Anciens panneaux Michelin à Plélan-le-Grand (photo: MV, décembre 2019).
Enseigne d'un resto routier historique de la R.N.24 non loin de Mordelles (photo: MV, décembre 2019).

SOURCES ET DOCUMENTS:
Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte n°63 Vannes-Angers, Michelin (1951); «Abrégé d'histoire de Lorient, de la fondation (1666) à nos jours (1939)», Louis Chaumeil, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest (1939); Bulletin des lois du royaume de France, Imprimerie royale (1842); Dictionnaire général de biographie et d'histoire, de mythologie, de géographie ancienne et moderne (volume 1), Charles Dezobry, Dézobry, E. Magdeleine et Cie, éditeurs (1857); Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, Jean Ogée, A. Marteville, Mollieux (1843); «Du bac de Kerentrech aux ponts de Saint-Christophe», Claude Le Colleter, Société d'archéologie et d'histoire du pays de Lorient (sahpl.asso.fr); «Hennebont. Reconstruction: des choix pour l'avenir de la ville», Ouest-France (5 juillet 2019); Itinéraire complet de l'empire français, de l'Italie et des provinces Illyriennes (volume 2), Hyacinthe Langlois, Langlois (1812); «La construction des grands chemins et le personnel des Ponts et Chaussée de Bretagne au XVIIIe siècle», J. Letaconnoux, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest (1941); «La zone industrielle de la route de Lorient, à Rennes», Henriette Granier, Norois (1970); «Le vieux pont de l'Abbaye-aux-Oies a une histoire», Ouest-France (22 mars 2016); «L'histoire a coulé sous les ponts», Le Télégramme (12 novembre 2010); Situation des travaux, Imprimerie royale (1841); broceliande.brecilien.org; guer-coetquidan-broceliande.fr; hennebont.bzh; hennebont.net; jossselin.com; locmine.bzh; monumentum.fr; patrimoine.bzh; patrimoine.lorient.bzh; silorientmetaitconte.net; tourismebretagne.com; vannes.maville.com; Wikipédia, Wikisara. Merci au Géoportail de l’IGN, CartoMundi, Persée.

L'ancien tracé direct de la route royale vers le Pont-du-Secret (photo: MV, décembre 2019).

AUTRES RESSOURCES La page Wikisara consacrée à cette ancienne route française (lire).
La page Wikipédia de la R.N.24 historique (lire).

R.N.24, LES LIEUX TRAVERSES (1959):
Rennes (N12)
La Croix-Verte
Mordelles
Les Quatre-Routes
Cossinade
La Bernardais
Plélan-le-Grand
Beignon
La Vilain
Campénéac
Gourhel
Ploërmel (N166)
L'Abbaye-aux-Oies
La Pyramide
Josselin
Coët-Méhan
Maigris
Locminé (N167)
Kergilet
Saint-Jean-du-Poteau

Coët-Coët
Kerdéhel
Baud (N168)
Tenuel
Kergonan
Restrenoel
Languidic
Hennebont (N165)
Lanester
Lorient (N165)

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Cette borne de la Libération a été installée à Ploërmel (photo: MV, décembre 2019).

La route n°24 historique au niveau du nouveau pont sur le Ninian. On remarque, au sommet de l'image, le passage de la quatre-voies et l'amorce d'un ancien tracé, à gauche (photo: MV, décembre 2019).

Entre petites collines et vaux, la R.N.24 historique ondule doucement dans la campagne bretonne (photo: MV, décembre 2019).

A Hennebont (photo: MV, décembre 2019).

A Lorient, un bar a gardé la mémoire de l'ancien pont suspendu de Saint-Christophe (photo: MV, décembre 2019).

Panneaux français-breton à Lorient (photo: MV, décembre 2019).



