Borne R.N.3 de la Voie de la Liberté à Verdun. Elle se trouve sur un monument célébrant à la fois la Libération de l'été 44 mais aussi les héros de la Voie Sacrée de la Première Guerre mondiale (photo: MV, juin 2013).
A Epernay, sur l'avenue de Champagne (photo: MV, octobre 2006).

Sources et documents: Atlas des grandes routes de France (carte Michelin, 1959); carte Michelin n°56 Paris-Reims (1930); carte Michelin n°57 Verdun-Wissembourg (1939); carte IGN n°111 Metz-Verdun-Luxembourg (2011); Châlons-en-Champagne, ses belles demeures et leur histoire, Anne-Marie Lévêque (éd. Dominique Guéniot); Châlons et la vallée de la Marne, T.IV, Raymond Nominé, Alan Sutton (2008); Châlons, 2000 ans d’histoire, sous la direction de M. Ravaux (impr. Paquez et fils, 1980); Epernay, chronique d’un siècle, Francis Leroy, Alan Sutton (2012); Epernay, notice historique et statistique des rues et places de la ville et des faubourgs, H.-H.B. Poterlet, Le livre d’histoire (2011, rééd. 1836); Epernay, pas à pas, Pierre Michel, éd. Horvath (1984); Epernay, promenade d’un touriste dans l’arrondissement, Armand Bourgeois, Res Universis 1993 (rééd. 1886); Guide Bleu de la France automobile (Hachette, 1954); Guide Vert Champagne-Ardenne (Michelin, 2011); Histoire de Châlons-sur-Marne, Georges Clause, Jean-Pierre Ravaux, éd. Horvath (1983); Histoire de Sainte-Ménehould, Louis Brouillon, Res Universis 1989 (rééd. 1909); Histoire de la ville de Châlons-sur-Marne et de ses institutions, Edmond de Barthélémy, E. Le Roy, impr. Et libr. (1883); Histoire de la ville d’Epernay, Victor Fievet, éd. Culture et Civilisation (1976, rééd. De 1868); Horizons d’Argonne (n°39, «De la voie romaine à l’autoroute», 1979); Itinéraire du chemin de fer de Paris à Strasbourg, Moleri (Hachette, 1853); La Marne à l’âge d’or des cartes postales, Bernard Moings, éd. Delattre (2006); La Marne, pas à pas, Jean Robinet, Presses du Village (1993); Le Nord-Est de la France de Paris aux Ardennes, aux Vosges et au Rhône: manuel du voyageur, Karl Baedeker (éd. Baedeker, 1903); Le pays barrois, géographie et histoire, Alexandre Martin, impr. Contant-Laguerre (1912); L’Epine en Champagne, Dom Jean-Marie Berland, éd. SAEP (1972); «Les routes nationales de la Meuse en 1930 et l’aménagement de la Voie Sacrée», J. Frontard, in Verdun et la Meuse touristique (mars 1931); Statistique du département de l’Aisne, JBL Brayer (1825); Les voies de communication, P. Lefèvre (Dossiers documentaires meusiens, 1976); Statistique historique du département de la Marne, Adolphe Guérard, éd. T. Martin (1862); Wikisara, Wikipédia. Remerciements particuliers: la bibliothèque municipale de Verdun et Mme Lakhdar-Kreuwen.

Borne N3 de la Voie de la Liberté non loin de Valmy (photo: MV, oct. 2006).

D'autres ressources autour de la nationale 3 historique: La page Wikisara consacrée à cette ancienne nationale française (lire).
La page Wikipédia de la RN3 historique (lire).



