants de carrières, conseils régionaux, conseils départementaux, communautés de communes, villes, entreprises publiques, offices HLM… Avec quelque 2000 collaborateurs et chercheurs et plus de 40 centres de recherches, l'Inrap est présent sur tout le territoire métropolitain, en Guyane, Guadeloupe et Martinique. Voir le site.

D'AUTRES RENCONTRES...

Dominique Lesbros, journaliste, est l'auteure d'un ouvrage assez sensationnel, paru aux éditions Parigramme, où il est question du petit patrimoine de notre capitale. Lire

Détestée ou adorée, l'auto, la bagnole, la "caisse", a totalement révolutionné notre mode de vie. C'est le thème passionnant abordé par Mathieu Flonneau dans son ouvrage Les cultures du volant, XXe-XXIe siècles, un essai sur les mondes de l'automobilisme (éditions Autrement). Lire

Les publicités peintes au bord des routes, parfois criardes mais au design touchant, font désormais l'objet de toutes les attentions de la part de nombreux passionnés, dont Marc Combier. Ce photographe vient de publier coup sur coup cet automne 2014 deux ouvrages consacrés à ces fameuses pubs d'antan, qui ne doivent pas être confondues avec les –souvent- ignobles publicités 4x3 qui inondent les entrées de nos villes... Lire

(Retour home) (en apprendre davantage: la documentation du site)