Mur Michelin de la R.N.1 à Grandvilliers (remerciements: photoguide.cz). Ce site respecte le droit d'auteur. En cas de souci sur cette image, merci de le faire savoir à l'auteur. Merci!

SOURCES ET DOCUMENTS: Atlas des grandes routes de France, Michelin (1959); carte Michelin n°51 Boulogne-Lille (ND); carte Michelin n°52 Le Havre-Amiens (1968); «Considérations historiques et archéologiques sur Nouvion-en-Ponthieu», Eric Balandra, La nécropole de Nouvion-en-Ponthieu, Dossiers archéologiques, historiques et culturels du Nord et du Pas-de-Calais (n°20); Du Gris-Nez à la Somme: sur les chemins de terre et d'eau, petits transports et petits usagers (XIIIe-XVe siècles), Anne-Dominique Kapferer, Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, 1976; Esquisse de topographie historique sur l'Ambianie, Alphonse Leduque, Centre régional de recherche et de documentation pédagogiques d'Amiens, 1972; Guide classique du voyageur en France et en Belgique, par Richard, librairie de L. Maison (1854); Guide de l’étranger à Londres et dans ses environs, John William Lake, Audin libraire, 1855; Guide du Routard Nord-Pas-de-Calais, Hachette, 2011-2012; Guide du Routard Picardie, Hachette, 2011-2012; Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution, Georges Reverdy, Presses de l’ENPC, 1997; Itinéraire descriptif et topographique des routes de Paris à Londres, W. Lake, Truchy-Simonneau (1826); Notice sur les rues d’Abbeville et sur les faubourgs, Ernest Pralfond, Jeunet imp. éd. (1850); Nouveau dictionnaire géographique, ou description de toutes les parties du monde, Jean-Baptiste Ladvocat, imprimerie de Lebègue (1817); Nouveau guide général du voyageur en France, Amédée de Césena, Garnier frères, libraires-éditeur (1863); Précis statistique sur le canton de Marseille, Louis Graves (1833); Recueil de documents statistiques (T.1), direction générale des ponts et chaussées et des mines, Imprimerie royale (1837); Wikipédia; Wikisara; Airaines éternelle; abbeville.fr; baiedesomme3vallees.fr; lechodes3baies.fr; picardie.developpement-durable.gouv.fr; grandvilliers.fr; attin.mairie.free.fr; photoguide.cz.

A Grandvilliers, la nationale 1 historique (D901) croise la N15bis (D915B), route qui rejoint Le Tréport (photo: MV, janvier 2012).

LOCALITES traversées par la R.N.1 (1959):
Beauvais (N31)
Notre-Dame-du-Thil

Troissereux
Monceaux
Saint-Omer-en-Chaussée
Achy
Marseille-en-Beauvaisis (N30)
Fontaine-Lavaganne
Thieuloy-Saint-Antoine
Halloy
Grandvilliers (N15bis)
Equennes
Poix (N29)
Lincheux
Camps-en-Amiénois
L'Arbre-à-Mouches
Airaines
Sorel-en-Vimeu
Pont-Remy
Eaucourt-sur-Somme
Epagne
Epagnette
Abbeville (N25, N28, N35, N40A)
Hautvillers
Le Titre
La Garenne
Nouvion
Forest-Monthiers (N40B)
Bernay-en-Ponthieu
Vron
Nampont-Saint-Martin
Nempont-Saint-Firmin (N40C)
Wailly
Montreuil-sur-Mer (N39)

Amusante réutilisation d'un vieux panneau de la route nationale à Nampont-Saint-Martin (photo: MV, janvier 2012).
Limite départementale à Nampont-Saint-Martin et Nempont-Saint-Firmin (photo: MV, janvier 2012).
Plaque de cocher à Montreuil-sur-mer (photo: MV, septembre 2006). En cliquant sur l'image vous visitez la cité.

D'AUTRES RESSOURCES autour de la nationale 1 historique: La page Wikisara consacrée à cette ancienne nationale française (lire).
La page Wikipédia de la RN1 historique (lire).

Panneau Michelin au Touquet (photo: MV, septembre 2006). En cliquant sur l'image vous visitez la cité.

