Nous voici à la limite des départements de la Seine-et-Marne et de l'Aube. Depuis peu frontière entre Ile-de-France et Grand-Est. Oubliées Champagne, Lorraine, Alsace? Photo: MV, avril 2007.
Sources et documents: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); De Paris à la Suisse (coll. Les belles routes de France, n°303), Michelin (1954-55); carte n°61 Paris-Chaumont, Michelin (1941, 1970); carte n°95 Environs de Paris, Michelin (1955); carte n°100 Sorties de Paris, Michelin (1943); Aux origines d’un département, l’Aube en Champagne, Jean-Louis Peudon, Dominique Guéniot éditions (2003); Guide Bleu des environs de Paris, Hachette (1928); Guide pittoresque, portatif et complet, du voyageur en France, Girault de Saint-Fargeau, F. Didot frères (1842); Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale (volume 4), T. Boutiot, Dufey-Robert (1874); Histoire de l’Ile-de-France et de Paris, sous la direction de Michel Mollat, Privat (1971); Histoire des environs de Paris, M. Dulaure, Furnes et co, libraires-éditeurs (1838); Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, Georges Reverdy, presses de l'ENPC (1997); Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de Seine-et-Marne, volume 1, Félix Pascal, Crété éditeur (1836); «La Seine en amont de Paris», Isabelle Duhau, Inventaire général du patrimoine culture de la région Ile-de-France (inventaire.iledefrance.fr), sous la direction d'Arlette Auduc (2009); Le centenaire de l'abbaye de Créteil (Carnet de voyages cristoliens n°6) direction de la Culture de Créteil (2007); Les foires de Champagne, Jean-Claude Czmara et Gérard Schild, éditions Sutton (2016); Notice pour servir à l'éloge de M. Perronet, premier ingénieur des ponts et chaussées de France, Pierre-Charles Lesage, libr. Bernard Graset (1805); Provins, ville féodale et ses environs, Michel Reale, éditions Amatters (1986); «Un territoire prioritaire de Seine-Amont, les liaisons Ivry-Paris», Atelier parisien d'urbanisme (décembre 2004); ada13.com (Association pour le développement et l’aménagement du XIIIe); art-et-histoire.com; briecomterobert.fr; mesqui.net; passionchateaux.com; ville-creteil.fr; ville-romilly-sur-seine.fr; ville-troyes.fr; Wikipédia, Wikisara. Remerciements: le Géoportail de l’IGN, la BPI du centre Georges-Pompidou.

Vers Villecresnes (photo: MV, octobre 2010).
Panneau métal ancien indiquant Coubert (photo: MV, juin 2017).
Plaque située à Guignes-Rabutin, au centre du village (photo: MV, avril 2007).
Panneau indicateur ayant un certain "vécu" à Mormant. Il n'est plus en place (photo: MV, avril 2007).
Localités et lieux traversés par la N19 (1959):
Paris-quai d'Ivry
Ivry-sur-Seine
Alfortville
Maisons-Alfort (N5)
Créteil (N186)
Bonneuil-sur-Marne
Brie-Comte-Robert (N5bis)
Guignes-Rabutin (N36)
Mormant
Nangis
Provins
Sourdun
Nogent-sur-Seine (N51)
Romilly-sur-Seine
Troyes (N60, N71, N77)


Encore une trace écrite de la R.N.19 vers Le Mériot, aux approches de Nogent-sur-Seine (photo: MV, juin 2017).
Située dans la ville haute de Provins, cette plaque évoque une rectification de la rue Saint-Thibault, artère principale de la cité (photo: EF, mars 2016).
Magnifique borne kilométrique de la R.N.19 à la sortie de Nogent-sur-Seine, en direction de Troyes (photo: MV, juin 2017).
Un deuxième regard sur la borne de pierre située à Nogent-sur-Seine (photo: MV, juin 2017).

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Page de l'encyclopédie des routes Wikisara consacrée à la nationale 19 (lire)
La page de présentation de l'historique et de l'itinéraire de la nationale 19 dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia (lire)
Le site des plaques de cocher dans l'Aube (lire)

Indications de la R.N.19 à Romilly-sur-Seine (photo: MV, juin 2017).