Localités traversées par la N3 (1959):
Château-Thierry (N37)
Chierry
Blesmes
Crézancy
Paroy
Courtemont
Varennes
Reuilly-Sauvigny
Les Clotais
Courthiézy
Dormans
Try
Troissy
Mareuil-le-Port
Port-à-Binson
Oeuilly
La Chaussée
Epernay (N51)
Chouilly
Plivot
Athis
Jâlons
Aulnay-s-Marne
Matougues
Saint-Gibrien
Fagnières
Châlons-en-Ch. (N33, N44, N77)
L'Epine
La maison-Neuve
Tilloy-Bellay
Auve
Mazagran
Orbeval (N31)
Dommartin-la-Pl.
Sainte-Ménehould
La Grange-aux-Bois
Les Vignettes
Les Islettes
Clermont-en-Argonne
Vraincourt
Parois (N46)
Récicourt
Dombasle-en-Argonne
Blercourt
Maison-Rouge (NVS)
Regret

Verdun (N18, N64)


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Détail du monument en hommage aux soldats ayant entretenu la Voie Sacrée, non loin de Verdun. Pour avoir plus d'infos sur la Voie Sacrée de Bar-le-Duc à Verdun, cliquez sur la page de la R.N.66 (photo: MV, juin 2013).
Borne de la Voie Sacrée à l'entrée de Verdun, sur le parcours de l'ancienne R.N.3 (photo: MV, oct. 2006).

Autour des Ponts et Chaussées en 1908... Un rapport du Conseil général de l’Aisne de 1908 nous éclaire sur la situations des routes dans la région. Le gros matériel du service des chaussées est composé de 17 cylindres compresseurs, 64 tonneaux d’arrosage, 34 balayeuses mécaniques, 198 chasse-neige, 26 charrues à dresser le bord des accotements, 31 pompes, 39 tombereaux à bras et tombereaux étanches, 2 chèvres pour le graissage des tonnes. Par ailleurs, souligne le rapport, «les bornes et tableaux indicateurs sont au complet et entretenus avec soin». A côté, dans la Marne, «les goudronnages effectués dans la partie nord de Châlons ont donné lieu à des plaintes de M. le Général commandant le 6e corps qui les considère comme éminemment glissants et dangereux et demande leur abandon»… Huit nationales traversent la Marne sur 590,27 km; 561,33 km demeurent empierrés et environ 29 km sont pavés. Il y a un peu moins de 6 km en mauvaise viabilité et près de 110 km en viabilité médiocre! Par ailleurs, selon l’ouvrage La Marne à l’âge d’or des cartes postales, il y a, en 1900, environ 300 cantonniers chargés de l’entretien des routes nationales dans le département.

1738, la corvée en plus. S’il y a une décision qui a bouleversé l’histoire de la construction routière sous la royauté, c’est bien celle-ci… L’instruction du 13 juin 1738 du contrôleur général Orry rendait obligatoire la corvée des chemins dans tout le royaume. Celle-ci devait procurer aux ingénieurs de chaque région une indispensable et conséquente main d’œuvre nécessaire à la bonne marche des innombrables chantiers qui allaient se mettre en place… Elle concernait tous les habitants résidant 4 ou 5 lieues (une vingtaine de kilomètres) autour de la chaussée à réparer. Très impopulaire, elle est officiellement abolie par Louis XVI en 1787. Dans leurs cahiers de doléances, les révolutionnaires de 1789 vont souvent stigmatiser cette dure et implacable corvée. En Champagne, les ingénieurs réalisent le plus souvent des routes en ligne droite, évitant bourgs et villages. Les chaussées sont larges de trente à soixante pieds (un pied = 32,5 cm), sont bordées par deux fossés et deux rangées d’arbres (obligatoires depuis 1720). Sources et documents: «La grande mutation des routes de France au XVIIIe siècle», Guy Arbellot, dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 28e année, n°3, 1973; Châlons, 2000 ans d’histoire, sous la direction de M. Ravaux (impr. Paquez et fils, 1980).


Sainte-Ménehould: plaque de rue portant le nom du célèbre Jean-Baptiste Drouet, à l'origine de l'arrestation de Louis XVI à Varennes (photo: MV, juin 2013).

Verdun: détail d'un ancien plan de la ville situé sous la porte Chaussée (photo: MV, juin 2013).



