Dans la nuit du Sundgau, ce vieux panneau Michelin de la nationale 73 survivait encore à l'orée du XXIe siècle... (photo: MV, avril 2007).
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SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959);carte n°21 Bâle-Saint-Gall, Michelin (1955); carte n°66 Dijon-Mulhouse, Michelin (1947, 1967); carte n°70 Beaune-Evian, Michelin (1955); Annales des ponts et chaussées: partie administrative (2e partie), A. Dumas (1891); Annuaire départemental du Doubs, Paul Laurens, imprimerie et lithographie de Sainte-Agathe (1842); Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse (volume 6), Société industrielle de Mulhouse (1833); Bulletin des lois du royaume de France, Imprimerie royale (1845, 1848); Bulletin des lois de la République française, Imprimerie nationale (1850); De la corvée en France et en particulier dans l'ancienne province de Franche-Comté, S. E. Hyenne, J. Jacquin (1862); Dictionnaire géographique, historique, et statistique des communes de la Franche-Comté, Alphonse Rousset, Frédéric Moreau, Bintot (1854, 1858); Guide Bleu Franche-Comté Monts-Jura, Hachette (1961); Guide Vert Jura-Franche-Comté, Michelin (1985); Histoire de Baume-les-Dames, Alexandre Borrot, CETRE (1978); Itinéraire général de la France, Franche-Comté et Jura, Paul Joanne, Hachette et Cie (1896); Le département du Doubs depuis cent ans, extrait des Mémoires de la Société d'émulation du Doubs, imprimerie Jacques et Demontrond (1965); «Les chemins historiques du canton du Jura», une publication de l'Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse, par Antoine Glaenzer, Claude Bodmer, Sabine Bolliger, Office fédéral des routes, ivs.admin.ch (2003); Le Sundgau à travers les siècles, Paul Stintzi, FeniXX (1957); Porrentruy, sous-préfecture du Haut-Rhin: l'évêché de Bâle et le pays de Montbéliard à l'époque napoléonienne, André Bandelier, éditions de la Baconnière (1980); Recherches historiques et statistiques sur l'ancienne seigneurie de Neuchâtel au comté de Bourgogne, par l'abbé Richard, imprimerie C. Deis, (1840); baume-les-dames.org; chaprais.info; chronologie-jurassienne.ch; clerval.fr; clerval.pagesperso-orange.fr; dampierre-jura.fr; grandbesançon.fr; koestlach.fr; mairie-novillars.fr; porrentruy.ch; rochefortsurnenon.fr; roche-lez-beaupre.fr; roulans.fr; ville.pdr.free.fr; Wikipédia; Wikisara. Remerciements: le Géoportail de l’IGN.
Il restait encore quelques Michelin dans la région de Pont-de-Roide, comme à Dampjoux, 5 km au sud de notre itinéraire (photo: MV, nov. 2009).

VILLES ET VILLAGES TRAVERSES:
Folgensbourg, Werentzhouse, Bouxwiller, Ferrette, Vieux-Ferrette, Koestlach, Moernach, Durlinsdorf, Liebsdorf, Courtavon (frontière suisse). Trajet suisse: Miécourt, Alle, Porrentruy, Chevenez, Rocourt, Réclere, Damvant. (frontière française) Villars-lès-Blamont, Pierrefontaine-lès-Blamont, Pont-de-Roide, Vermondans, Dambelin, Mambouhans, Bermont, Glainans, Anteuil, Clerval, Branne, Hyèvre-Paroisse, Baume-les-Dames, Séchin, Roulans, La Malmaison, Novillars, Roche-lez-Beaupré, Besançon, Château-Farine, La Belle Etoile, Saint-Vit, Dampierre, Ranchot, La Barre, Orchamps, Audelange, Rochefort-sur-Nenon, Dole.
QUE DIT L'ETAT DES ROUTES 1928? Au départ de Bâle, la route est dite en bon état durable (goudronnée, silicatée ou pavée). Ca se gâte assez rapidement, puisque de Ferrette à Clerval, il n'y a rien de mentionné (état ordinaire)... De Clerval à Besançon, la route est à nouveau en bon état durable, tout comme quelques kilomètres après la capitale franc-comtoise. Avant Saint-Vit, notre R.N.73 est "mauvaise". Et, enfin, cela s'améliore avant Dole: bon état durable... Plutôt mieux que d'autres routes à la même époque!!! Source: carte Michelin Etat des routes 98ER (été 1928).
Autour de Dole, la route nationale 73 historique salue une dernière fois le canal Rhin-Rhône qui va piquer à l'ouest pour rejoindre la Saône près de Saint-Jean-de-Losne (où se trouve aussi l'aboutissement sud du canal de Bourgogne). (photo: MV, janvier 2006).