A VOIR, A FAIRE
Créteil: lotie de charmantes demeures, peuplée de toute une foule d’oiseaux divers, boisée de platanes plusieurs fois centenaires, de marronniers, de saules, l'île Sainte-Catherine est un étonnant havre de calme au milieu de la banlieue parisienne.
Boissy-Saint-Léger: le château de Grosbois, où se trouve un centre d'entraînement pour chevaux de course.
Nangis: à côté de ce bourg, le village de Rampillon et son église Saint-Eliphe (portail sculpté du XIIIe siècle).
Provins: la ville haute est cernée par une couronne de remparts médiévaux remarquables. La porte de Jouy, restaurée, est une des plus belles de la cité. La place du Châtel est entourée de nombreuses et intéressantes vieilles demeures. La tour César est un donjon du XIIe siècle, qui a servi de tour de guet et de prison. Non loin de la collégiale Saint-Quiriace, on trouve la maison romane, qui abrite le musée de Provins et du Provinois. La superbe rue Saint-Thibault, axe principal de Provins, mène à la ville basse. L’histoire de la rose de Provins se suit dans un jardin de 3 ha. Saint-Loup-de-Naud est un adorable village qui se blottit sur une colline au sud-ouest de Provins.
Nogent-sur-Seine: une promenade de découverte de la ville peut se faire par un circuit sur les pas de Gustave Flaubert qui a trouvé à Nogent une partie de son inspiration pour L’Education sentimentale. Le musée Camille-Claudel se rappelle les trois années passées ici par celle qui allait devenir l’élève talentueuse de Rodin. A 5 km au sud-ouest, le château classique de la Motte-Tilly et son superbe parc.
Troyes: c’est une cité sur l’eau… Les bras de la Seine et plusieurs canaux donnent à la ville une allure bien particulière que l’on souhaite remettre en valeur aujourd’hui. Le centre-ville, en forme de bouchon de champagne, est considéré comme «le plus bel ensemble citadin médiéval de France». La ruelle des Chats est un bel exemple de voie médiévale avec les maisons débordant en hauteur. La cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul est construite du XIIIe siècle au XVIIe siècle. C’est dans cette église qu’est signé en 1420 le traité de Troyes qui «donne» la France au royaume d’Angleterre; l'église Sainte-Madeleine est la plus ancienne de la ville, c'est l'une des rares en France à avoir un jubé en pierre; la basilique Saint-Urbain est un des témoins majeurs du style gothique dit rayonnant. A voir également, la Cité du Vitrail, qui met en valeur ce patrimoine important de la ville; le musée Saint-Loup (Beaux-Arts et Histoire); la Maison de l’Outil et de la Pensée ouvrière rend hommage au labeur artisan; les musées de Vauluisant évoquent l’art champenois et l’histoire de la bonneterie;les aficionados du shopping se précipiteront dans les magasins d’usine.

Les belles routes de France...
R.N.19: PAR ICI L'HELVETIE! (I)
En 1959, il faut parcourir 490 kilomètre pour joindre Paris à Bâle, en Suisse, en passant par Troyes, Chaumont, Langres, Belfort et Saint-Louis, non loin de Mulhouse. Presque droite comme un i tout au long de la vaste plaine qui nous emmène vers Troyes, la route s'anime un peu aux alentours du plateau de Langres... pour filer enfin entre Vosges et Jura vers Bâle (Basel) en coupant la petite région du Sundgau dans le Haut-Rhin. Après la région parisienne, la route porte l’histoire puissante et remarquable des grandes foires de Champagne qui ont illuminé un Moyen Age trop souvent synonyme de misères, de maladies et de violences. La R.N.19, encore peu déclassée (en 2017) sur son parcours franc-comtois croise une kyrielle de petites cités au patrimoine préservé avant d’aborder le Territoire-de-Belfort, longtemps rempart de la France face à l’ennemi venu d’outre-Rhin. Le site Sur ma route a parcouru de nombreuses fois cette chaussée qui emmène en partie son auteur en direction de son cher Jura… Voilà de nouvelles images et un nouveau texte pour une route en forme de trait d’union entre Europe orientale et occidentale… Première étape, de Paris à Troyes.