Belles routes de France...
RN3: PLEIN GAZ SUR LA ROUTE D'ALLEMAGNE (II)
Pour notre deuxième étape sur la route d’Allemagne, de Château-Thierry à Verdun, nous allons tranquillement longer la Marne jusqu’à Epernay, la cité du champagne, où, dans les belles caves des maisons de négoce se trouvent des millions de bouteilles attendant paisiblement l’instant de leur dégustation...  Plus loin, voilà encore Châlons-en-Champagne, postée en sentinelle sur l’ancienne voie romaine de Milan à Boulogne-sur-Mer, l’un des plus grands axes gallo-romains. L’histoire nous guette encore à Valmy, peu avant Saint-Ménehould où les troupes un peu déguenillées de notre Révolution française ont lutté avec succès contre l’Europe de la réaction… Autre lieu, autre bataille, voici enfin Verdun, désormais qualifiée de «capitale de la paix» après avoir vécu l’enfer d’une lutte impitoyable au milieu du fracas des obus et du staccato des mitrailleurs fauchant des rangées entières de soldats en livrée bleu horizon ou feldgrau...

La nationale 3 historique vue de la butte dominant Clermont-en-Argonne (Photo: Marc Verney, juin 2013). En cliquant sur l'image vous pouvez suivre la dernière partie de la promenade sur la R.N.3 historique!


On sort de Château-Thierry
en suivant l’avenue de la République, une chaussée qui date du milieu du XVIIIe siècle. La route traverse Chierry et prend ensuite la direction de Dormans. Peu après Crézancy, où l’histoire locale retient qu’on y trouvait une villa gallo-romaine, la route aborde le lieu-dit de Paroy. Là, un ancien tracé entamait une rude montée, coupant à travers la colline jusqu’au lieu-dit Les Clotais (à la BNF, une carte de l’intendant Miéland de 1745 montre clairement cette route). Cette voie, indique la Statistique du département de l’Aisne de 1825 présente «de tous temps des difficultés au roulage et des dangers pendant les gelées». Au cours du XIXe, lit-on dans ce document, les ingénieurs tracent une nouvelle route, plus longue, qui contourne la difficulté par Varennes, Courtemont et Reuilly. C’est encore –à peu de choses près– le tracé actuel.
La R.N.3 historique non loin de Dormans (photo: MV, octobre 2006).

La route entre maintenant dans le département de la Marne. La logique un peu étrange du déclassement massif de 2004 des routes nationales fait que l’on passe ici de la D1003 à la D3. Voici Courthiezy, situé à 5 km de Dormans. La Statistique historique du département de la Marne de 1862 indique que l’on y faisait «grand commerce de fruits et particulièrement de cerises excellentes que l’on expédie pour Paris»! Un plan, daté de 1753 et visible à la BNF, montre la traversée sinueuse de la route royale entre les murs de Dormans, premier bourg d’importance rencontré depuis Château-Thierry. Un autre document intéressant et disponible via Gallica est un arrêt du Conseil d’Etat de 1727 imposant aux mariniers navigant sur la Marne de stopper au port de Dormans afin d’y acquitter un impôt sur les boissons alcoolisées… Dans la Statistique historique du département de la Marne, on peut d’ailleurs constater que «Dormans était l’entrepôt de la Brie, de la Champagne et du Soissonnais, dont les produits étaient transportés par la Marne à Paris». L’architecte des salines royales d’Arc-et-Senans (Doubs), Claude-Nicolas Ledoux, est né à Dormans le 21 mars 1736.

A VOIR, A FAIRE

A Dormans, dans le parc du château, on trouve le mémorial des batailles de la Marne, bâti sur un emplacement choisi par le maréchal Foch. Des tables d’orientation décrivent le déroulement des combats.

Après Troissy et Mareuil-le-Port, voici Port-à-Binson, «très important écart de Mareuil, qu’il surpasse en population», nous explique cette fois la Statistique historique du département de la Marne, où l’on trouve un port à bois; le pont en pierre y a été remplacé par un pont suspendu sur la Marne en 1839. Peu avant la Chaussée de Damery, on ne peut rater, surplombant la route et la vallée de la Marne, le château de Boursault. Commencé en 1843 et achevé en 1848, l’édifice a été bâti sur ordre de Mme Cliquot, née Ponsardin… une vieille connaissance des amoureux de la boisson pétillante issue des caves champenoises… A gauche de la R.N.3 historique, découvre-t-on dans L’Itinéraire du chemin de fer de Paris à Strasbourg (1853), la petite ville de Damery «communique à la grande route (…) par un pont et une belle levée plantée d’arbres».