A VOIR, A FAIRE
Bâle: avec une bonne trentaine de musées, il y a de quoi faire! A noter tout particulièrement le Kunstmuseum, le plus coté de Suisse (il expose des oeuvres des XVe et XVIe siècles mais également du XIXe et XXe siècles). Il peut être aussi très agréable de se promener dans la vieille ville située de part et d'autre du Mittlere Brücke. Enfin, voilà la cathédrale, construite à partir du XIe siècle. Fin février, on viendra suivre le carnaval de la ville, unique en terre protestante! A deux kilomètres de Bâle, à Riehen, l'extraordinaire fondation Beyeler (200 oeuvres des grands maîtres de l'art moderne).
Ferrette: la rue du Château et l'hôtel de ville de Ferrette, qui est l'une des plus belles demeures du village (petit musée local). Les ruines du château sont accessibles depuis Ferrette. Le chemin qui y mène a encore des traces de son pavage de la Renaissance. Le musée des Amoureux et du Patrimoine sundgauvien (rue de Ferrette, à Werentzhouse): 30.000 (!) cartes postales et 17.000 photos anciennes...
Porrentruy: le château, l'église Saint-Pierre, les fontaines et la porte de France. Un musée consacré à l'art optique (Popa). Depuis 2017, le bourg fait partie de l'association Les plus beaux villages de Suisse.
Baume-les-Dames: à proximité du pont sur le Doubs (huit arches), on peut voir un monument érigé en 1884 à la mémoire du marquis de Jouffroy d'Abbans. L'homme a été rendu célèbre par les essais de navigation à vapeur qu'il a mené sur le Doubs en 1776. L'abbaye et de belles demeures dans le centre, dont la maison à tourelle et la maison-musée des sires de Neuchâtel-Urtière.
Besançon: de l'axe du pont de Battant (il y avait là un ancien pont romain) on peut voir la Grande-Rue, voilà ensuite le palais Granvelle (XVIe siècle) et le musée du Temps (on est au pays de l'horlogerie...), la cathédrale Saint-Jean et son horloge astronomique, la porte Noire (dernier vestige romain de la ville), le musée des Beaux-Arts (1, place de la Révolution): dans une ancienne halle aux grains du XIXe, il s'agit de l'un des plus anciens musées de France. La Citadelle, qui surplombe la cité, possède plusieurs musées, espace Vauban, musée Comtois, musée de la Résistance, Muséum... A 15 km à l'est de la ville, à Nancray, magnifique musée de plein air des Maisons comtoises.
Dole: l'hôtel-Dieu et le quartier du canal des Tanneurs, le monument central de la ville, la collégiale Notre-Dame (XVIe siècle), la maison natale de Louis Pasteur (musée), le musée des Beaux-Arts, plusieurs hôtels particuliers et le palais de justice, ancien couvent des Cordeliers, créé en 1372. A côté, par la route de Dijon, le mont Roland est un lieu de pèlerinage fréquenté dès 1636.


Les belles routes de France
R.N.73: LA GRANDE TRAVERSEE (I)
L'ancienne R.N.73 a un parcours des plus atypiques... La route naît aux portes de Bâle, traverse le sud de l'Alsace, saute la frontière avec la Suisse, coupe franchement dans les monts et le finage jurassiens en croisant la «route blanche» à Dole, puis s'oriente à l'ouest pour s'adonner aux joies de la Bourgogne vineuse avant de passer au large du rude Morvan et de finir en douceur au bord de l'Allier à Moulins... Un périple franchement surprenant d'environ 400 kilomètres, nous indique l'Atlas des grandes routes de France Michelin de 1959... En voici la première partie Bâle-Dole (avec un texte entièrement revisité en ce printemps 2020).

A peu de kilomètres de la frontière suisse, ce bel ensemble Michelin bravait encore les nuits jurassiennes en 2007 (photo: Marc Verney, avril 2007). En cliquant sur l'image vous allez à la page deux du trajet de la R.N.73 historique..

C'est après le village de Hésingue que l'on trouve, en 1959 et encore aujourd’hui l'embranchement d'où part, à droite, l'ex-R.N.19 (D419) pour Belfort, et, à gauche, la R.N.73 historique (D473) vers Ferrette et Porrentruy. Ce n’a pas toujours été le cas: sur la carte de Cassini (XVIIIe), on remarque une chaussée s’orientant depuis Bâle vers Porrentruy par Hégenheim, Oltingue, Ligsdorf, Levoncourt et Alle. Il y avait, effectivement, des routes dans la région depuis l’Antiquité. Un dossier, intitulé «Les chemins historiques du canton du Jura» mis en ligne par l'Inventaire des voies de communication historiques de la Suisse (IVS) va nous apporter de précieuses infos sur l’évolution des itinéraires routiers entre Suisse et France. Entre 1989 et 1995, des fouilles préventives, effectuées sur le chantier de l'autoroute suisse A16 ont mis au jour un tronçon de voie romaine, attestée sur une longueur de trois kilomètres. L'IVS précisant même le mode de construction: «La chaussée, de 6,5 à 6,7 mètres de large, est fondée sur un "hérisson" de dalles calcaires alignées à la verticale et recouvertes d'une couche de gravier compressée, bordée de chaque côté par un fossé». La voie, poursuit l'article, «a été construite à l'époque de Claude, vers le milieu du Ier siècle après J.C. et utilisée jusque dans la première moitié du IVe siècle». La plaine d'Ajoie, avec Porrentruy en son centre, appartient à l'arrière-pays de Mandeure et de Montbéliard. On devait y trouver un noeud de circulation antique, notamment vers l'ouest en direction de Mandeure, vers le nord, de Delle où passait la grande route de Lyon au Rhin et vers l’est en direction de Bâle, analyse l’IVS. Puis, après les troubles dus aux «invasions barbares», c’est l’évêché de Bâle qui investit peu à peu la région. Beaucoup plus tard, raconte encore le document suisse, c’est le développement économique bâlois, aux XVe et XVIe siècles qui place la région au cœur des échanges nord-sud. Les commerçants, au sud, utilisent des pièces d’or, alors qu’au nord, on se sert plutôt d’argent. Bâle sera le lieu du change, «contrôlant la qualité des monnaies et des métaux précieux». Vers cette ville, l’axe important de l’époque passe par Delémont, Laufen et la vallée de la Birse (actuelle route n°18); mais les vallées jurassiennes contribuent, elles aussi, à cette activité économique, en convoyant matières premières et biens de consommation vers la cité rhénane.