La route nationale 19 historique à la hauteur de Ouzouer-le-Voulgis (photo: Marc Verney, juin 2017). En cliquant sur l'image, vous continuez le voyage...

La route nationale 19 a toute une histoire. Au Moyen Age, nous montre Georges Reverdy dans son ouvrage Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, il existait des flux commerciaux d’importance entre Paris et Troyes jusqu’à Langres. Ceux-ci se dirigeaient ensuite vers Besançon, Jougne (et son péage) puis en direction de l’Italie. En 1552, la fameuse Guide des chemins de France publiée par Charles Estienne mentionne «vers l’Est» un «chemin direct pour Langres» par Provins et Troyes. Cependant, cette voie, écrit Charles Estienne, serait un chemin «fâcheux» ou encore «mauvais à tenir»… De fait, au fil des siècle, les différentes administrations n’auront de cesse d’améliorer la viabilité de cette route… Au départ de Paris, le tracé n’a pas toujours été celui que l’on connaît aujourd’hui. Dans l’Histoire de l’Ile-de-France et de Paris, on souligne que, longtemps, la «liaison entre Paris et la Champagne» fut assurée par le seul pont de Charenton, lancé sur la Marne. Entre Paris et Ivry, le long de la Seine, jusqu’au début du XIXe siècle, il n’y a aucun bâti particulier, juste des cultures maraîchères, des vignes, des pâturages… Ce quartier va s’industrialiser rapidement, lit-on dans un document rédigé par l’Atelier parisien d’urbanisme, avec la création de la «route de Bâle» en 1829. Dès lors, la chaussée passe par le quai d’Ivry (D19), les (actuels) boulevards Paul-Vaillant-Couturier et du Colonel-Fabien jusqu’au pont d’Ivry. Un premier ouvrage sur la Seine, de 122 m de long, conçu par l’ingénieur Emmery aura été ouvert à la circulation en 1827. Plus tard, en 1876-79, écrit Isabelle Duhau dans un document de l’inventaire général du patrimoine culturel de la région Ile-de-France, les autorités publiques compétentes décident de «racheter le péage du pont à la société concessionnaire», puis, en 1881, de réaliser un nouvel ouvrage permettant le passage du tramway. L’actuel pont en acier, plus large, a été réalisé à partir de 1954 sur des plans élaborés en 1939 (on pensait alors le construire en béton armé).

Sur le quai d'Ivry (photo: Marc Verney, juin 2007).

R.N.5: LA ROUTE BLANCHE
Entre Paris et les Alpes par le Jura, voilà la route qui fait vibrer l'auteur de ce site... Une superbe balade dans le jardin France (lire)

