Cette vieille plaque Citroën à demi effacée se situe à l'entrée de Cuges-les-Pins en venant d'Aubagne (photo: MV, octobre 2008).
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Quelques anciens panneaux au lieu-dit La Mounine. (photo: MV, octobre 2008).

Villes et villages traversés ou desservis par la R.N.8 (1959):
Aix-en-Provence (N7, N96)
Pont-de-l'Arc
Luynes
Le Pin
Les Cayols
Septèmes-les-Vallons
Saint-Antoine (N113)
Saint- Louis
La Madrague-de-la-Ville
Marseille (N8bis)
La Capelette
Saint-Loup
Saint-Marcel
La Penne
Aubagne
Col de l'Ange (N96)
Cuges-les-Pins
Le Beausset
Ollioules
Toulon (N97)

La seule borne de limites départementales située sur le trajet de la N8. Hélas bien abîmée par les tags (Photo: MV, octobre 2008).
Sources et documents: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte Marseille-Menton n°84, Michelin (1933, 1968); Documents de l’histoire de la Provence, sous la direction d’Edouard Baratier, Privat (1971); Guide Bleu de la France automobile, Hachette (1954); Guide du Routard Côte d’Azur, Hachette (2008); Guide du Routard Provence, Hachette (2008); Histoire d’Aubagne, Dr L. Barthélemy, 1889, Laffitte reprints (1972); Histoire de la Provence, François-Xavier Emmanuelli, Hachette littérature (1980); Histoire de Toulon, sous la direction de Maurice Agulhon, Privat (2004); «L'autoroute de la sortie nord de Marseille», Jean Nicod, dans L'information géographique, volume 15, n°3 (1951); La vie sociale en Provence intérieure au lendemain de la Révolution, Maurice Agulhon, Société des études robespierristes (1970); Le Beausset au fil du temps, Jacky Laurent, éditions Alan Sutton (2005); Les routes de France du XXe siècle, 1900-1951, Georges Reverdy, Presses de l’ENPC (2007); Les routes de France du XXe siècle, 1952-2000, Georges Reverdy, Presses de l’ENPC (2007); Les rues d’Aix, par Roux-Alpheran, Typographie Aubin, éditeur (1848); Marseille au temps du Roi-Soleil, André Zysberg, éd. Jeanne-Laffitte (2007); Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, T.III, sous la direction de M. P.M. Roux, impr. de Carnaud Fils (1839); Toulon et son histoire, du Moyen-Age à la Belle époque, Tony Marmottans, éd. Autre Temps (2000); Vivre à Marseille sous l’Ancien Régime, François-Xavier Emmanuelli, Perrin (1999); Toulon pas à pas, Danièle Masse, éditions Horvath (1989); aubagne.fr; cugistoria.fr; defense.gouv.fr; provence-historique.mmsh.univ-aix.fr; tourisme-paysdaubagne.fr; toutsurmarseille.fr; ville-septemes.fr; Wikipédia; Wikisara. Remerciements: le Géoportail de l’IGN et la BPI du centre Georges-Pompidou.
A VOIR, A FAIRE
Marseille: la deuxième ville de France est riche d’un vaste patrimoine historique. Difficile de privilégier telle ou telle époque… Et puis, Marseille, «capitale» de la magouille, du crime et de la corruption? Encore une autre histoire! Notons plutôt ici que la ville est immense, 240 km2 et 57 km de façade maritime… Incontournable, le Vieux-Port, les quais et le marché aux poissons au débouché de la Canebière… Non loin, sur le site du fort Saint-Jean, le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) montre fièrement sa singularité architecturale… A l’est du Vieux-Port, voilà, perchée sur un piton calcaire, la basilique Notre-Dame-de-la-Garde, et son vaste panorama sur Marseille. A l’ouest, on trouve le pittoresque quartier du Panier à l’ambiance toute méditerranéenne. Une promenade sur le bord de mer, vers la corniche Kennedy, révélera les nombreuses plages de la ville (belle vue sur les îles, également). A conseiller également, une promenade en bateau vers les calanques, situées sur la côte, entre Marseille et Cassis.
Aubagne: on y trouve la maison natale de Marcel Pagnol. Des circuits touristiques de randonnée permettent de rallier les lieux de prédilection et de tournage de Pagnol.
Ollioules: les spectaculaires gorges surplombées par les abruptes falaises regorgent de cavernes et renfoncements… On peut s’intéresser, en amont des gorges, au vieux village d’Evenos, perché sur sa coulée de lave. Le vieil Ollioules et son centre médiéval méritent une halte.
Toulon: voilà une ambiance typiquement méditerranéenne sur le cours Lafayette lors du fameux marché (tous les matins, sauf le jeudi). On peut aussi se promener le long de la rue d’Alger, principale artère piétonne de la ville et se glisser dans les tortueuses ruelles adjacentes. Les fans de la mer se rapprocheront des quais, du musée national de la Marine et de la base navale (pas de visites). Au sommet du mont Faron (accès en téléphérique), il y a une vue impressionnante sur Toulon et sa rade mais aussi le mémorial du Débarquement de Provence. Vers le joli quartier résidentiel du Mourillon, on trouve la tour Royale, construite au XVIe siècle et premier élément des défenses du port. On trouve ici aussi les principales plages de la ville.