Les belles routes de France...
R.N.24: LES CHARMES DE L'AMER (*)
La route nationale 24 relie Rennes à Lorient sur une longueur (en 1959) de 145 kilomètres. La mer n’est atteinte qu’à son extrémité et son trajet virevolte plutôt dans la campagne bretonne, entre lande, bocage ou bois puisque cette chaussée traverse la magique forêt de Paimpont (Brocéliande)… Et comment ne pas être sensible à la beauté austère du château de Josselin, qui se mire dans les eaux du canal de Nantes à Brest! Enfin, au bout du parcours de la R.N.24 (ancienne route impériale 27), voilà Lorient, «la ville aux cinq ports», martyrisée par la Seconde Guerre mondiale, qui égrène sa renaissance le long de l’estuaire du Scorff…

La nationale 24 historique entre Baud et Locminé (Photo: Marc Verney, décembre 2019). En cliquant sur l'image vous revenez à la page principale du site.

On quitte Rennes par le boulevard Marbeuf et la rue de Lorient. L’article «La construction des grands chemins et le personnel des Ponts et Chaussée de Bretagne au XVIIIe siècle» de J. Letaconnoux indique que, «dans la première moitié du XVIIIe siècle, les grands chemins bretons sont encore peu nombreux». Un plan de 1749 mentionne ainsi sept chaussées, dont les voies de Rennes à Lorient par Ploërmel ou par Guer. La première, qui correspond peu ou prou à la R.N.24, est d’ailleurs effectivement tout à fait visible sur la carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN; on la voit parfaitement s’orienter vers la Vilaine pour ensuite frôler le moulin du Comte dans le faubourg du même nom. Les lieux sont très peu peuplés jusqu’au XXe siècle… En 1946, écrit Henriette Granier dans l'article «La zone industrielle de la route de Lorient», on y trouve que «quelques fermes subsistant sur un terrain peu fertile». Ici, la Deuxième Guerre mondiale a laissé des traces: «Trous d'obus et dévastations d'une part, camps de prisonniers et de soldats, bâtiments utilisés par le service des essences au armées d'autre part». Ce n’est qu’au milieu du XXe siècle que l’endroit prendra une vocation industrielle et commerçante. Des entreprises, dont Citroën, s’installent autour de la route de Lorient dès 1951; les infrastructures, comme la R.N.24, sont aménagées: la roue nationale est «mise à quatre voies en deux allées sur toute la longueur de la zone industrielle et sert d'axe médian à son réseau routier. La route, qui avait 18 mètres de large fut élargie de 12 mètres (juin 1959-décembre 1960)», précise Henriette Granier. Au niveau du lieu-dit les Chênes, il faut laisser partir à gauche la multivoie moderne qui porte aujourd’hui le numéro 24. Nous voici aux Landes-d’Apigné, où les habitations et les usines ont poussé comme des champignons depuis les années cinquante… «Le lotissement des Landes-d’Apigné, composé de 110 maisons, écrit le site patrimoine.bzh, est le premier réalisé en 1955. Il répond particulièrement à la demande croissante de logements due à l’arrivée de l’usine Citroën inaugurée en 1960». Un environnement bien tumultueux pour l’arpenteur des anciennes nationales…

RN12: JUSQU'AU BOUT DES TERRES
La RN12 de 1959 relie Paris à Brest en passant par Dreux, Rennes, St-Brieuc et Morlaix. On cingle plein ouest sous les embruns et dans la bonne humeur... (lire)

Panneaux récents de la R.N.24 à Cossinade (photo: MV, décembre 2019).
Ancien Michelin à Cossinade (photo: MV, décembre 2019).