C'est un peu plus loin, à Maisons-Alfort, au carrefour de la Résistance que la R.N.19 historique (D19 en 2017) croise sa grande soeur déclassée, la R.N.5 («route blanche») Paris-Genève (D6 en 2017). On dispose, dans les pages du Guide Bleu des environs de Paris d'une description précise des premiers kilomètres de la route à l’orée des années trente: «La route n°19, prolongeant les quais de la rive gauche, part de la porte de la Gare, traverse Ivry, franchit la Seine au pont d'Ivry et croise la route n°5 au carrefour de Maisons-Alfort. Les quais étant généralement en très mauvais état et encombrés de véhicules de charge, il vaut mieux sortir de Paris par la route n°5»... Passant à gauche de l'Ecole nationale vétérinaire (Enva) et du fort de Charenton, la route Paris-Bâle suit alors l'avenue du Général-Leclerc en direction de Créteil. «Ce village, traversé par la grande route de Paris à Troyes, remonte à une très haute antiquité», écrit M. Dulaure dans l’Histoire des environs de Paris en 1838. Le site, explique en effet ville-creteil.fr, «semble avoir en effet été habité au néolithique (5000 avant JC) ainsi qu'en témoignent les rocs de grès, le polissoir et les outils retrouvés au cours de fouilles archéologiques». Au Moyen Age, poursuit le site municipal, le lieu, devenu «siège de seigneuries ecclésiastiques, est alors entouré de murs, flanqués de tourelles et percés de portes. Au loin se trouve le hameau de Mesly et Notre-Dame des Mèches qui est un lieu de pèlerinage». Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les carrières de pierres des Buttes et du Buisson sont exploitées ainsi que les pierres à plâtre du Mont-Mesly. Paris se trouve à une heure de cheval et de riches Parisiens deviennent  propriétaires à Créteil de belles maisons de campagne... Mais c’est après la Seconde Guerre mondiale que la –désormais- ville s’étend de manière remarquable. Créteil passe de 25 000 habitants en 1960 à 66 000 en 1976… De très nombreuses opérations immobilières encore très discutées modifient durablement le cadre de vie des Cristoliens… On aboutit à la place de l'Eglise, carrefour des R.N.19 et R.N.186. Celle-ci, découvre-t-on dans le Carnet de voyages cristoliens n°6, est au coeur de la vie de Créteil depuis l’époque médiévale. De là partaient cinq rues qui ont longtemps été les seules du village. Sa forme a évolué deux fois au fil des ans: en 1840 au moment de la suppression du cimetière entourant Saint Christophe (clocher du XIe), puis, en 1947, lorsqu'on a percé l'avenue Pierre-Brossolette, nouveau passage de la nationale 19 en remplacement de la Grande Rue. A noter, cette délibération de novembre 1928 du conseil municipal de Créteil qui évoque la pose de plaques indicatrices de signalisation routière: «Le conseil municipal étudie les moyens propres à faciliter la circulation des véhicules sur le territoire de la commune et étudie les propositions de M. Commeihes, constructeur et loueur de voitures automobiles à Saint-Maur, pour la fourniture gratuite d’un certain nombre de plaques indicatrices de signalisation routière».

La R.N.19 historique, en banlieue (ici à Villecresnes), est un axe encore très fréquenté (photo: Marc Verney, juin 2017).

On passe maintenant Bonneuil-sur-Marne. Selon l’Histoire des environs de Paris (1838), la bourgade «était, dès l’an 616, une terre royale où les rois de France avaient une maison de plaisance»… Difficile de l’imaginer aujourd’hui… car c’est la commune du Val-de-Marne qui possède le plus de logements sociaux! En contrebas de la chaussée, voilà le port sur la Marne, devenu, avec ses 186 hectares, le deuxième de la région parisienne. Mais la route n°19 historique délaisse vite la proximité des péniches pour atteindre Boissy-Saint-Léger (côte macadamisée en 1928), petite cité située sur le rebord du plateau de la Brie. Erigé en paroisse au VIIIe siècle, c’est encore un bourg agricole au début du XIXe siècle. Mais, de 1874 (arrivée du chemin de fer de Vincennes) à nos jours, l’urbanisation ne cesse plus et Boissy est désormais happée par la tentaculaire agglomération parisienne. A gauche de la route, voilà la forêt de Grosbois. Celle-ci, devenue un centre d'entraînement hippique depuis 1962, recèle un château, édifice en pierre et brique construit à partir de la fin du XVIe siècle. Il remplace une maison forte qui défendait en 1226 la route sortant de Paris. Celle-ci fut détournée au XVIIe siècle avec la réalisation des bâtiments actuels (passionchateaux.com). La R.N.19 laisse sur sa droite Villecresnes pour franchir la –petite- vallée du Réveillon (fin du pavé en 1928) peu avant la Butte-à-Doublet. La route s'élève un peu pour passer à quelques encablures de Santeny et Servon pour enfin entrer dans Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) au vingt-quatrième kilomètre de notre longue promenade. Le bourg, tranquille, qui héberge aujourd’hui de nombreux et lointains banlieusards, n’a pas super inspiré le Guide Bleu 1928: «Une ruelle, à droite de la place du Marché, conduit aux ruines informes, baignées de mares croupissantes, d'un château du XIIe siècle». S’il est mentionné ici la présence d’une ville, Bradeia, dès le VIe siècle, assure de son côté le site briecomterobert.fr, c’est donc au XIIe siècle que l’on voit Robert Ier de Dreux, le quatrième fils du roi Louis VI le Gros, tenir la seigneurie de Brie. Voici quand même une description plus enthousiaste de l’Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de Seine-et-Marne (1836): «La ville de Brie-Comte-Robert est située sur la route de Paris à Bâle, à l'embranchement de la route auxiliaire de Genève, à quatre lieues nord de Melun, au milieu d'une plaine fertile. cette route, qui forme une des principales rues de la ville, est bordée de plusieurs belles maisons et de grandes hôtelleries».