Entrée d'Epernay par l'avenue Jean-Jaurès (photo: MV, mai 2013).

A Epernay, une cité créée –après des travaux de drainage effectués par les Romains- au Ve siècle par des tanneurs attirés par les eaux claires du ruisseau du Cubry, on remarque désormais aujourd'hui plutôt les belles demeures cossues, propriétés des grandes marques de champagne... Sous la ville, 100 km de caves dans lesquelles reposent des millions de bouteilles (le guide Baedeker du Nord-Est de la France parlait de 5 millions de flacons en 1903… il y en a beaucoup plus aujourd’hui!). On peut dire sans se tromper que la route passe ici dans le berceau de cette boisson joliment pétillante qu'est le champagne! La grande prospérité de la ville au XIXe siècle est venue, nous dit la Statistique historique du département de la Marne de la canalisation de la rivière Marne, du commerce des vins (même en 14-18, le travail ne cessa point alors que le front était tout proche!) et de l’installation des grands ateliers de réparation des chemins de fer de l’Est. Mais Epernay a aussi vécu des drames, comme sa destruction volontaire, par François Ier en 1544, qui ne voulait pas que la cité et ses approvisionnements tombent aux mains de Charles-Quint (au total, la ville fut brûlée 25 fois)…

Ancienne plaque de la R.N.3, place de la République à Epernay (photo: MV, mai 2013).

On entre dans la ville par la montagne de Mardeuil, l’ancienne côte Saint-Laurent (l’avenue Jean-Jaurès actuelle) creusée dès 1726 alors qu’auparavant, nous dit l’Histoire de la ville d’Epernay, la route de Châlons à Paris «gagnait Mardeuil en tournant la côte Legris». A noter que, rue Saint-Laurent, sur le tracé de la RN3 dans la cité, les pavés ont été entièrement rectifiés («relevés à bout») au début du XXe siècle. La traversée d’Epernay a, elle aussi été modifiée au fil du temps: suivant d’abord au XVIe siècle la direction de l’actuelle rue Saint-Thibault (où passait aussi la voie Reims-Troyes) pour sortir de la ville par le sud de la montagne de Bernon et atteindre Chouilly, puis, après 1744 en sortant en ligne droite plein est par la rue du Commerce (actuelle avenue de Champagne depuis février 1925). La place Louis-Philippe (place de la République en 1881), qui amorce élégamment le faubourg de la Folie sur la route nationale 3 historique, date, elle, de 1841.

A VOIR, A FAIRE

Un tour à l’office du tourisme (conseillé) permet au voyageur d’obtenir les dépliants proposant des circuits de visite du centre-ville et de ses vieux immeubles. Mais on vient à Epernay surtout pour le vin de champagne! Les sociétés Moët et Chandon, Mercier, De Castellane invitent le touriste et l’amateur à visiter leurs caves (28 km de longueur chez Moët!).

A gauche, "l'inventeur" du champagne immortalisé: Dom Pérignon statufié dans la cour de la maison Moët et Chandon à Epernay. A droite, la tour du champagne de Castellane (Photos: Marc Verney, oct. 2006).

Pourquoi le quartier qui longe l’avenue de Champagne s’appelle-t-il le faubourg de la Folie? C’est là, avance l’ouvrage Epernay, pas à pas, qu’un maître des Eaux et Forêts appelé Pupin fit construire au XVIe siècle une bâtisse entourée d’un jardin fleuri. On appelait alors le tout «folie». Vingt-six kilomètres séparent Epernay de Châlons-en-Champagne. Une route royale qui a été largement refaite entre 1744 et 1749.