Les belles routes de France...
R.N.8: CALANDRES SUR CALANQUES
En 1959, la route nationale 8 part d'Aix-en-Provence pour desservir Marseille, Aubagne, Toulon... Le classement de 1824, nous annonce le site Wikisara, «la définit comme étant la route de Paris à Marseille et à Toulon en précisant qu'elle s'embranche à Aix sur la route précédente n°7. Elle succède alors à la route impériale 9». Une toute petite centaine de kilomètres au travers des garrigues et sous l'éclatant soleil du Midi. Avec en prime, l'aventureuse traversée de Marseille! La Canebière nous voilà!! En 2015, nous refaisons ce trajet avec de toutes nouvelles sources documentaires, qui, je l’espère vont apporter un nouveau regard sur cet axe court mais qui relie trois métropoles, excusez du peu!!

L'ancienne route nationale 8 à la limite des Bouches-du-Rhône et du Var (Photo: Marc Verney, octobre 2008). En cliquant sur l'image vous poursuivez sur la N7 historique...


On quitte Aix-en-Provence après avoir tourné autour de la place de la Rotonde. La ville s’y est dotée en 1860 d'une fontaine monumentale conçue par l'ingénieur des ponts et chaussées, Théophile de Tournadre. La place, véritable porte d'entrée de la ville et confluent des routes d'Avignon et de Marseille, a été réalisée vers 1782, bien après le cours Mirabeau, qui date, lui, du XVIIe siècle. A cette époque, la ville pratique, nous indique l’Histoire de la Provence, «l’urbanisme utilitaire». Ici, la chaussée d’Aix à Marseille a d’abord bordé «la maladrerie Saint-Lazare, fondée au XIIIe siècle» jusque vers 1775, nous dit l’ouvrage Les rues d’Aix. C’est à cette date que fut projeté «une nouvelle route au travers du mont Perrin, tranché en son milieu. Les terres provenant de ce coupement servirent à élever la chaussée; y furent plantés quatre rangs d’ormeaux». Au XXIe siècle, voilà donc l'avenue des Belges et les premiers hectomètres de la R.N.8 historique (D8N en 2015). Deux kilomètres après Aix, la chaussée aborde Pont-sur-l'Arc. «Avant la Révolution, nous indique l’ouvrage La vie sociale en Provence intérieure au lendemain de la Révolution, Toulon était reliée à Aix et à Marseille par Ollioules, Le Beausset, Cuges et Gémenos, l'actuelle R.N.8. C'était une grande voie d'intérêt national, organisée en route de poste et sur laquelle la province faisait de grands frais. C'est ainsi que vers 1780 fut construit sur l'Argens, près des Arcs, un pont destiné à remplacer le bac dont on se contentait jusque là». La route, large et plaisante s'élève et descend au gré des collines. Au début des années trente, nous raconte Georges Reverdy dans Les routes de France du XXe siècle, 1900-1951, «le Conseil général des Bouches-du-Rhône avait décidé d’éclairer les 18 km de la RN8 entre Marseille et Aix-en-Provence. Le département avait pris à sa charge les dépenses d’installation et les frais de fonctionnement des lampes de 200 W espacées de 35 m».