R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE!
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre Paris à Bâle, en Suisse, en passant par la belle cité de Troyes, Chaumont, Langres, Belfort et Saint-Louis, non loin de Mulhouse... (lire)

Au XVIIIe siècle, l’évêché de Bâle est encore la puissance régionale dominante. A l’époque, explique le dossier de l’IVS, «le souci des princes évêques est surtout de favoriser les voies qui permettent d'atteindre l'étranger: Belfort et Bâle bien sûr, mais aussi Soleure, Neuchâtel et Berne». Et 1741 représente, pour l'évêché, l'année décisive dans la mise en place de ce réseau routier. Douze ordonnances concernant des «grands chemins» sont promulguées jusqu’en 1750; et les liaisons «internationales» sont privilégiées: On peut rallier Bâle depuis Delémont en passant par Soyhières et Laufon; depuis Porrentruy, on rejoint Belfort en passant par Boncourt et Delle, on laisse Porrentruy pour Besançon par Courtedoux, Damvant et Pont-de-Roide (notre R.N.73...). Puis, après la chute de l’évêché, en 1792, la région se trouve sous domination française jusqu’en 1815… Bienvenue dans le département français du Mont-Terrible!! Enfin, c’est le canton de Berne (Confédération helvétique) qui prend la relève jusqu’à la création du canton du Jura en 1979. Plus au nord-est, aux portes de Bâle, nous sommes dans la région du Sundgau (littéralement «comté du sud» en dialecte germanique). Ce petit massif montagneux, également surnommé «le Jura alsacien» se caractérise par un paysage de modestes monts entourés de forêts et d'étangs où prolifèrent de nombreuses carpes, devenues l'emblème culinaire de cette modeste région –à l’histoire compliquée- et qui fut longtemps –aussi- aux mains des Habsbourg, d'où son troisième petit nom: «l'Autriche antérieure»... Mais revenons à la route! De Hégenheim à Folgensbourg, notre chaussée porte le nom, sur la carte d’état-major du XIXe siècle publiée par l’IGN, de «route de Delle à Bâle». Là, le Bulletin de la société industrielle de Mulhouse indique, en 1833, un «travail d'art fait dans la commune de Folgensbourg, à savoir un ponceau en charpente sur la route royale n°73». Pour Paul Stintzi, auteur de l'ouvrage Le Sundgau à travers les siècles, c'est le développement industriel, au XVIIIe siècle, qui «nécessita la construction de nouvelles routes et l'entretien des anciennes; elles étaient assez nombreuses à la fin du siècle, dit-il. Si la plus importante de ces routes reliait Huningue à Belfort par les Trois-Maisons, il faut (notamment, NDLR) citer celle de Bâle (par Hégenheim) à Porrentruy (...) ou encore celle de Huningue à Delle»...

La R.N.73 historique entre Bâle et Besançon en 1933. Extrait d'une carte des voies à grande circulation éditée pour le corps médical par le Laboratoire de médecine expérimentale.

Après Folgensbourg, plus aucune route vers la Suisse (hormis celle citée en début d’article) n’apparaît sur la carte de Cassini du XVIIIe publiée par le Géoportail de l’IGN. Nous retrouvons une «route de Ferrette à Bâle» dessinée sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866). A un virage de ce chemin, on croise le lieu-dit Césarhof, rien à voir avec Jules… mais avec l’implantation de fermiers mennonites (ou anabaptistes) venus de Suisse dans le Sundgau à partir du XVIIe siècle (il fallait bien repeupler après la terrible guerre de Trente Ans qui a ravagé la région). A Werentzhouse, on croise la vallée de l'Ill, rivière qui parcourt toute la plaine alsacienne pour aller se jeter dans le Rhin à la hauteur de Strasbourg. A Bouxwiller, on notera la rectification, ordonnée en septembre 1849, et qui fera passer la nouvelle chaussée par Luppach, plus au nord, remplaçant la «Vieille route» sortant du village par la rue de Réservoir et longeant de manière malcommode le Zuberhof... Et voici Ferrette, croquignolet bourg fondé au XIIe siècle dont les maisons s'accrochent sur les flancs de la vallée; le village est surplombé par les ruines d'un château détruit au XVIIe siècle, durant la guerre de Trente Ans. L’histoire de ces lieux mérite le détour! «Lorsqu'on se dirige de Bâle vers Besançon, en longeant les derniers contreforts du Jura, écrit Auguste Quiquerez dans l'Histoire des comtes de Ferrette, deux routes suivent presque parallèlement cette chaîne de montagnes. C'est la nature, plutôt que les hommes, qui a tracé ces voies de communication, ensuite employées par les Gaulois, par les Romains et par les peuples modernes. La plus septentrionale a laissé son nom au Vieux-Ferrette, Via Ferrata, et l'autre, plus rapprochée du Blauenberg, remonte le cours du Byrsick, puis celui de l'Ill, jusqu'à sa source, passe au ruisseau de la Largue et va déboucher dans le bassin d'Ajoie Ces deux voies de communication sont jalonnées par des monuments et des antiquités romaines très nombreuses. Chacune de ces routes avait plusieurs rameaux dont l'un, partant du chemin le long du Blauenberg, près de Sondersdorf, arrivait, sur la droite, à une colline dont la tête rocheuse domine toute la plaine d'Alsace». Effectivement, De là, belle vue sur tout le Jura proche, la Forêt-Noire, le Kaiserstuhl... Le passage est donc éminemment stratégique. Les comtes de Ferrette, une des dynasties les plus puissantes de Haute Alsace, sept comtes, allaient régner du XIIe au XIVe siècle et contrôler tout le trafic passant au pied de leur vertigineux nid d’aigle, dit le site … Après la guerre de Trente Ans, le comté, exsangue, passe aux mains des Français… plus précisément, Louis XIV donne les lieux au cardinal Mazarin!