Borne royale sur le tracé de la R.N.19 historique (photo: Marc Verney, juin 2017).
Le pont sur l'Yerres (photo: Marc Verney, juin 2017).

On traverse Brie-Comte-Robert en suivant la Grande-Rue de Paris (rue du Général-Leclerc, D319). Au km 29 de notre périple, nous fait remarquer le Guide Bleu de 1928, on traverse la commune de Grisy-Suines, où l’on cultiva et choya les roses... A Coubert, la route croise l'ancienne R.N.371 (Melun-Lagny) et descend, après le lieu-dit la Maison-Rouge, vers la vallée de l'Yerres que l’on traverse sur le pont des Seigneurs, visible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN. D'ailleurs ici, constate Georges Reverdy, la route de Troyes placée dans la généralité de Paris est tracée et achevée bien avant la fin de l’Ancien Régime. On y remarque d’ailleurs quelques belles et anciennes bornes royales. A Guignes-Rabutin, notre R.N.19 historique croise le chemin de la R.N.36 Meaux-Melun. Au Moyen Âge, l'histoire de Guignes et du hameau de Vitry est liée à celles des seigneurs de Coubert. Plus tard, lit-on encore sur la page Wikipédia du bourg, «en 1488, le seigneur du village de Guignes est Adrien de L'Hospital. En 1545, c'est François de L'Hospital». Peu de choses à dire de plus sinon qu'une paroisse indépendante du village de Yèbles y est créée en 1744 grâce à la construction d'une église financée aux deux-tiers par Samuel-Jacques Bernard, fils du financier Samuel Bernard, grand banquier pour le compte du Trésor royal après 1700. Jusqu'à Mormant, nous dit le Guide Bleu 1928, «la route forme une superbe avenue». Le village, écrit l’Histoire topographique, politique, physique et statistique du département de Seine-et-Marne, «consiste dans une belle rue formée par la route. Le village n'offre rien de remarquable; ses environs sont plantés de pommiers et de poiriers à cidre. Un relais de poste aux chevaux y est établi». Nangis, à onze kilomètres plus à l’est, est la patrie du chroniqueur Guillaume de Nangis. En février 1814, Napoléon y remporta l'une de ses ultimes batailles sur les Autrichiens. Petite particularité: la cité est déjà dotée au XVIIIe d’une courte déviation qui fait passer le chemin de Paris à Bâle (D619) hors du centre-ville entre la Baraque et le Châtel, c’est l’actuelle avenue du Général-de Gaulle (Géoportail).

A Guignes-Rabutin, détail (photo: Marc Verney, avril 2007).
Plan de Guignes au XIXe siècle. Monographie de Guignes, par Baudrier, instituteur (1er janvier 1889). Fichier libre de droits selon les termes de la licence Creative Commons.

R.N.36: TRANCHE DE BRIE
De Villers-Cotterêts à Melun, voilà une promenade tranquille dans un coin de Brie peu fréquenté sur une chaussée royale au tracé unique (lire)