La R.N.8 historique d'Aix-en-Provence à Toulon vue sur une carte de 1933 définissant les "routes à priorité". Un document édité à l'époque par le Laboratoire de médecine expérimentale à l'intention du corps médical.

On atteint le village de Luynes; la N8, nous raconte le Guide Bleu de la France automobile 1954 (Hachette) «court à travers une campagne bien cultivée que dominent des collines couvertes de bouquets de pins formant un charmant paysage méditerranéen»... A la fin du XVIe siècle, lit-on dans l’encyclopédie Wikipédia, Luynes est juste «une petite ferme à la porte d’Aix». Au lieu-dit La Mounine, le bitume dépasse, à droite et à gauche du trajet les villages perchés de Cabriès et de Bouc-Bel-Air. Ici, c’est au XIe siècle, toujours d’après Wikipédia, qu’on «défriche les forêts, on assèche les marécages. De riches domaines agricoles s'installent dans les vallées, quelques maisonnées voient le jour aux quartiers de la Croix d'Or et du Pin». Là, se trouvait un ancien relais sous l’Ancien Régime, à mi-chemin de Marseille et d’Aix. «Tout relais de poste doit nécessairement employer des postillons, des garçons d'écurie pour les soins à apporter aux chevaux; des domestiques pour préparer les repas, les servir ou veiller à l'entretien des chambres. À proximité immédiate, un ou des forgerons, des maréchaux-ferrants, un bourrelier, un ou des maquignons, artisans tous indispensables au bon fonctionnement du relais», nous explique un article de Bernard Amouretti consacré à la route de Marseille à Sisteron entre 1760 et 1860, publié sur le site provence-historique.mmsh.univ-aix.fr.

La nationale 8 historique s'engage alors dans le creux entre la chaîne de l'Etoile (à l'est) et le massif de l'Estaque (à l'ouest). C'est dans ces parages que l'automobiliste des années cinquante rencontre quelques uns des rares kilomètres d'autoroutes hexagonaux existant à l'époque: cet amorce d'autostrade emmène le véhicule désireux d'aller plus vite au coeur de Marseille. Là, nous dit Georges Reverdy dans Les routes de France du XXe siècle, 1952-2000, «l’autoroute nord avait été mis en service progressivement de 1951 à 1953». La N8 historique prend, elle, le temps de musarder dans les immenses banlieues marseillaises. Notre voiture se faufile jusqu'à Septèmes-les-Vallons, où selon Bernard Amouretti, la route, «théoriquement large de 8 m, est l'objet de travaux vers 1763-64». Septèmes porte ce nom, lit-on sur le site ville-septemes.fr, car le bourg est sur le tracé d’un embranchement de la voie Aurélienne vers Marseille, Fos et c’est là que l’on trouvait «la septième borne milliaire qui est à l’origine du nom» de la cité. On arrive à Marseille par le quartier de Notre-Dame-Limite. «A dix kilomètres du centre-ville, au nord de Saint-Antoine, à la limite de Marseille, ce quartier s’inscrit dans un décor montagneux, nous raconte le site Tout sur Marseille. Il a porté plusieurs noms: Camp-Long, Tholon (du latin telonium, péage; ce qui a aussi donné l’ancien français tonlieu), Notre-Dame de Bon-Secours, Notre-Dame de la Douane, enfin Notre-Dame-Limite. C’est là que fut établi le bureau de la douane. Louis XIV ayant déclaré Marseille port franc en mars 1669». On trouve déjà de nombreux commerces le long du chemin; en 1900, c’est le tramway Aix-Marseille qui dessert les lieux…

A gauche, jolie plaque à l'entrée de Septèmes. A droite, le passage du col de l'Ange après Aubagne (Photos: Marc Verney, octobre 2008).