Il faut maintenant prendre la direction de Vieux-Ferrette par la rue de la 1ère-Armée. La chaussée contourne le Burgerwald sur lequel se trouve l’oppidum du Kastelberg. On traverse Koestlach; le site de ce village (koestlach.fr) évoque des bains antiques «construits probablement vers l'an 150 avant notre ère, sur le tracé de la voie romaine qui reliait Porrentruy à Augusta Rauracorum». Ils étaient fréquentés «par les voyageurs qui s'y détendaient avant de reprendre la route». On est ici sur l'une des parties les plus négligées de cette défunte R.N.73. La chaussée, sur les cartes modernes du XXIe siècle, n'a même pas le statut d'une route départementale de quelque importance... Moernach, Durlinsdorf et Liebsdorf regardent déjà côté suisse. C'est là que l'on sort du «Jura alsacien» pour filer en direction de Courtavon (douanes françaises). Nous voilà donc en Suisse à Miécourt. Notre trajet helvétique nous mène jusqu'à Porrentruy, qui fut le chef-lieu du département français du Mont-Terrible puis sous-préfecture du Haut-Rhin avant 1815. Et c’est en 1812 que le conseil général du Haut-Rhin se mit en tête «d'ouvrir la route Porrentruy—Bâle par Ferrette, prolongeant ainsi la route impériale Besançon—Porrentruv par Damvant», écrit l’ouvrage Porrentruy, sous-préfecture du Haut-Rhin: l'évêché de Bâle et le pays de Montbéliard à l'époque napoléonienne. Porrentruy, avance le site porrentruy.ch, surgit dans l’histoire entre 968 et 1148. De nombreux maîtres ont détenu la ville, au fil des ans jusqu'au Moyen Age, les comtes d'Alsace, les abbés de Moutier-Grandval, les princes-évêques de Bâle... A la fin du XIIIe siècle, alors que Renaud de Bourgogne occupe la région, le prince-évêque demande l'aide de l'empereur Rodolphe de Habsbourg pour l'aider à chasser l'occupant bourguignon. Ce qui est fait en six semaines, et, du coup, Porrentruy obtient de l'Empire une charte de franchises (20 avril 1283) qui lui permet notamment de tenir marché le jeudi. Bien mieux, signale encore le site de la ville, «en 1527, le prince-évêque quitte Bâle gagnée à la Réforme et s’installe à Porrentruy, qui devient sa résidence officielle». Il en profite pour l’agrandir en faisant construire la Résidence et la Chancellerie. La petite cité accède, par la même occasion, au rang de capitale d’un des nombreux Etats de l’Empire! Au XVIe siècle, la ville connaît une ère prospère qui prend fin avec la guerre de Trente Ans (1618-1649), durant laquelle la cité est assiégée et occupée à plusieurs reprises. En 1792, la Révolution française chasse le prince-évêque et, à Porrentruy, naît une éphémère République qui sera ensuite rattachée à la Nation française jusqu’à la chute de l’Empire. Plus récemment, les Jurassiens francophones, peu satisfaits d’un rattachement au canton de Berne (germanophone) «engagèrent la lutte, dit porrentruy.ch, pour l’indépendance partielle ou totale des régions de l’ancien évêché de Bâle».

On quitte Porrentruy par la route suisse n°99 qui traverse Chevenez, Rocourt, Reclère et Damvant. Celle-ci est dessinée sur la carte de Cassini (XVIIIe siècle) publiée par le Géoportail de l’IGN. Le 1er janvier 1866, signale le site chronologie-jurassienne.ch, on ouvre un service de diligences entre Porrentruy et Damvant. Retour en territoire français à Villars-lès-Blamont. Là, en région Bourgogne-Franche-Comté (département du Doubs), la nationale déclassée est devenue la départementale 73. En 1841, l'Annuaire départemental du Doubs ne signale pas de tronçon en lacune sur la route de troisième classe n°73 de Moulins à Bâle qui traverse le département sur une longueur de «99.092 mètres» entre Villars-Blamont et Saint-Vit. C'est après Pierrefontaine-lès-Blamont que la route entame sa descente en direction de Pont-de-Roide et de la vallée du Doubs. Sur cette portion, les cartes montrent que des rectifications ont été menées sur le tracé de la chaussée, entre Villars-lès-Blamont et Pierrefontaine-lès-Blamont et surtout dans la descente vers le Doubs. L’ancien itinéraire, après le croisement avec la D35 (la Marnière) piquait sur le côté sud du vallon, longeant la combe Jorbey pour retrouver plus loin la Crochère et Roide. Le tracé actuel, lui, s’articule en longs lacets autour de la côte Bernard avant de retrouver Roide. D'après les Annales des ponts et chaussées (1891), la déclaration d'utilité publique des rectifications de la route nationale 73 «en divers points, entre Pont-de-Roide et la frontière suisse, aux territoire des communes d'Ecurcey, d'Autechaux, de Pierrefontaine et de Villars-lès-Blamont» est à mettre au crédit de la IIIe République. Voilà maintenant Pont-de-Roide. Ici, la construction, en 1388, d’un nouveau pont sur le Doubs, raconte le site officiel ville.pdr.free.fr, permettant de raccorder la Franche-Comté et la Suisse, va lancer l’érection d’une petite cité prospère qui va vivre longtemps au rythme du transport du sel venant de Salins. «Le sel, denrée fondamentale à l'époque, est source de revenu très important grâce à l’impôt», souligne encore le site de la ville. Une centaine de chargements par semaine transitera jusqu’aux environs de 1630 par ce pont, soit entre 70 et 80 charrettes. L'activité industrielle s'implante, nous dit un panneau d'informations municipales situé sur le bord du Doubs, au milieu du XIXe siècle. On trouve à Pont-de-Roide une fabrique de «grosse quincaillerie» dotée de laminoirs, martinets et meules. Elle produit, en 1855 «près de 900 références: outils de coupe et agricoles, pièces laminées pour l'horlogerie et tréfilées, baleines pour corsets ou parapluies, moulins à café...». Fondée par une autre partie de la famille Peugeot, cette usine aura un éléphant comme logo, histoire de se démarquer du lion belfortain! Jusqu'en 1994 on y fabriquera de l'outillage et des pièces pour automobile. Le pont du XIVe siècle remplaçait un ancien ouvrage antique, situé à l’embouchure du Roide, signale une plaque apposée non loin du passage. Endommagé en 1944, «il est rénové et élargi en 1956». Au niveau de celui-ci, c’est le carrefour avec la R.N.437 venant de Belfort. La chaussée de Porrentruy et Bâle a été réalisée autour de 1756-1757, rapporte encore le site ville.pdr.free.fr. De son côté, l’ouvrage De la corvée en France et en particulier dans l'ancienne province de Franche-Comté, indique «qu’en 1744, elle était déjà en état sur presque toute sa longueur».