La cité médiévale de Provins est atteinte après de longues lignes droites à peine interrompues par les villages et hameaux de la Folie, Maison-Rouge et Vulaines-en-Brie. La carte topographique IGN du XXIe siècle matérialise, un peu au nord du tracé de la D619 un «vieux chemin de Paris» qui aboutit sous les murailles de Provins, à la porte Saint-Jean. Au XIXe siècle, c’est l’actuelle avenue du Général-de-Gaulle qui sert à entrer dans la cité. Le nom de Provins pourrait venir des mots celtes Bro-Win signifiant «colline entourée d'eau». La ville s'est bâtie petit à petit autour de l'emplacement d'un poste romain construit au IIIe siècle sur un promontoire qui domine la vallée de la Voulzie. Il y a une ville haute, pittoresque et entourée de remparts du XIIIe siècle, et une ville basse, où se situe l'activité économique. Une certitude, lance l’ouvrage Provins, ville féodale et ses environs, le bourg «existait sous le règne de Charlemagne», mais juste dans sa partie haute. A l’emplacement de la partie basse, on trouvait jusqu’au XIIe siècle, nous explique encore ce livre, «une cuvette marécageuse et boisée parcourue par la Voulzie, le Durteint et plusieurs ruisseaux». Par la suite, de gros travaux de surélévation du terrain, d’endiguement et de détournement des rivières sont effectués afin de gagner la place permettant aux célèbres foires de Champagne de prospérer. Entre les XIe et les XIIIe siècles, Provins fut la capitale économique de la Champagne: elle était le siège d'une des plus importantes foires françaises (spécialités de draps et de cuirs). Dans Les foires de Champagne, on découvre que ces foires ne sont pas le fait du hasard: la position de la région, au carrefour d’importants flux commerciaux fait que les comtes de Champagne, qui savent flairer les bons coups… créent en 1137 le «sauf-conduit de foire» qui permet au commerçant désireux de faire des affaires à Provins, Lagny, Bar-sur-Aube et Troyes de voyager sous bonne escorte et avec la certitude que les dégâts causés par les malfrats durant le voyage seront indemnisés. La cité de Provins est alors un carrefour de routes, où convergent neuf chemins principaux et 11 voies secondaires. Le déclin surviendra au bout de deux siècles; Jeanne de Navarre, dernière comtesse de Champagne, épouse  en 1284 le futur roi Philippe IV Le Bel. Le comté entre dès lors dans le royaume de France. Principale traversée de la ville, la rue Saint-Thibault est fortement réaménagée (déblaiements et comblements en vue de réduire la pente) en 1846. Les ruelles étroites de la cité n'étaient pas de tout repos alors on a pensé relativement tôt à dévier la chaussée nationale. Georges Reverdy, dans Les routes de France du XXe siècle, 1900-1951, mentionne l’hésitation des pouvoirs publics, qui oscillent entre grande rocade sud et tracé plus urbain… «En 1949, dit-il, c’est ce dernier parti qui est retenu par les ponts et chaussées avec une largeur de 25 m pour cette déviation urbaine». Mais il faudra comme souvent du temps pour faire aboutir le projet. Comme au XVIIIe siècle, la R.N.19 de 1959 quitte Provins par la rue de Changis puis franchit la Voulzie pour suivre l’avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny.

Les belles murailles de Provins (photo: EF, mars 2016).
Ancienne plaque de cocher dans la ville basse de Provins (photo: Marc Verney, mars 2007).

On compte 17 petits kilomètres entre Provins et Nogent-sur-Seine. Voilà Sourdun: on longe le quartier de-Lattre-de-Tassigny qui a longtemps hébergé le 9e régiment de hussards. La R.N.19 coupe rapidement une petite forêt puis entame une descente progressive vers le val de Seine. On déboule dans l'Aube peu après le lieu-dit la Croix-de-Fer. La chaussée s’incurve légèrement entre le Plessis-Mériot et le Mériot. On approche de Nogent sous une allée d’arbres (D919) en franchissant une jolie série de six anciens petits ponts de pierre construits en 1743 pour la nouvelle route de Nogent-sur-Seine à Provins  (il y a une borne indiquant la distance vers Paris en milliers de toises sur le pont le plus proche de Nogent). Il s’agit là de passer sur un terrain que la Seine et ses affluents envahissent souvent… Plus loin, on traverse enfin la Seine, qui forme ici deux bras, pour pénétrer le centre de Nogent. Un panneau municipal d'informations touristiques nous renseigne sur l'histoire du franchissement du fleuve: ici, en 1260, il y avait deux ponts de bois fortifiés. Plus tard, les ponts Saint-Edme et Saint-Nicolas sont réalisés en pierre. Mais les aléas du temps et des hommes font leur œuvre. Le premier, qui est le plus long, est rebâti par l'ingénieur Perronet entre 1766 et 1769. L’ancien pont Saint-Nicolas date, lui, de 1834, un précédent ouvrage de 1728 ayant été détruit en 1814. En 1842, le Guide pittoresque, portatif et complet, du voyageur en France, écrivait ainsi sur la ville de Nogent-sur-Seine: «Jolie petite ville. Nogent est une petite ville propre, bien bâtie et généralement bien percée; la partie principale occupe la rive gauche de la Seine. Du côté de Paris, cette ville se présente agréablement avec ses maisons gracieuses, ses jardins et ses belles plantations qui bordent la rivière». Il est bien dommage qu’au XXIe siècle, les tours de refroidissement de la centrale nucléaire écrasent un peu le bucolique paysage… On entre dans la ville par la bien nommée rue des Ponts. Connue depuis l'époque gallo-romaine, Nogent-sur-Seine est rattachée en tant que commune au comté de Champagne au XIIe siècle. De ce fait, la cité profite de l’essor des foires de Champagne. Souvent ravagée par les incendies au fil des âges (1442, 1550), la cité était le point de départ de la Seine navigable; un coche d’eau la reliait à Paris. Sous l’Ancien Régime, écrit Georges Reverdy dans l'Histoire des routes de France, du Moyen Age à la Révolution, la chaussée semble pavée de grès entre Paris et Nogent.