La R.N.3 y a perdu son caractère national depuis les années 80: nous roulons désormais sur la départementale 3. Voici les villages de Chouilly et de Plivot (déviés depuis les années 70). Dans le village de Chouilly, on raconte qu’au début du XXe siècle, les véhicules empruntant la nationale devaient laisser passer des groupes d’oies se dirigeant vers un ruisseau voisin… A Plivot, un relais de poste a fonctionné depuis 1612 sur la route d’Allemagne. Après Jâlons-lès-Vignes, la route traverse la Somme-Soude, rivière qui faillit être captée au XIXe siècle pour l’alimentation en eau de Paris. Les villages de Matougues et de Saint-Gibrien précèdent l’entrée dans Châlons-en-Champagne, préfecture de la Marne, qui s'appelait auparavant Châlons-sur-Marne jusqu’en 1998 (on le voit encore sur certains panneaux routiers). C’est là, dans les faubourgs, que la R.N.3 historique retrouve «l’autre route d’Allemagne», en service à la fin du XVIIIe siècle, et qui passait par Montmirail (il s’agit de l’ancienne N33).

La ville de Châlons est «une fille de la route»! Elle se trouve sur l’itinéraire romain Milan-Boulogne, la grande voie d’Agrippa, là où celle-ci franchit la Marne. Elle s’appelait alors Catalaunum. Au cours du Ier siècle, les habitations se concentrent le long de la voie; c’est l’actuelle rue de la Marne. Le réseau gallo-romain mettait, nous narre l’Histoire de Châlons-sur-Marne, cette petite agglomération en liaison avec Reims, Troyes, Verdun, Langres et «peut-être même Meaux». Fortifié dès le IIIe siècle, le site est profondément réaménagé au XIVe siècle. On commence à vouloir dompter le cours hiératique de la Marne en construisant barrages et canaux. Car Châlons est une ville prospère depuis le XIe siècle grâce à son industrie drapière. Sa superficie habitée se trouve quasiment multipliée par six…

Mais le drap châlonnais périclite, de plus en plus concurrencé par les productions anglaise et italienne… Au XVIIe siècle, la cité avait treize paroisses et on disait de Châlons que c'était «la ville aux belles flèches». Ce qui n’empêche pas la circulation des idées religieuses nouvelles grâce à la route d’Allemagne: le protestantisme, si combattu à l’époque, va y trouver des oreilles attentives. La description d’un guide touristique, reprise dans Châlons, 2000 ans d’histoire, dit ceci: «Cette ville est jolie, bien peuplée et fort marchande, elle est située sur le bord de la Marne qui baigne ses murailles d’un côté, au milieu d’une belle et grande prairie qui s’étend depuis Châlons jusqu’à Epernay». Mais au début du XVIIIe siècle, lit-on encore dans Châlons, 2000 ans d’histoire, Melle de Clermont-Condé met six jours pour atteindre Châlons depuis Paris… Les travaux réalisés en 1777 (rectification du cours de la Marne et construction d’un nouveau pont sur la rivière) vont relancer l’attractivité de la ville. L’Histoire de Châlons-sur-Marne nous apprend que la cité compte de nombreuses auberges (63); voilà notamment l’Hôtel de l’Ecu de France, ouvert en 1470 et qui a vu passer Henri IV en 1603 (Châlons-en-Champagne, ses belles demeures et leur histoire).

La porte de Marne, à Châlons-en-Champagne, sur le tracé de la via Agrippa (photo: MV, mai 2013).

A VOIR, A FAIRE

L’office du tourisme propose une «visite éclair» de la cité (2 heures) pendant laquelle le voyageur peut admirer les plus beaux bâtiments de Châlons. A commencer par la cathédrale Saint-Etienne, majestueux «vaisseau» de pierre qui s’élevait avant la Révolution au centre d’un quartier canonial. Idéalement située sur la route d’Allemagne, l’édifice verra s’y conclure deux mariages entre princesses allemandes et princes français. Plus loin dans la ville, on verra l’église Notre-Dame-en-Vaux (XIIe siècle), classée au patrimoine mondial de l’humanité au titre des édifices présents sur le chemin de Compostelle. La porte de Marne (1844) ouvre la ville ouvre la ville à la via Agrippa. Deux beaux jardins rafraichissants, réalisés autour d’une ancienne prairie possédée par l’évêque, le Petit et le Grand Jard. Nombreuses maisons à pans de bois.