RN437: LA-HAUT SUR LA MONTAGNE
La R.N.437 historique relie Belfort à Saint–Claude en traversant le Haut-Doubs et le Haut-Jura... Les beaux paysages y sont légion (lire)

Dès lors, la route Bâle-Moulins remonte le vallon de la Ranceuse. Le premier village traversé, Vermondans, a fortement souffert lors des durs combats pour la libération de la France en septembre-novembre 1944. Sur la gauche, on longe toujours la chaîne du Lomont, qui culmine à 840 m d'altitude (impressionnante ligne d’éoliennes aujourd’hui…). Voilà Dambelin. Par ici, les villages dépendaient au XIVe siècle des seigneurs de Neuchâtel (France) et faisaient partie, comme Pont-de-Roide, Vermondans, Ortières, Rémondans et le bourg de Neuchâtel de la fermetey, des lieux fermés, entourés de vastes forêts. Le vallon, écrivent les Recherches historiques et statistiques sur l'ancienne seigneurie de Neuchâtel au comté de Bourgogne (1840), «est l'un des sites les plus agréables et les plus pittoresques du département du Doubs». On peut supposer, écrit encore cet ouvrage que le vallon de Dambelin «a été défriché dans sa partie supérieure dès le VIIe ou le VIIIe siècle au plus tard». Mais des habitants s'y trouvaient dès l'Antiquité: «C'est ce que nous apprennent les restes d'un établissement de chasse appelé Combe-de-Diane (Vallis Dianae), et ensuite la Loge. De combe de Diane on a fait, par contraction, Combe d'Hians; ce hameau de dix maisons, doit son origine à l'unique habitation qui y fut établie dans le temps de la domination romaine»... Et, encore selon l'abbé Richard, «le passage de la route royale de Moulins à Bâle (à Dambelin, NDLR) occasionna la construction des belles maisons qui la bordent». Passé Mambouhans, la chaussée remonte au nord pour redescendre au sud-ouest vers Glainans en effleurant le bois de Miémont. Après le village d’Anteuil, notre R.N.73 historique s’oriente vers Clerval en longeant la côte d’Armont. Un peu plus loin, au niveau du village de Chaux-lès-Clerval, on note, qu’en octobre 1847, une ordonnance royale initiait la rectification de la chaussée «dans les côtes du Reposoir» non loin de la chapelle du même nom (là où les charretiers faisaient reposer leurs attelages évidemment!). Ici, «l’armée Bourbaki, en retraite en janvier 1871, avait fait sauter une portion du chemin pour retarder les Prussiens. Le rétrécissement qui en a résulté est toujours visible» le long de l'ancienne route de Bâle, indique le site clerval.fr. On pénètre dans Clerval par la rue de la Porte-de-Chaux. C'est dans ce petit bourg, ancienne ville fortifiée des comtes de Bourgogne, que la R.N.73 interrompait, en 1959, le trajet de la R.N.83 jusqu'à Besançon. La route y traverse le Doubs sur un ouvrage récent datant de 2004. Ce nouveau pont, explique une page web (clerval.pagesperso-orange.fr) réalisée par des habitants, est le dernier d’une longue série de franchissements: il y eu certainement plusieurs ponts en bois depuis la période gallo-romaine jusqu’au XVIIe siècle, puis un pont en pierre depuis le début du XVIIIe siècle. Celui-ci est remplacé par un ouvrage métallique entre 1932 et 1944. Après la guerre, un pont en béton voit le jour au début des années cinquante. Mais, fissuré, il doit être abandonné en 1999. Un ouvrage provisoire tiendra le coup jusqu’en 2004, année de l’inauguration du pont actuel. Puis, de l’autre côté, on emprunte la rue de Besançon (D683).

Gros plan sur une plaque de cocher de la R.N.73 à Anteuil (photo: Marc Verney, novembre 2007).