Le reste du trajet pour atteindre le coeur de Marseille est une longue chaussée qui coupe des faubourgs sans âge, mi-industriels, mi-populeux dans lesquels s'étalent petites échoppes et cafés sombres. Rien n'a apparemment changé depuis les années cinquante puisque le Guide Bleu évoque déjà cet «interminable» faubourg! Voilà Saint-Antoine, où l’on retrouve la route d’Arles et Avignon (R.N.113 en 1959), puis La Viste, Saint-Louis, où l’on ne trouvait que quelques maisons au début du XIXe siècle. Enfin, nous voici à La Madrague-de-la-Ville, un quartier de bord de mer qui est longtemps resté un rendez-vous de pêcheurs et de promeneurs avant la forte industrialisation. Marseille! Si le nom chante aux oreilles, la réalité est toute autre... Voilà la ville mythique, de tous les trafics (rappelons-nous l'inouï French Connection ou les polars de Jean-Claude Izzo...), mais aussi de toutes les émotions: fondée par les navigateurs grecs originaires de Phocée en Asie mineure, 600 ans avant JC, Marseille (sous le nom de Massilia) est tout simplement la plus ancienne ville de France... Passée sous domination romaine en 49 avant JC, la cité, déjà fortement peuplée, se dote d’installations portuaires considérables. Invasions «barbares» et temps troublés se succèdent jusque vers l’an mille, où le port, nous indiquent les Documents de l’histoire de la Provence, «s’enrichit du transport des croisés et des pèlerins ainsi que du trafic des marchandises vers et en provenance de la Terre Sainte». Ville déjà turbulente, Marseille s’oppose aux évêques et aux comtes de Provence, obtenant même une large indépendance économique par rapport au royaume de France. Un vaste élargissement est planifié au XVIIe siècle: en 1666, écrit l’ouvrage Vivre à Marseille sous l’Ancien Régime, «la ceinture de remparts qui protégeait la ville depuis trois siècles est abattue. Une cité nouvelle se bâtit peu à peu à l’est et au sud de la vieille cité médiévale». A cette époque, l’amorce de ce qui sera plus tard la fameuse Canebière est réalisée. L’activité économique du port de Marseille explose au cours du XIXe siècle avec les nombreuses liaisons commerciales en direction de l’empire colonial français. Chantier majeur de ce siècle: l’arrivée des eaux de la Durance grâce au canal de Marseille, qui permet l’approvisionnement en eau des 300 000 habitants. Dans les années cinquante, malgré les imposantes destructions de la Deuxième Guerre mondiale, c'est la deuxième agglomération du pays, avec plus de 636 000 habitants!

La circulation à Marseille a toujours été un «vrai poème», comme on dit… Sous la royauté, lit-on dans Vivre à Marseille sous l’Ancien Régime, «la circulation était devenue si intense à la fin du XVIIIe siècle que l’on parlait déjà de couper les arbres de la Canebière, de la rue de Rome et d’interdire le stationnement sur le Cours et dans les rues adjacentes». Aujourd’hui, la traversée de la ville ne semble pas si compliquée (bon…): le cours Belsunce coupe la Canebière (on jette un oeil sur le Vieux Port) puis on se dirige par la rue de Rome vers la place Castellane. De là, cap sur l'avenue de Toulon; la N8 historique, dès lors, remonte la vallée de l'Huveaune et traverse un invraisemblable fouillis de petites cités dans lesquelles la circulation est d'une densité incroyable. Les lieux se dénomment La Capelette, Saint-Loup, Saint-Marcel, La Penne... On lit dans l’Histoire d’Aubagne que, «pendant le Moyen Age et jusqu’à nos jours, Aubagne a toujours communiqué avec Marseille par plusieurs voies plus ou moins parallèle à l’Huveaune». Le plus ancien chemin, qui porte le nom de «petite route», fut la voie royale jusqu’au XVIIIe siècle. «Elle arrivait (à Aubagne) par le quartier du Camp-Major» (globalement la D2 d’aujourd’hui). Le deuxième chemin –à la base- plus étroit, «entrait en 1322 dans Aubagne par la rue Cuelongue qui se transforma, à la fin du XVIe siècle, en rue des Hôtes à cause des nombreuses hôtelleries qui y étaient établies». C’est l’actuelle N8 historique. Cette voie, «plus carrossable à la suite de travaux faits au commencement du XVIIe siècle, détrôna la première et prit à son tour le titre de grande route ou chemin royal». La traversée d’Aubagne n'était pas une partie de plaisir, selon le site aubagne.fr: la route royale n°8 de Marseille à Toulon «traversait Aubagne bien difficilement. Gênée par la présence de l’Huveaune et du Merlançon, elle présentait plusieurs courbes dans un réseau de rues tortueuses et malaisées. Un plan d'alignement fut dressé en 1823». Cet ambitieux programme avait pour but de «supprimer les sinuosités de la rivière (Huveaune) en dessinant un tracé rectiligne de 500m, dans la continuité du lit originel afin d’éloigner le confluent de l’Huveaune et du Merlançon. Les plans définitifs furent dressés en 1837 et le financement réparti par tiers entre le gouvernement, le département et la commune. Les travaux, débutés en 1838 prirent fin en 1842».