R.N.33: UN AIR D'EMPIRE...
La route nationale 33 va de la Ferté-s-Jouarre à Châlons. Des plaines marquées par le sang des ultimes batailles de Napoléon en 1814...(lire)

R.N.77: LA PERCEE DES ARDENNES
La route nationale Sedan-Nevers traverse une grande partie de l'est de la France. Ardennes, Champagne, Bourgogne... Un trio de régions pour une superbe promenade! (lire)

En lisant l’ouvrage Châlons et la vallée de la Marne, T.IV, nous apprenons que le pont sur la Marne, à l’image de ses «congénères» des villes de l’Est a été souvent détruit lors des débâcles des armées hexagonales (deux fois en 39-45 quand même)… L’ouvrage actuel date de 1947. En parlant de l’armée… celle-ci est très présente à Châlons en raison du voisinage de l’un des plus grands camps militaires français, le site de Mourmelon, créé en 1856 par Napoléon III (10 000 ha!).

On sort de Châlons par l’avenue de Sainte-Ménehould. La route nationale 3 historique laisse, peu avant, sur sa droite, la route de Vitry-le-François (auj. D944). Celle-ci a porté le N°4 jusqu’au début des années cinquante, date à laquelle le début de la R.N.4 a été reporté à Paris, qui devenait dès lors le nouveau point de départ de la route d’Alsace. De son côté, l’aménagement en empierrement de la route de Sainte-Ménehould est réalisé à la fin du XVIIIe siècle.

A 7 km de Châlons, la route fait étape à L'Epine (clic!), où, en pleine rase campagne, la basilique Notre-Dame est la destination d'un pèlerinage qui existe depuis le XIIIe siècle. Au XVIe siècle, découvre-t-on dans Châlons, 2000 ans d’histoire, l’endroit figure parmi les 24 grands pèlerinages. On ne peut éviter de citer Victor Hugo, notre grand voyageur favori, qui voit en l'église actuelle, une «splendide fleur de l'art gothique»... C'est vrai que les deux hautes flèches se voient de loin dans la morne plaine champenoise! A noter qu’on a amputé l'église en 1798 pour y installer, dans l’une des tours, un relais du télégraphe Chappe. Cette tour est, apprend-t-on dans L’Epine en Champagne, «restituée sous le Second Empire»... Un dicton des rouliers (ces «camionneurs» du temps des chevaux) disait «qu’aller à l’Epine» c’était faire un travail qui ne rapportait rien… A côté de L’Epine se trouve le village de Courtisols, «le plus long de France»… selon sa brochure touristique!!

Une chaussée rectiligne se rend maintenant jusqu'aux contreforts de l'Argonne. Les villages filent dans le rétroviseur: Tilloy-et-Bellay, Auve. Nous roulons sur une solide chaussée de béton. Il n’en a pas toujours été ainsi… On retrouve les commentaires de Melle de Clermont-Condé dans l’ouvrage Châlons, 2000 ans d’histoire: celle-ci revient à Paris en compagnie de la reine de France durant l’été 1725: «Entre Sainte-Ménehould et Auve plusieurs carrosses restent embourbés et plusieurs chevaux meurent». Plus tard, le récit d’un voyageur sous le Premier Empire publié par la revue Horizons d’Argonne n’est guère plus engageant: «Nous voyons (…) à droite et à gauche l’aride plaine de Champagne Blanche dite Pouilleuse. Triste spectacle! (…) De loin à loin, on aperçoit quelques traces de culture, on soupçonne que ce sont des chalumeaux de seigle… On n’y voit ni vache, ni mouton, ni même des humain».