Dans la région, la voie de Strasbourg à Lyon (tout comme les autres voies royales), que l’on va désormais suivre, est notamment le fruit du travail, «au XVIIIe siècle, des grands intendants, entre autres Barthélémy de Vanolles et Charles André de Lacoré», signale l’ouvrage Le département du Doubs depuis cent ans. Cette branche vers Besançon «a été commencée en 1750, précise d’ailleurs le livre De la corvée en France et en particulier dans l'ancienne province de Franche-Comté, et ouverte sur 15 et 20 pieds de largeur irrégulière». Outre celui de Clerval, on y trouvait en 1840 deux autres relais de poste jusqu’à Besançon: Baume-les-Dames et Roulans. Vers le village de Branne, on remarque, en septembre 1844, l’ordonnance royale qui autorise le chantier de la rectification de la route n°73 dans «les côtes de la Grappe». Le village, lui-même, est contourné en 1963. Ce qui est le cas aussi, un peu plus loin, du bourg de Hyèvre-Paroisse, dont la déviation a été ouverte en 1966 (Wikisara). On suit au plus près le Doubs et le canal du Rhône au Rhin, un ouvrage «projeté en 1744 par le maréchal de camp du génie Lachiche, commencé en 1783 et seulement terminé en 1834», écrit Paul Joanne dans le guide Itinéraire général de la France, Franche-Comté et Jura. Notre chemin atteint Baume-les-Dames, petite cité paisible, «agréablement située dans un épanouissement de la vallée», signale le Guide Bleu Franche-Comté Monts-Jura de 1961, et qui tire son nom d'une abbaye de dames chanoinesses fondée en 763. «Dans l’Antiquité», explique l’Histoire de Baume-les-Dames, la cité ne devait être «qu’une modeste bourgade, tête d’un gué mettant en communication les plateaux supérieurs de la montagne avec les plaines de l’Ognon». Soutenue par l’empereur Frédéric Barberousse, la ville s’enferme dans des murailles au XIIe siècle. Il y avait alors deux portes principales: celle d’Anroz, côté Clerval et celle de Sombevelle côté Besançon. Au fil des siècles, souligne le site baume-les-dames.org, le bourg «prospère au rythme de l'abbaye». Au XVe siècle, c'est une des premières papeteries de Franche-Comté qui s'installe dans la région. «Lors des deux conquêtes de la Franche-Comté sous Louis XIV, elle reçut sans résistance le roi, dit l’Itinéraire général de la France, Franche-Comté et Jura, qui en fit un chef-lieu de bailliage». Puis, au XVIIIe siècle, écrit encore Alexandre Borrot dans l’Histoire de Baume-les-Dames, «de belles routes s’ouvrent, notamment la route actuelle entre Baume et Clerval, en éventrant les rochers de Lonot». Enfin, sous la Restauration, les vieilles portes de la ville (Anroz et Sombevelle) «qui tombaient en ruine et entravaient la circulation» sont détruites.

La vallée du Doubs après Baume-les-Dames (photo: Marc Verney, octobre 2006).

Après avoir passé le site du belvédère du Saut-de-Gamache, la R.N.73 historique de 1959 (D683 aujourd’hui) traverse Séchin, les Trouillets et entre dans Roulans par la Grand-Rue. Le village, écrit le site roulans.fr, «a été, depuis les premiers siècles, fortifié pour le contrôle de la vallée du Doubs et la route de Besançon. Le pic d’Aigremont avait un château signalé dès 1105». La route y est rectifiée en 1869 (Wikisara); l'ancien tracé empruntait la rue Charrière. De Roulans à La Malmaison, la route s'écarte un peu de la vallée car elle en est séparée par la crête boisée de la montagne de Notre-Dame d'Aigremont. Il reste à traverser Novillars et Roche-lez-Beaupré pour atteindre Besançon, la capitale de la Franche-Comté. A Novillars, on longe d’abord la cité Lehman (1925) destinée à loger les ouvriers de la vaste usine de papier alimentaire Weibel, qui a commencé sa production vers 1882-83, précise le site mairie-novillars.fr. A quelques encablures, on atteint Roche-lez-Beaupré. Le nom de ce village vient de la barre rocheuse qui, ici, domine le cours du Doubs, indique le site de la mairie, roche-lez-beaupre.fr. L'histoire du village, écrit encore la page web municipale, «commence en 1298 lors de l'achat de la seigneurie de Roche par l'archevêque de Besançon». Puis, toujours selon la mairie du village, c’est au milieu du XVIIIe siècle que la «seule pépinière royale de Franche-Comté s'établit à Roche, à l'emplacement de l'actuelle zone industrielle». Mais l'histoire remonte très certainement à plus loin puisque l'on trouve ici, lit-on encore, «des restes d'une villa gallo-romaine», non loin de la voie antique de Vesontio à Epomanduodurum. Palente peut être considéré comme le premier faubourg lointain de Besançon: Au carrefour (devenu un vaste échangeur), entre la rue de Verdun et le boulevard Léon-Blum de contournement (réalisé en 1965), il y avait jadis l'Auberge comtoise et sa salle de bal, «un établissement qui fut précédemment relais de diligences, ainsi qu'une halte pour les bûcherons qui approvisionnaient en bois la cité de Besançon depuis la forêt de Chailluz voisine», écrit la page Wikipédia de la capitale franc-comtoise. On pénètre donc plus avant dans Besançon par la rue de Belfort (D683) qui irrigue le quartier des Chaprais où, jadis, «l’animation était due aux auberges» (chaprais.info)...