Juste à côté, voici les lieux-dits de la Croix-Verte, de la Croix-Ignon et de Vincé, situé aux portes du bourg de Mordelles. La «route de Rennes» se transforme en avenue du Maréchal-Leclerc jusqu’à la place Saint-Pierre. Idéalement située au point de passage de la rivière du Meu, Mordelles «constitue dès lors un point d'étape avant d'accéder à la capitale bretonne pour les voyageurs et marchands en provenance du sud-ouest de la Bretagne, raconte le site patrimoine.bzh. Le tracé de l'ancienne voie royale devient un véritable axe structurant pour le développement du centre-bourg». Une ligne de la société des Tramways à vapeur d'Ille-et-Vilaine (TIV) de Rennes à Plélan-le-Grand, longue de près de 35 km, passant par Mordelles, fut inaugurée en 1898... et abandonnée en 1948. Les rails suivaient au plus près la chaussée de la R.N.24. L’avenue de Lorient (D224) traverse le Meu au niveau du (bien nommé) lieu-dit le Grand-Pont. Bel ouvrage «d'une seule arche», signale en 1857 le Dictionnaire général de biographie et d'histoire, de mythologie, de géographie ancienne et moderne; la traverse est déjà mentionnée en 1812 dans l'Itinéraire complet de l'empire français, de l'Italie et des provinces Illyriennes et visible sur la carte de Cassini. A 2,5 km, le hameau des Quatre-Routes est contourné par la voie rapide qui se superpose à l’ancien chemin jusqu’à Cossinade, où l’on mentionne une ancienne poste sur le cadastre de 1823. Plus loin, pas moyen d’espérer échapper à la contemporaine R.N.24 jusqu’à la sortie de Treffendel, où l’on retrouve la D224 un peu plus au sud.

Non loin de Plélan-le-Grand (photo: MV, décembre 2019).
La R.N.24 historique au Pont-du-Secret (photo: MV, décembre 2019).

On approche de Plélan-le-Grand, aux portes de la forêt de Paimpont. Ce bourg était, à l'origine, situé au Gué, à quelques centaines de mètres au nord-ouest du centre actuel révèle le site patrimoine.bzh. Le village actuel s'est beaucoup développé, indique encore ce site «depuis le début du XIXe siècle» le long de la route royale, puis nationale. Notre chaussée historique de 1959 s’oriente désormais du côté des Forges-de-Paimpont alors que le tracé répertorié par Cassini fait passer le chemin sur la butte, à la Vigne, entre la Vieille-Ville et la Bourgoulière. Cette rectification est datée de 1863, indique le site Wikisara. Au lieu-dit le Pont-du-Secret sur la rivière Aff, notre route entre dans le département du Morbihan et porte maintenant le numéro D724. Le petit pont, reconstruit entre 1766 et 1768, a été le théâtre «d’un important affrontement durant la Révolution. Le 3 mai 1794, 3000 républicains sont attaqués par l’armée royaliste de Joseph de Puisaye», dit le site de l'Encyclopédie de Brocéliande (broceliande.brecilien.org). Une longue montée régulière nous mène au village de Beignon, placé aux avant-postes du vaste camp militaire de Coëtquidan. Aujourd’hui vaste de plus de 5200 ha, son origine remonte à 1878, date à laquelle l’armée installe un champ de tir d’artillerie. C’est entre 1906 et 1912 qu’il va considérablement s’agrandir et devenir un «camp d’instruction national», évoque le site guer-coetquidan-broceliande.fr. L’ancienne R.N.24 passait au cœur du camp, par le bois de Bernéant. Après Campénéac, il y a 9 km jusqu’à Ploërmel. Les ducs de Bretagne font de Ploërmel une de leurs «résidences préférées», raconte le site ploermel.bzh. Dès lors, l'histoire de la cité et celle du duché seront étroitement liées. En effet, à plusieurs reprises, la ville abrita le Parlement puis les Etats de Bretagne qui siégèrent pas moins de seize fois à Ploërmel du XIIIe au XVIIe siècle. Au XIXe siècle, la cité est «le dernier chef-lieu d'arrondissement du Morbihan à recevoir une liaison ferroviaire, avec l'arrivée du premier train à la gare de la ville en 1881», annonce encore le site municipal. Enfin, le 12 juin 1944, un bombardement allié touche 500 maisons et fait 31 morts. La ville est libérée le 6 août suivant. A la sortie du bourg, il faut suivre la rue de la Gare pour rester fidèle à l’ancien tracé de la R.N.24 historique.