La R.N.8 historique arrive à Cuges-les-Pins en venant d'Aubagne. Ancienne carte postale publiée sur le site cugistoria.fr.

Droit devant nous, voilà le massif de la Sainte-Baume. Mais c'est en regardant vers le nord, en direction de la chaîne de l'Etoile que l'on retrouve quelques uns des paysages favoris de l'écrivain-cinéaste Marcel Pagnol: le petit village de La Treille, le sommet du Garlaban (710 m)... A Aubagne, la route nationale 8 historique (D8N) prend directement la direction de Cuges-les-Pins en passant par le col de l'Ange (218 m). Ce ne fut peut-être pas toujours le cas: il fut décidé en 1736 «d’agrandir la route de Marseille à Toulon depuis La Penne jusqu’à Gémenos». «Les travaux, nous dit encore l’Histoire d’Aubagne, commencés en 1737 étaient terminés jusqu’à l’entrée d’Aubagne au mois de juin 1738; ils furent continués depuis la sortie de la ville jusqu’à Gémenos». On voit d’ailleurs sur la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par le Géoportail de l’IGN un ancien tracé entre Aubagne et Gémenos. Cependant, la carte de Cassini (XVIIIe) emmène directement la «route de Toulon» en direction de «Cujes» sans passer par Gémenos… Vers le col de l’Ange, en 1839, le Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille évoque une «rectification» au col, estimée à «65 000 francs». Là aussi, la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par le Géoportail de l’IGN montre deux tracés après le passage du col. Puis, c'est la descente vers le plan de Cuges, un –très- ancien bassin lacustre désormais cultivé. Les marécages de la plaine sont asséchés au XVe siècle. Ici, le Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille parle de «démolition de maisons» dans la traverse du village ainsi que le pavage des rues mais aussi de l’élargissement de la chaussée, dans et hors du bourg. «Occupée dès le néolithique, nous explique le site tourisme-paysdaubagne.fr, Cuges-les-Pins connut une réelle expansion à partir de 1647 lorsque le tracé de la route reliant Marseille à Toulon fut modifié et s’approcha du bourg». Un nouveau chemin Marseille-Toulon traversant Cuges est, selon cugistoria.fr, décidé en 1739 et réalisé à partir de 1751.

Ayant passé Cuges, la N8 grimpe dans une belle forêt de pins vers la limite départementale entre les Bouches-du-Rhône et le Var. On voit clairement sur la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par le Géoportail de l’IGN les nombreuses rectifications réalisées autour d’une voie jugée sans doute trop raide. Une large boucle mène aujourd’hui dans le département du Var, au lieu de l’ancienne ligne droite menant au Camp (ici, mention au XIXe siècle de casernes de gendarmerie pour la protection des voyageurs). En sortant des Bouches-du-Rhône, la D8N devient DN8. Dans ce secteur, entre Marseille et Le Beausset, la route n°8 devait traverser des zones «désertes et boisées, assez sauvages» et «fortement escarpées», lit-on dans l’ouvrage La vie sociale en Provence intérieure au lendemain de la Révolution. «Réalisé en 1592 par le connétable de Lesdiguières, lieutenant général de Provence pour le roi Henri IV et réparé en 1660 à l'occasion du passage de Louis XIV, découvre-t-on dans le livre Le Beausset au fil du temps de Jacky Laurent, ce chemin allant de Cuges-les-Pins à Toulon via Le Camp du Castellet, Sainte-Anne de l'Aouque, Le Brûlat, Le Beausset, Sainte Anne d'Evenos et Ollioules, était aussi dénommé "route militaire"». La route actuelle, qui dessert désormais le circuit automobile Paul-Ricard, inauguré en 1970, a été réalisée plus tard. Le bourg du Beausset est rapidement traversé. Jadis, le relais de la Calèche y était un relais de poste à chevaux réputé. Jacky Laurent écrit que «les voyageurs des diligences, coches, malles-poste et autres chars à bancs y trouvaient toujours un asile hospitalier. Quant aux nombreux militaires de passage, ils ne manquaient jamais de faire étape au Beausset».