R.N.486: BALLONS ET VALLONS
La route nationale 486 de 1959 virevolte autour des ballons vosgiens et s'insinue en Franche-Comté par le beau pays des "Mille-Etangs"... Etonnant! (lire)

STRASBOURG-LYON PAR LA R.N.83
Voilà une route qui sillonne l'Est de la France à flanc de collines: Jura, Doubs, Vosges... On n'oubliera pas non plus les vignobles qui s'étalent de part et d'autre du bitume... Une route de gourmet? Cliquez sur la ville que vous voulez aller visiter... (lire)

Besançon, vue générale. Source de l'image: Wikipédia, auteur: JP Tupin-ville de Besançon. Document signalé libre de droits par l'auteur.

R.N.57: "T'AS VOULU VOIR VESOUL"!
La route nationale 57 historique de 1959 relie Metz à Besançon en passant par Nancy, Epinal, Vesoul... Un coin de France cher aux chanteurs! (lire)

R.N.67: L'ABSINTHE NOUS FAIT CHOCOLAT!
C'est une route qui a le goût de l'histoire... et des bonnes choses!! Entre les foires de Champagne et les monts jurassiens, quelques centaines de kilomètres charmants et à avaler avec joie et passion... (lire)

On peut affirmer que la situation de Besançon, située dans une boucle du Doubs et surplombée par un rocher de 118 mètres de haut est véritablement étonnante. C'est une ville militaire stratégique, donc entourée de superbes remparts et dominée par une somptueuse citadelle imaginée par Vauban (of course!). L'emplacement est déjà décrit par César dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules. Victorieux des Séquanes, il y installe une garnison en 58 av. JC. Vesontio devient l'une des grandes cités gallo-romaines de l'époque. Plus tard, du XIe au XVIIe siècle, Besançon est une ville libre dépendant (de loin) du Saint-Empire. C'est au XVIe siècle que la prospérité bisontine est au plus haut, avec la présence, à la cour de Charles-Quint du chancelier Perrenot de Granvelle (né à Ornans en 1486). Louis XIV s'empare une première fois de la ville en 1668, la perd, puis la reprend en 1674 après de tragiques combats. Quasi immédiatement (1675-1683), Vauban, qui a participé à la conquête, débute le chantier de la puissante citadelle qui domine la cité. Le traité de Nimègue, en 1678, donne définitivement Besançon au royaume de France. Dès lors, nouvel essor: sous les deux règnes de Louis XV et de Louis XVI, la ville se reconstruit rapidement: palais, hôtels particuliers, bâtiments publics forment la base du décor urbain bisontin que l'on connaît encore aujourd'hui malgré de lourds bombardements en juillet 1943... Personnage illustre et grand voyageur originaire de Besançon: évidemment l'immense Victor Hugo (1802-1885). En 1933, le maire de l’époque, Charles Siffert, fait abattre de nombreux remparts, devenus inutiles; ce qui autorise la percée de l’avenue (qui porte aujourd’hui son nom…) et qui permet de relier le quartier de la gare à la route de Dole. «Ce type d'opération se multiplie et change d'échelle à partir des années cinquante, avec le développement des grands axes de circulation», écrit la brochure Laissez-vous conter Besançon, une ville à travers les siècles, publiée sur le site grandbesançon.fr. On sort de la capitale franc-comtoise par la «rue de Dole» (D673) qui dessert le quartier de Saint-Ferjeux. La basilique qui s’y trouve (construite de 1884 à 1898) honore l’un des saints patrons de Besançon (il y a saint Ferréol aussi), qui s’étaient donnés au IIe siècle la mission d’évangéliser la Séquanie romaine depuis leur grotte placée non loin de la voie antique Besançon-Chalon, qui se retrouve en partie sous le tracé de la R.N.73 historique… Voilà maintenant le secteur de Châteaufarine, dont on dit qu’il porte ce nom (Wikipédia) en raison d’un boulanger bisontin qui y aurait fait construire une ferme… Aujourd’hui, on est plutôt face aux enseignes de la grande distribution qui ont remplacé –dans les années 80- les dizaines d’exploitations agricoles qui s’y trouvaient…