Traversée de la forêt de Coëtquidan (photo: MV, décembre 2019).
Sortie de Gourhel (photo: MV, décembre 2019).
Plaque de cocher à Ploërmel (photo: MV, décembre 2019).

On emprunte maintenant le boulevard des Trente et la D72 jusqu’au lieu-dit le Pont-Neuf où notre chaussée franchit l’Yvel. Sur la droite du pont moderne (courte rectification réalisée en 1952, selon Wikisara), l’ancien ouvrage défie le temps et peut encore être facilement traversé. Au nord de notre chemin, le Vieux-Bourg portait le nom de Taupont, ce qui signifie, en breton, «le bout du pont»; par ici, passait en effet, nous dit Wikipédia, une voie ancienne. Proche de Taupont, l’étang au Duc est un plan d’eau artificiel qui a été réalisé par des moines bénédictins au XIIe siècle (tourismebretagne.com)…Un peu plus loin, après avoir longé la voie rapide contemporaine, voilà un nouveau passage de rivière, cette fois sur le Ninian. Là encore, un ouvrage moderne (datant de 1965, selon Wikisara) permet d’éviter un étroit pont de pierre aujourd’hui envahi par la végétation. Ce vieux passage en dos d’âne, long de 43 mètres, a été réalisé entre le XVIe et le XVIIe siècle, expliquent les membres de l’association de préservation du patrimoine régional «Ô fils du temps» dans un article du quotidien Ouest-France. Dans ce papier du 22 mars 2016 titré «Le vieux pont de l'Abbaye-aux-Oies a une histoire», un des responsables de l’association, Bernard Bonnenfant, raconte qu’avant, il n’y avait que des ponts de bois et que celui-ci a été le premier réalisé en pierre… A quelques pas, le hameau de L’Abbaye-aux-Oies était traversé par la R.N.24 des années cinquante, ce qui emmène les roues de notre voiture jusqu’au lieu-dit la Pyramide, où l’on trouve la Colonne des Trente, haute de 13 mètres, construite de 1819 à 1823, et marquant l’un des épisodes de la guerre de Succession de Bretagne. Le monument a été bâti pour commémorer un «combat épique qui eut lieu le 26 mars 1351, dit le site monumentum.fr, durant lequel trente chevaliers bretons commandés par Jean de Beaumanoir luttent contre trente chevaliers anglais». Notre route approche maintenant de Josselin. C'est Guéthenoc de Porhoët, dit le site jossselin.com, qui «fait édifier le premier château en 1008. Ses descendants, les ducs de Rohan contribueront au développement de la ville de Josselin, qui porte le nom de leur fils Josselin de Rohan». La petite cité de caractère est longée par l’Oust, «une des rivières qui a permis à Napoléon Ier de faire creuser le canal de Nantes à Brest, désenclavant ainsi par l’intérieur ces deux villes stratégiques (il est achevé en 1842, NDLR)», poursuit le site municipal. Mais sa «vie» économique sera brève: «En 1930, la construction de l’usine hydro-électrique de Guerlédan interrompt la possibilité de relier Nantes à Brest par le canal. Il est officiellement rayé de la nomenclature des voies navigables par décret du 27 juillet 1957, écrit le site archives.morbihan.fr». Reste maintenant un bel itinéraire de promenade… La traversée de Josselin par l’ancienne R.N.24 est difficile: vers Rennes, il faut descendre le long de l’Oust et emprunter la rue du Canal, vers Lorient, on suit les rues des Trente et Glatinier au cœur du centre-ville. Cette rue se poursuit le long de l’Oust canalisée et franchit la rivière au niveau de l’écluse de Caradec. Un paysage routier complètement bouleversé par la présence, aujourd’hui de la multivoies Rennes-Lorient… Rappelons néanmoins qu’une ordonnance royale du 20 mai 1842, consultable dans le Bulletin des lois du royaume de France de juillet 1842, visait à la rectification de la côte de Caradec.