Peu avant Nogent-sur-Seine, on voit les ouvrages construits au milieu du XVIIIe siècle et conçus pour mettre la chaussée à l'abri des crues. Au milieu du pont, il y a une borne royale (photo: Marc Verney, juin 2017).
La traversée de la Seine à Nogent. Notez la publicité "Est Eclair" (c'est un journal) sur le bâtiment de droite (photo: Marc Verney, juin 2017).

On quitte Nogent-sur-Seine par l’avenue du Général-de-Gaulle et le faubourg de Troyes. Là, voici le premier gros changement constaté autour des itinéraires de Paris à Bâle. Au tout début du XVIIIe siècle, la chaussée, suivant un antique itinéraire gallo-romain, remontait la vallée de l’Ardusson (l’ancienne R.N.442) et passait par Saint-Aubin, Ossey-les-Trois-Maisons, le Pavillon-Sainte-Julie. «Entre 1732 et 1740, découvre-t-on dans l’ouvrage Aux origines d’un département, l’Aube en Champagne, on lui fait suivre la vallée de la Seine». Du coup, «le relais de poste qui se trouvait à Ossey-les-Trois-Maisons est transféré aux Granges, hameau de Maizières-la-Grande-Paroisse, celui de Pavillon-Sainte-Julie aux Grès, hameau de Fontaine-les-Grès». Le Guide Bleu de la France automobile (1954) décrit ce dernier tracé, encore utilisé de nos jours: «La N19 remonte sur le plateau nu de la rive gauche de la large vallée de la Seine  qui serpente en bras nombreux à travers des prairies marécageuses coupées de bosquets». On traverse bien vite la cité industrieuse de Romilly-sur-Seine, située sur les marges de la Champagne crayeuse. Au milieu du XVIIIe siècle, la mise en place d’une industrie de bonneterie «booste» le développement économique de la ville… Puis le chemin de fer, qui arrive en 1848, fournit le moyen d’exporter rapidement une production devenue abondante (ville-romilly-sur-seine.fr). Au début du XXe siècle, Romilly devient même «un des tout premiers centres français de production de tissu élastique et de chaussettes», écrit le site internet municipal. A côté de cette production, de vastes ateliers de réparation ferroviaire font de Romilly une ville-clé de l’histoire hexagonale des cheminots. Ici, l’ancienne «route de Paris» suivait en partie la départementale 164 avant d’obliquer sur la droite, pour rouler sur les boulevards Danton et Maximilien-de-Robespierre. Puis, on retrouve la trace de l’ancienne chaussée sur une énigmatique «Voie Romaine» qui nous ramène vers la D619 d’aujourd’hui. On note avec intérêt que sur la carte de Cassini publiée par le Géoportail de l’IGN, Romilly n’est qu’une petite bourgade; on y voit aussi le «Poteau des Généralités» au moment d’arriver au relais de poste des Granges. L’amorce de contournement sud qui débute au Pont-Aubry est déjà visible sur une carte Michelin de 1941. La rue Aristide-Briand nous transporte vers Troyes en longeant l’immense (mais désormais désaffecté dépôt ferroviaire).

Après Romilly, l'oeil se perd dans les immenses paysages de la Champagne crayeuse (photo: Marc Verney, juin 2017).