A Cuges, trois générations de signalisation routière se superposent! (Photo: MV, oct. 2008)

Peu après Sainte-Anne-d’Evenos, la R.N.8 historique s'engage dans les gorges d'Ollioules. Celles-ci, bordées «de falaises déchiquetées» (Guide Bleu) sont une des principales curiosités de la route. On peut lire, sur le site defense.gouv.fr, dans un article consacré à la Tour royale de Toulon, que «la première route des gorges d'Ollioules», afin «d'éviter l'âpre montée du col du Corps-de-Garde», fut réalisée par l'armée impériale de Charles-Quint lors de son invasion de la Provence en 1524. Au fil des siècles, ce fut aussi un haut lieu du banditisme de grand-chemin avec notamment Gaspard de Besse, que l’on retrouve aussi dans l’Esterel… Au XXIe siècle, l'arrivée sur Toulon est sans surprises. Sur la carte d’état-major du XIXe publiée par le Géoportail de l’IGN, on voit par contre que la route n°8 traverse le faubourg du Las (auj. avenue du Quinzième-Corps) avant de pénétrer dans Toulon par la porte de Paris. On y discerne clairement les nombreux dispositifs de défense. Dans les Documents de l’histoire de la Provence, on peut lire que «l’histoire de Toulon est pratiquement liée à celle de la marine de guerre depuis Louis XII». Le nom Telo Martius, apparaît pour la première fois dans l’Itinéraire maritime, dit d’Antonin. Endroit marécageux, le havre n’est à l’époque qu’un abri où l’on met les barques de pêcheurs au sec. «La première enceinte fortifiée date, nous indique Toulon et son histoire, du Moyen-Age à la Belle époque, du XIIIe siècle». Si de premiers agrandissements sont le fait d’Henri IV à la fin du XVIe siècle, c’est Vauban, sous Louis XIV, qui crée un nouvel arsenal et organise la défense de la cité militaire. Après 1852, les vieux bastions et remparts sont démolis; une nouvelle ville naît, d’inspiration haussmanienne, au nord des vieux quartiers. A cette époque, la route principale utilise le nouveau boulevard Napoléon (auj. boulevard de Strasbourg) pour traverser Toulon d’ouest en est. La place au Foin (auj. place Puget) est la véritable «gare routière» de la ville entre le XVIIIe et le XIXe siècle. On y trouve hôtels et auberges, dont le célèbre hôtel de la Croix-d’Or. L’activité y était permanente: «Les diligences ne craignaient pas de rouler de nuit à la lueur d’un fanal, traversant les vaux d’Ollioules à un train d’enfer et grimpant la côte du Camp tirées par huit chevaux» écrit Tony Marmottans dans Toulon et son histoire, du Moyen-Age à la Belle époque… L'ouvrage Toulon pas à pas de Danièle Masse évoque la guerre de 1939-1945: après vingt mois d'occupation, l'épreuve de du sabordement de la flotte, huit bombardements et la rude bataille de la libération, 1144 immeubles étaient entièrement détruits sur 18 100. La ville était sinistrée à 47%... La nationale 8 historique s'achève donc dans ce vaste port, après 95 kilomètres de bitume depuis Aix-en-Provence. Pour être totalement complet sur le sujet: une N8bis d’une longueur de 54 km a relié Marseille à la N7 (vers Pourcieux).

Marc Verney, Sur ma route, janvier 2015

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La Côte d'Azur nous tend les bras. Fréjus, Cannes, Antibes, Nice, Monaco et Menton... Que des noms qui chantent au pays du soleil!! Bienvenue sur la route des vacances (lire)

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