Passage de l'Yvel. Ici, deux ouvrages de l'ancienne R.N.24 cohabitent joliment (photo: MV, décembre 2019).
L'ancien pont sur le Ninian est bien camouflé dans la végétation (photo: MV, décembre 2019).
En direction de Josselin, au niveau de l'obélisque des Trente (photo: MV, décembre 2019).
L'impressionnant château de Josselin (photo: MV, décembre 2019).

Plus loin, on retrouve le vieux bitume de la R.N.24 historique autour du hameau de Coët-Méhan, puis entre le Pigeon-Blanc et Maigris. Voilà le lieu-dit le Point-du-Jour, au nord de Saint-Allouestre; il reste dix kilomètres jusqu’à Locminé. Là encore, difficile de rester fidèle aux traces de l’ancienne R.N.24 qui passait par la Villeneuve, le Roscoët, Châteaubriand… On approche Locminé par Kerbéthune et Malabry (D724). Puis voici la départementale 117, les rues Charles-le-Goffic et Charles-de-Gaulle qui font entrer notre voie historique dans le centre-ville. Locminé est un important noeud de communications puisque l’on y croise la route de Vannes à Lannion (D767). Ce sont tout d’abord des moines qui s’installent dans la région, puis ils sont chassés par les envahisseurs normands au Xe siècle, écrit le site municipal locmine.bzh. La vie renaît peu à peu et la petite cité, désignée comme telle dans un document du XIIIe, voit passer, le 13 septembre 1518, le roi François Ier en visite dans le duché de Bretagne. Beaucoup plus tard, lors de la Révolution française, la région verra s’opposer partisans du roi et républicains, un conflit qui s’achèvera à la signature du Concordat, en juillet 1801. Entre 1902 et 1947, un «petit train» de la Compagnie des chemins de fer du Morbihan va fonctionner entre Locminé et Ploërmel. Notre route n°24 historique s’extrait du bourg par l’avenue du Petit-Prêtre (actuelle D1). Il y a seize kilomètres jusqu’à Baud. Ici, les anciens tracés ont été, encore une fois, enterrés sous la multivoies contemporaine. Sauf vers Kerichelard, Koh-Koëd et enfin Keriquel où l’ancienne nationale des années cinquante s’oriente vers la Haie-Haute et –Basse pour atteindre Baud. Autre tracé aussi sur la carte d’état-major du XIXe siècle (1820-1866) publiée par le Géoportail de l’IGN, où la route de Rennes à Lorient traverse l’Evel au niveau du pont de Kerdéhel.

Dans le petit bourg de Baud (photo: MV, décembre 2019).
Panneaux contemporains à Baud (photo: MV, décembre 2019).
En direction de Languidic (photo: MV, décembre 2019).

On arrive à Baud par l’avenue de Locminé. «Le bourg, remarque patrimoine.bzh, s'est constitué à la croisée de deux routes: Auray-Pontivy et Rennes-Lorient. A ce point de jonction s'est constitué un lieu de marché, débouché des produits de la riche campagne environnante. Les foires créées au XVIIIe siècle par le roi à la demande de la famille de Lannion, seigneurs de Quinipily en Baud, soulignent un lieu propice au commerce»... Au sortir de ce bourg, on emprunte la rue de la Madeleine (D724) qui descend vers l’Evel et le hameau de Tenuel. Cette rampe a été rectifiée en 1839-1840, signale la Situation des travaux de 1841. A un jet de pierre, un autre chantier a été mené une paire d’années plus tard: celui de la rectification de Bodery. L’ancienne chaussée partait direct depuis les bords de l’Evel à Tréganin pour rejoindre le Pont-Pala et filer ensuite tout droit vers Kergonan. L’ordonnance du 22 février 1842, citée dans le Bulletin des lois du royaume de France de 1842, indique que «la route royale n°24, de Paris à Lorient, sera rectifiée entre l'aqueduc de Tréganin et l'entrée de Kergonan, suivant un nouveau tracé qui se développera dans les vallées de l'Evel et de Bodery». Une grosse poignée de kilomètres plus loin, voici Languidic, abordée par la rue de la Libération. «A 24 lieues 1/2 de Rennes, sur la grande route de Hennebont à Baud, le territoire de Languidic est irrégulier et très étendu: il présente à la vue des plaines, des coteaux et des monticules. Les terres sont fertiles, mais peu exactement cultivées, car les landes y sont en grand nombre. On y fait du cidre», écrit le Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne en 1843. Ce pays, dit aussi le site languidic.fr est «peuplé depuis l'antiquité ainsi que le prouvent de nombreux monuments mégalithiques que nous y rencontrons. A Lézorgu, nous trouvons des dalles qui remontent à l'âge de fer (premier millénaire avant J.C.), et près du village de Kersolan, plusieurs dizaines de menhirs». A l’époque gallo-romaine, c’est la voie Vannes-Quimper qui passe dans les environs.