Le village de Châtres est contourné après les années 70 (1974 d’après Wikisara). La chaussée, un peu perdue dans les immensités champenoises, se tient à distance de la vallée de la Seine. Dans ces hectares cultivés à la manière extensive, l’arbre se fait rare… Alors on pense –un peu- aux larges paysages façon «route 66»… Oasis flottants dans l’air surchauffé de ce printemps 2017, les villages émergent –taches grises et vibrantes- de la fournaise précoce: la Belle-Idée, le Petit-Saint-Georges, Fontaine-les-Grès, la Malmaison… Cassini (sur l’IGN et son fantastique outil «remonter le temps») nous montre que l’ancienne route de Paris du début du XVIIIe siècle passant par le Pavillon-Saint-Julie ne fusionnait jamais avec le tracé de la R.N.19 historique. Mais entrait dans Troyes sur un tracé qui n’est plus aujourd’hui, totalement atomisé qu’il est par l’aéroport de Troyes-Barberey et les multiples zones industrielles (dont une usine Michelin)… L’historien et spécialiste des routes anciennes Jean Mesqui en fait aussi, dans un article publié par la Société archéologique de l’Aube et disponible sur mesqui.net, un tronçon de l’itinéraire gallo-romain de Meaux à Troyes qui franchissait la Seine au site très organisé des Douze-Ponts (Pont-sur-Seine). La cité troyenne, le but de notre première étape est l'ancienne grande capitale de la Champagne. Cité industrielle majeure dans les années cinquante (bonneterie, minoterie), la ville, au centre-ville en forme de bouchon de… champagne, attire aussi désormais les touristes par sa grande densité de vieilles demeures (rénovées dès les années 60) et d'églises gothiques. Installée sur la voie de communication essentielle qu’est la vallée de la Seine, le cité doit son essor aux voies antiques, particulièrement nombreuses dans la région. On pénètre dans les banlieues de la ville par l’avenue du Président-Coty (D319).

Charmant, sans tape à l'oeil, le centre-ville de Troyes offre de nombreuses promenades à rebours du temps (photo: Marc Verney, janvier 2010).

Son premier nom connu est gallo-romain: Augustobona. L’ancienne possession de la tribu gauloise des Tricasses est alors «reliée à l’importante voie d’Agrippa allant de Milan à Boulogne sur Mer» écrit le site ville-troyes.fr. Au Ve siècle, miracle… menacée par Attila, Troyes est sauvée par son évêque, saint Loup. «Au XIe siècle, explique encore le site municipal, les comtes de Champagne possédaient un château-fort à Troyes, implanté sur les fondations d’un probable amphithéâtre gallo-romain». La bonne fortune de la ville viendra de cette famille, qui va donner au commerce européen du Moyen Age une impulsion encore visible de nos jours, ce sont les fameuses foires champenoises. Au XIIe siècle «à Troyes, précise ville-troyes.fr, "la foire chaude" de la Saint-Jean débute le 24 juin et celle de la Saint-Rémy, "la foire froide", le 1er octobre durant quinze jours dans le quartier de Saint-Jean, dont l’église est flanquée de logettes accueillant les marchands venant de toute l’Europe». Au XVIe siècle, Troyes et l’une des villes les plus importantes du royaume de France. Cependant, en mai 1524, un incendie ravage le tiers de la ville: 1500 maisons sont incendiées ainsi que trois églises. Mais les chantiers de l’époque donneront le Troyes si typique d’aujourd’hui… «En 1570, il existe une poste aux chevaux», découvre-t-on dans l’ouvrage Histoire de la ville de Troyes et de la Champagne méridionale. Trois siècles plus tard, la révolution industrielle s’installe; débarrassée de ses vieux remparts, la cité devient, raconte le site internet de Troyes «la capitale de la bonneterie et de la maille; les usines se développent sur les terrains inoccupés des faubourgs, principalement au sud-ouest de la ville». Cet «âge d’or» (on ne parle pas encore de la condition ouvrière…) durera de 1885 à 1910. On aura parcouru un peu plus de 140 km depuis Paris (à suivre).

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Marc Verney, Sur ma route, août 2017