A gauche, la route, peu avant Auve. A droite, le célèbre moulin de Valmy. C'est une reconstitution (Photos: Marc Verney, oct. 2006).

La route nous amène aux pieds du moulin de Valmy, entre autoroute et voie du TGV Est. Là, sur le plateau qui domine la route, le promeneur rencontre un autre lieu chargé d'histoire. Et même un des symboles de notre régime politique actuel. En 1792, les armées françaises, occupant le lieu, y défirent les troupes prussiennes, ce qui amena la proclamation, à Paris, de la République. C'est également à Valmy que la N3 historique devient une partie de la Voie de la Liberté, cet axe jalonné de hautes bornes qui matérialisent la progression des forces alliées en France, durant l'été 1944. Là, entre 1853 et 1856, nous disent les rapports préfectoraux faits au Conseil général de la Marne, de gros crédits sont versés pour poursuivre la réparation de la route n°3 jusqu’à la limite départementale aux Islettes.

C’est à Sainte-Ménehould, traversée par l’Aisne, que naît le moine Dom Pérignon, «l'inventeur» du champagne (on y voit sa statue, inaugurée en 1956, dans un square!). La petite cité, située à l’entrée du défilé des Islettes (les «Thermopyles de la France» pour le général Dumouriez en 1792), a une longue histoire… Selon l’encyclopédie Wikipédia, une ville se forme là dès le Ve siècle sur les bords de l'Auve. Celle-ci peut se développer grâce au défrichement de la forêt d’Argonne et à l'agriculture. Mais la voie romaine de Châlons à Verdun passe, selon l’archéologue Félix Liénard, qui a travaillé sur le sujet à la fin du XIXe siècle, plus au sud à Villers-en-Argonne, Autrécourt et Julvécourt.

Sainte-Ménehould: la place de l'Hôtel-de-Ville (photo: MV, juin 2013).

Si les rues sont pavées dès 1372, du moins «les plus boueuses», découvre-t-on dans l’Histoire de Sainte-Ménehould, il faut attendre 1716 et le grand malheur d’un incendie dévastateur pour voir la cité évoluer. Un nouveau plan améliore l’accès par le faubourg Florion, l’île d’Argers, formée par l’Aisne disparaît avec l’assèchement de l’un des bras de la rivière. Un pont en pierre est construit sur le bras restant de 1722 à 1724 (ouvrage reconstruit au début du XXe siècle). La place Royale (aujourd’hui de l’Hôtel-de-Ville) est commencée en 1726. Les bâtiments bordant les rues sont construits en pierre de «gaize» et de brique, donnant une agréable harmonie à Sainte-Ménehould, visible notamment le long de la rue de Chanzy. Sur le plan de la ville, on voit clairement que l’ancienne route royale escaladait les premiers contreforts de l’Argonne en quittant l’avenue Victor-Hugo par la gauche et le chemin du Faubourg-des-Bois. En 1837, les ingénieurs soulignent l’importance de procéder à la rectification de la côte de Crève-Cœur, à la sortie de la cité (côté Verdun).

A VOIR, A FAIRE

La butte du château et ses anciennes maisons à pans de bois. Les restes des combats de la Grande Guerre 1914-18 en Argonne, dont le Kaiser Tunnel et la butte de Vauquois. A noter que Philippe Manœuvre, le célèbre animateur de l’émission les Enfants du Rock (un must dans l’histoire de la télé française) est né à Sainte-Ménehould. Spécialité de pieds de cochon.

Nous voici aux portes de la forêt d'Argonne, un vaste massif boisé qui s'étend de la frontière belge à Bar-le-Duc. Pendant longtemps, la porte des Bois à Sainte-Ménehould n’a ouvert que sur une forêt épaisse. D’ailleurs, dans les temps anciens, la partie de la rue Chanzy allant vers l’Est portait le nom de «rue du Bout-du-Monde». La route actuelle, qui tire son existence de travaux du XVIIIe siècle et de Napoléon Ier s'entortille autour des collines et descend la côte de Biesme, rectifiée plusieurs fois au cours du XIXe siècle (ainsi qu’au XXe évidemment!). C’est là, en franchissant un modeste pont sur la Biesme que l’on passe un bout de frontière, qui «a préoccupé les chancelleries européennes plus que maint fleuve plus important» peut-on lire dans l’ouvrage Le pays barrois, géographie et histoire. Nous entrons effectivement sur le territoire des anciens évêchés (Verdun, Toul, Metz) qui ont fait partie du Saint-Empire romain germanique jusqu’en 1552 (cession officielle au royaume de France en 1648).