Entrée de Languidic (photo: MV, décembre 2019).

Il y a onze petits kilomètres jusqu’à Hennebont, une localité qui garde le très important passage sur le Blavet puisque s’y croisent –en 1959- les routes de Nantes à Brest (R.N.165) et notre R.N.24… C’est dire si la circulation devait parfois s’y révéler difficile sur l’unique petit pont… Au Moyen Age, c'est vers l'an mil qu'apparaît pour la première fois le nom Hennebont, qui signifie en breton le «vieux pont», nous précise le très documenté site municipal hennebont.bzh. Il y a là (sur la rive droite du Blavet) jusqu'au XIIIe siècle une tour fortifiée qui surveille le pont et le chemin de Vannes à Quimperlé. «Au milieu du XIIIe siècle, indique de son côté hennebont.net, le duc de Bretagne Jean Le Roux démantèle la motte féodale des seigneurs d’Hennebont et entreprend la construction des fortifications sur la rive gauche du Blavet, la Ville-Close». Au XVIe siècle, la ville, construite en maisons à pans de bois, se compose de deux paroisses: Notre-Dame-de-Paradis, rive gauche et Saint-Caradec, rive droite. D'un point de vue économique, raconte encore le site municipal, «la vitalité du commerce maritime de Hennebont s’appuie sur l’importation de vins et l’exportation de blés vers l’Espagne, Bordeaux et Nantes». La fin du XVIe siècle est marquée par les derniers sièges que connaîtra la ville et notamment lors de la Guerre de la Ligue (1588-1598). Le XVIIe est une période de reconstruction et de développement hors des murs de la Ville-Close malgré l’apparition d’épidémies qui ravagent les populations… De nombreux hôtels particuliers sont bâtis, mais, dès la fin du siècle, la concurrence avec Lorient, le port de la Compagnie des Indes –peu urbanisé- construit à partir de 1666, se durcit. Tout au long du XVIIIe, il faut loger les troupes, les marins, les officiels, mais aussi protéger ses privilèges… et les habitants de Hennebont –parfois- grognent… ou en profitent… Les lieux, autour du Blavet, évoluent: entre 1743 et 1769, on détruit d’anciennes fortifications pour réaliser de vrais quais le long du fleuve. Quant au «pont-à-mer», l’unique passage sur les eaux, il connaît au fil du temps, souligne hennebont.bzh, de nombreux désordres tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles. «En 1683, alors qu’il est en réparation, il est emporté par les glaces. Remis en service en avril 1686, l’arche centrale, neuve, s’effondre en octobre. Les inondations menacent régulièrement son intégrité. A la fin du XVIIIe siècle, en 1768, il menace encore ruine». En 1857, les haras nationaux s’installent à proximité de la cité. Du coup, Hennebont devient un lieu important pour le développement du cheval breton. Avec l’ère industrielle, d'importantes forges s'installent à Kerglaw, commune d'Inzizac-Lochrist. Celles-ci assurent le développement du trafic sur le Blavet avec l’importation de charbon venu d’Angleterre et permettent l’essor de l’industrie de la conserve de fer blanc. «Devenue cité ouvrière, Hennebont connaît, entre les deux guerres, un développement urbain important avec la construction de nouvelles zones d’habitat sur les périphéries», explique encore hennebont.net.