En 1958, voit-on sur la carte d’état-major de l’époque publiée sur le Géoportail de l’IGN, la R.N.73 emprunte la «route de la Belle-Etoile», traversant le sud du bois de Franois. Le tracé est quasi identique sur le plan de Cassini (XVIIIe), qui mentionne ici, «les Baraques de la levée», un terme que l’on retrouve sur la carte du XIXe où l’on peut lire «levée de Dole» non loin de Châteaufarine. Cette route, raconte l'ouvrage De la corvée en France et en particulier dans l'ancienne province de Franche-Comté, «était déjà à l'entretien des communautés en 1737; elle a été faite par la restauration successive des anciens chemins territoriaux». Mais l’on sait aussi qu’une voie antique passait par là: «Une voie militaire décrite dans l'itinéraire d'Antonin et tracée dans les Tables de Peutinger, (...) de Chalon, tendait vers Besançon, passait à Pontoux, Chemin, Tavaux et Dole», signale le Dictionnaire géographique, historique, et statistique des communes de la Franche-Comté (1858). Une longue ligne droite nous emmène dès lors à Saint-Vit. Ce fut, nous dit le site geneawiki.com, d’abord un hameau sur l’importante voie antique de Besançon à Chalon. Le nom du village n'apparaît qu'au IXe siècle, au début de la christianisation de la région. Un monastère y aurait été fondé par l'archevêque Bernoin (811-829). Puis Saint-Vit oscille entre Empire, Bourgogne et royaume de France... Henri IV, alors en guerre contre l'Espagne y séjourne en 1595, et, après la terrible guerre de Trente ans, c'est Louis XIV qui s'y trouve le 25 mai 1674 alors que ses troupes assiègent Besançon... Au XIXe siècle, Saint-Vit profite de la création du canal Rhin-Rhône (1835), puis du chemin de fer (1856). En 1958, la R.N.73 traverse le bourg par la rue Charles-de-Gaulle. Peu après, nous arrivons dans le Jura. Ici, la carte de Cassini (XVIIIe) dessine le tracé d’une «route romaine» passant au nord de Dampierre et de la route royale de l’époque. Le cheminement antique ne retrouve l’actuelle chaussée qu’après Orchamps. Là, les lieux-dits «Dessous la levée» et «Sur la levée» semblent très évocateurs d’autant que l’on remarque –en zoomant la carte d’état-major contemporaine- un «chemin de l’Ancienne levée des Romains»! Le passé industriel de la région est notoire: au nord de Dampierre, se trouve le hameau de Minerais, qui, comme son nom l’indique, est «situé sur le site des anciennes mines de fer à ciel ouvert», dit le site dampierre-jura.fr. Alors que se trouvaient des hauts-fourneaux à Fraisans ou Rans, en bordure de la forêt de Chaux. Avec ses 20.000 ha, c’est la deuxième plus vaste forêt de feuillus du pays. On y trouve l'un des premiers exemples pérennes d'indications routières: sur la voie, dite le «Grand Contour», longue de 23 km, se trouvaient huit colonnes: édifiées en 1826 et appelées «guidons» chacune d'entre-elles donnait la direction des villages limitrophes (il en reste sept).

Vue sur le centre historique de Dole. Au premier plan, le canal des Tanneurs (photo: Marc Verney, janvier 2006).

Après Audelange, le dernier village traversé par la R.N.73 historique (D673) avant Dole est Rochefort-sur-Nénon. Ce village, au bord de la voie antique de Besançon à Chalon, est, comme beaucoup d’autres lieux franc-comtois, ballotté entre Bourgogne, Empire et royaume de France… Pillages, massacres, sont le lot des habitants qui subissent les mêmes avanies que les Dolois, tout proches. Par une remarquable conjonction, la vaste cimenterie actuelle se trouve non loin d’anciens fours à céramique datant du Premier âge du fer (rochefortsurnenon.fr). L'entrée dans le Dole historique se fait par la longue avenue du Général-Eisenhower (D973). Notre voie, tout comme les routes de Dole à Gray ou l’ancienne chaussée d’Auxonne (avenue de la Paix) arrive place Jules-Grévy, face aux maisons du centre historique. «Cette vaste place de plan carré, longtemps appelée «les Terraulx» (les gravas) est aménagée au XVIIIe siècle. La décision de sa construction est prise en 1764 par la municipalité, alors que le tissu urbain commence à s’étendre en dehors des anciennes limites des remparts, démantelés par Vauban en 1688. La situation privilégiée de cette place –à la sortie de la ville et au carrefour des routes de Gray, Dijon, Besançon, Chalon et Genève– favorise l’installation de nombreux hôtels sur son pourtour dont le Grand Hôtel Chandioux sur les remblais des anciennes douves», raconte le site Dole, le plein de culture (dolelepleindeculture.wordpress.com).Voilà encore une fière et belle cité comtoise, dominée par l'imposant beffroi (1586) de la collégiale Notre-Dame. «La ville de Dole, écrit le Dictionnaire géographique, historique, et statistique des communes de la Franche-Comté (1854), est bâtie dans une position délicieuse; elle occupe le penchant et le sommet d'une colline sur la rive droite du Doubs (...). Une vue admirable s'offre au voyageur, qui arrivant par la route de Besançon, s'arrête sur la promenade du cours Saint-Maurice». La cité a un fort rayonnement jusqu’à la conquête française «dû aux institutions dont elle a été dotée: Parlement, Etats, Université», découvre-t-on dans le Guide Vert Jura-Franche-Comté… Mais Dole, qui a vécut plusieurs sièges très durs face aux Français, est définitivement rattachée au royaume de France sous Louis XIV en 1678. De ce fait, la cité perd toutes ses institutions, qui sont transférées à Besançon. Comble de malheur, la ville n'arrive pas à être, en 1790, choisie pour être le chef-lieu du département du Jura... C'est Lons-le-Saunier, pourtant plus petite, qui héritera de cette distinction! La fierté de la cité, c’est Louis Pasteur; le grand scientifique y est né en 1822 avant d'aller habiter à Arbois avec sa famille. La R.N.73 historique sort de la ville par la rue des Arènes et l’avenue Jacques-Duhamel. Il faut faire défiler neuf kilomètres pour atteindre Tavaux (aujourd'hui déviée). La route aura préalablement passé le canal du Rhône au Rhin et l'aérodrome de Dole... Il reste une bonne poignée de kilomètres à parcourir avant d'atteindre la Saône-et-Loire. Continuer le voyage (lire)

Marc Verney, Sur ma route, avril 2020

R.N.5: LA SUISSE PAR MONTS ET PAR VAUX
La R.N.5 Paris-Genève-St-Gingolph croise la N73 à Dole. Et si on faisait un petit tour sur la route blanche par les jolis monts jurassiens et le col de la Faucille... (lire)

R.N.73: LA GRANDE TRAVERSEE (II)
La R.N.73 de Bâle à Moulins file maintenant vers la Bourgogne et ses grands crus. On passe Beaune, puis Autun avant de frôler le Morvan... (lire)

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