La voie pénètre en Lorraine au niveau du village des Islettes (on y a longtemps réalisé les bouteilles pour le champagne!). Au nord, voilà encore un pan de l'histoire de France: en juin 1791, le roi Louis XVI, en fuite, est arrêté à Varennes-sur-Argonne, à l'emplacement de l'actuelle tour de l'Horloge après avoir été reconnu à Sainte-Ménehould. La route aborde maintenant Clermont-en-Argonne. Ce fut autrefois la capitale d’un comté dont le prince de Condé -vainqueur de la bataille de Rocroi- était, en 1648, le seigneur. On y trouvait un redoutable château-fort, démantelé sur l’ordre de Louis XIV après la Fronde. Clermont-en-Argonne sera durement touché dans les combats de la Première Guerre mondiale, notamment en septembre 1914.

La R.N.3 historique (auj. D603), entre Ste-Ménehould et Clermont-en-Argonne (photo: MV, juin 2013).

Selon la revue Horizons d’Argonne, passé Clermont, la route de Verdun passait, à la fin du XVIIIe et durant la première moitié du XIXe siècle par Brabant et non à Paroy, comme aujourd’hui. A Dombasle-en-Argonne, on trouvait, dans les années trente, nous signale la revue Verdun et la Meuse touristique, une publicité peinte pour… la ville de Nice, «Reine de la Côte d’Azur, éternel printemps»… ce qui faisait évidemment bougonner les responsables touristiques locaux… Dommage qu’il n’y ait plus aucune trace de ce mur publicitaire au XXIe siècle! De là, le tracé de la R.N.3 recoupe à peu de choses près le chemin suivi par la voie romaine Reims (Durocorturum)-Metz (Divodurum).

Quelques kilomètres plus loin, la Voie de la liberté de l’été 44 se conjugue avec la Voie Sacrée (N35, puis NVS, puis… D1916), l'axe de ravitaillement essentiel de la ville de Verdun durant les combats de la Première Guerre mondiale. A la hauteur du rond-point, à droite, on peut d’ailleurs apercevoir le monument érigé en hommage aux militaires ayant organisé l’approvisionnement de Verdun durant la terrible bataille. L’entrée sur la ville se fait par le faubourg de Regrets, un nom donné par ses habitants après qu’ils eurent été expulsés du faubourg de… Glorieux en raison de la construction de fortifications… La cité a été décrétée «capitale mondiale de la paix» par l'Unesco en 1987 (il était temps!). Car il est vrai que le nom de Verdun sera, pour toujours, associé aux terribles combats de 1916 qui verront la mort de centaines de milliers de soldats, tant Français qu'Allemands.

Dans Verdun, 2000 ans d’histoire, on apprend que l’étymologie celte «définit» le site où se trouve la ville: dunum, la hauteur et ver, le gué. De son côté, l’Histoire de Verdun précise que la cité, «implantée au carrefour de la vallée de la Meuse et des routes qui relient l’Argonne à la Woëvre» est un site où, «depuis les origines, les hommes ont eu tendance à venir se réfugier». Pour la deuxième partie de notre nouveau voyage sur la route nationale 3 historique, nous aurons parcouru 167 kilomètres entre Château-Thierry et Verdun (continuez la promenade).

Marc Verney, Sur ma route, juin 2013

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AU FIL DE LA ROUTE NATIONALE 3
Les régions du nord et de l'est de la France recèlent de nombreuses traces des routes anciennes... Le voyageur qui zigzague entre anciennes nationales et nouvelles départementales le sait bien... (lire)