Pont sur le Blavet à Hennebont. Un passage toujours très emprunté (photo: MV, décembre 2019).

La Deuxième Guerre mondiale verra Hennebont durement touchée par les combats. Le 7 août 1944, alors que les forces alliées entrent dans la ville, une grande partie du centre-ville est détruite par les bombardements des troupes allemandes retranchées dans la poche de Lorient. «Des quartiers entiers sont des champs de ruines», raconte l'article «Hennebont. Reconstruction: des choix pour l'avenir de la ville» paru dans Ouest-France le 5 juillet 2019… Les premiers plans de réaménagement sont publiés en août 1946. Tout l’urbanisme de la cité en est changé: depuis Kerpotence, l’ancienne chaussée du XIXe siècle dégringolait vers le fond de la vallée par la rue Honoré-de-Balzac. Une nouvelle chaussée (visible sur les photos aériennes de l’IGN en 1952), l’avenue du Président-Salvador-Allende, va amener la R.N.24 à la hauteur du lieu-dit le Quimpéro et de la R.N.165. Mais les travaux ne vont pas vite; en 1950, le journal La liberté du Morbihan titre: «Hennebont, ville sinistrée et sacrifiée» alors qu’à Lorient, le chantier est mené plus rapidement. Les tonnes de gravats sont transportées vers la zone marécageuse du Ty-Mor, qui accueillera des industries à partir des années 60. Quant à la traversée du Blavet, un nouvel ouvrage, le pont Jehanne-la-Flamme, est réalisé dans les années cinquante parallèlement au réaménagement routier des avenues de la Libération et Jean-Jaurès. Mais le port, coupé en deux par l’ouvrage, perd tout son intérêt commercial… C’est maintenant l’avenue de la République qui nous emmène vers Lorient, distante d’à peine 10 kilomètres. Jusqu’à Kerentrec’h (quartier de Lanester), dans les années cinquante, il n’y avait que des campagnes… C’est aujourd’hui un entrelacs de voies rapides, d’entrepôts industriels, de zones de chalandise… dans lequel se perd l’ancien cheminement… Puis, passé Pont-Kerrous (la Maison-des-Choux), on suit les avenues Ambroise-Croiziat et Jean-Jaurès… Il faut désormais traverser la Scorff pour aboutir au terme de notre promenade, à Lorient (ou L’Orient… comme cela est écrit sur la carte de Cassini). Le passage de cette large ria n’est pas simple: au XVIIIe siècle, il y avait un là bac à péage (situé non loin de l’emplacement du pont actuel), puis un premier pont suspendu en bois servira de 1822 à 1841, signale le site silorientmetaitconte.net. Après l’écroulement de cet ouvrage, retour du bac jusqu’en 1843, date à laquelle on pose la première pierre du nouveau pont suspendu de Saint-Christophe; la traverse, en «fil de fer», sera mise en service en 1849. Plus d’un siècle plus tard, écrit Le Télégramme, il faut penser à remplacer l’ouvrage, abîmé par les combats de la Deuxième Guerre mondiale. Les travaux commencent en 1955; «avec une portée de 219 mètres, une chaussée de 9 mètres, deux pistes cyclables de 1,50 mètres et deux trottoirs de 1,50 mètres, la largeur totale en impose avec ses 15 mètres», écrit le journal. L’inauguration a lieu le 15 novembre 1960.

Le pont sur la Scorff (photo: MV, décembre 2019).

De l’autre côté du pont c’est Lorient. La grande date de la cité portuaire, c’est le 31 juillet 1666: à ce moment, écrit Claude Le Colleter dans un article publié par le site sahpl.asso.fr, «le directeur de la Compagnie des Indes, Denis Langlois, achète à divers propriétaires une vingtaine de parcelles au lieu dit le Faouëdic pour y installer des constructions navales le plus proche de Port-Louis». Très vite, les premiers navires sortent des chantiers et l’activité attire «des paysans et des ouvriers des quatre coins du royaume», raconte le site patrimoine.lorient.bzh. L’impulsion décisive vient en 1675, lorsque, dit Louis Chaumeil dans l’article «Abrégé d'histoire de Lorient, de la fondation (1666) à nos jours (1939)», la Compagnie abandonne son bureau du Havre. Et le commerce se développe (patrimoine.lorient.bzh): «épices, thé, étoffes, soieries, laques et porcelaines transitent par Lorient et font la fortune de la Compagnie des Indes et des armateurs, qui s'adonnent par ailleurs au trafic du bois d'ébène et plus tard des contrebandiers». En 1690, la marine royale installe une administration à Lorient, début d’une longue cohabitation entre militaires et commerçants… Après une première faillites due aux guerres, la Compagnie des Indes renaît en 1719 grâce au financier Law. Entre 1709 et 1730, c’est le retour de la prospérité liée au commerce maritime: «Lorient, souligne patrimoine.lorient.bzh, passe de 6000 habitants à 20.000 habitants et connaît une extension urbaine que l'architecte de la Compagnie des Indes, Jacques Gabriel, aura la charge de maîtriser». En 1770, écrit encore le site, «les chantiers navals sont rachetés par le Roi et transformés en port de guerre et arsenal royal. Lorient est, dans les années 1770, l'un des quatre ports français capable de construire des vaisseaux de lignes». Sous la Révolution française, Lorient est institué port militaire...

Il y a un passage à niveau en plein coeur de Lorient (photo: MV, décembre 2019).
Vers le cours de Chazelles (photo: MV, décembre 2019).

Au XIXe siècle, l’expansion de Lorient se poursuit, écrit patrimoine.lorient.bzh. L’arrivée du chemin de fer en 1862, dont l’une des bretelles bordait le côté sud du bassin à flot, accroît l'activité maritime: une criée aux poissons s'installe sur ce quai, avec le port charbonnier et un dépôt de bois. Au nord, la gare s'installe dans le faubourg de Kerentrech, alors en dehors de la ville. Les terrains situés entre les fortifications et Kerentrech sont restés inconstructibles jusqu'en 1907. La liaison vers ce faubourg s'est faite par une voie plantée: le cours de Chazelles, qui est l'aboutissement de la R.N.24 dans Lorient. Devenu un grand centre d'armement, de commerce et de pêche, l’ancien port de la Compagnie des Indes a des activités industrielles qui modifient considérablement le paysage économique de la ville. En 1911, la population passe à 50.000 habitants. La Deuxième Guerre mondiale va, hélas, tout changer. Après des dizaines de violents bombardements, de 1940 à 1942, la ville, qui abrite un état-major de la Kriegsmarine et une base de U-Boot, est quasiment rasée au début de 1943 par les raids aériens alliés… Pire: Lorient reste une des poches d’occupation allemande sur l’Atlantique jusqu’à la capitulation du 8 mai 1945… Là aussi, la reconstruction sera un chantier majeur de l’après-guerre! «Après le déminage, le déblaiement, la réfection de l'ensemble de l'infrastructure (eau, électricité, gaz), indique le site patrimoine.lorient.bzh, la première pierre est enfin posée le 12 mars 1949, rue du Port. Lorient se rebâtira dans la négociation permanente avec ses habitants et aboutira à un plan respectant le tracé d'avant-guerre, contrairement à Brest, Saint-Nazaire ou Le Havre par exemple». Mais la période transitoire de la «vie dans les baraques» ne s’achèvera, pour les Lorientais, qu’à la fin des années soixante! Un des chantiers routiers importants de l’après-guerre est celui du pont d’Oradour de 320 m de long, qui détourne la circulation de la R.N.24 du cours de Chazelles pour lui faire emprunter, à la fin des années cinquante, le boulevard de Normandie. C’est ici que s’achève notre promenade de 145 kilomètres…

Marc Verney, Sur ma route, mai 2020

(*) Dans la navigation maritime, un amer est un point de repère côtier fixe et identifiable.

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