AU LECTEUR: merci de noter que ce site respecte le droit d'auteur. Toute autre utilisations des textes, images, dessins présents sur les pages de Sur ma route est soumise à l'autorisation de l'auteur (sauf mention contraire).



Belles routes de France...
R.N.1: A NOUS LES PETITES ANGLAISES (II)
Voici donc la deuxième partie de notre nouveau voyage sur la route nationale 1 historique. Celle-ci va nous emmener de Beauvais à Montreuil-sur-Mer en passant par Abbeville. On frôle la charmante baie de Somme, chère à Jules Verne, mais aussi Le Touquet chic et ses bains de mer ainsi que, à Montreuil-sur-Mer, longtemps unique port royal français, d’imposantes fortifications de brique rouge… Là encore, l’histoire de France a façonné la route, au gré des victoires (et défaites) des uns et des autres… Et puis on va faire démentir cette phrase, parue dans les colonnes du journal Illustrated London News, ce 5 septembre 1846: «Le trajet monotone et interminable de Boulogne à Paris est suffisant pour épuiser le voyageur le plus joyeux»…Non, non, Messieurs les Anglais… fini le French Bashing!!

Sur le tracé de la R.N.1 historique à L'Arbre-à-Mouche (photo: MV, janvier 2012). En cliquant sur l'image, vous accédez à la dernière partie du trajet Paris-Calais.

Au sortir de Beauvais, c'est donc le tracé de l'actuelle D901E (R.N.1 de 1959) que nous allons emprunter et non la D1001, ancienne R.N.181, qui prend la direction de Breteuil. Peu avant la révolution française, nous raconte Georges Reverdy dans l’Histoire des routes de France, du Moyen-Age à la Révolution, «il est demandé» de réaliser un nouvel axe Paris-Calais depuis Beauvais par Marseille, Poix et Abbeville qui supplanterait celui desservant Amiens. Un projet qui ne se fera que lentement… «Avant le XVIIIe siècle, lit-on dans le Précis statistique sur le canton de Marseille, la communication directe entre Beauvais et Abbeville avait lieu par les Blamonts, canton de Nivillers, Par Pisseleu, Oudeuil-le-Grand, Hautépine, et par le Hamel, canton de Grandvilliers: cette route, fort ancienne, porte encore, dans plusieurs de ses parties, le nom de chemin des Anglais, qu'elle avait reçu pendant les guerres du Moyen Age. Sous le règne de Louis XIV on ouvrit un embranchement de Prévillers vers Grandvilliers, à cause de l'importance de ce dernier bourg. La route fut tellement négligée ensuite qu'elle cessa presque d'être fréquentée: les messageries et la marée n'y passaient qu'à grande peine; et lorsqu'il s'agit de la rétablir, on conçut le projet de changer la direction en la conduisant de Troissereux vers Marseille. Cette question, agitée pendant plus de vingt ans, de 1769 à 1790, fut enfin résolue en faveur de la ligne actuelle».

A Troissereux, les ruines de cette station-service ne servent plus à grand-chose (photos: Marc Verney, janvier 2012).

Nous voici, à la sortie de Beauvais, sur les rues de Calais et de Notre-Dame du Thil, qui nous emmènent en direction de Troissereux, première bourgade traversée de cette route. Les habitants sont fiers de leur château (XVe, XVIe siècles) de son horloge astronomique et de son Grand Canal (un peu comme à Versailles!) niché au cœur d’un parc de douze hectares… Là encore, en ces contrées du Beauvaisis, l’itinéraire est très ancien: c’est la fameuse route de l’étain qui passe par là. Le Recueil de documents statistiques mentionne ici en 1837 la «reconstruction» du pont du village, «partie commençant à 210 mètres avant le pont et finissant à 120 m. après». Le Précis statistique sur le canton de Marseille (1833) nous renseigne sur le calendrier de réalisation de la nouvelle chaussée Paris-Calais dans la région: «La section comprise entre Troissereux et Monceaux fut construite en 1794, ainsi que la traverse de Marseille; la section entre le ruisseau de l'Herperie et le chemin de Beaupré avait été établie l'année précédente, ainsi que la pente de la côte de Fontaine-Lavaganne, et la section depuis le haut de cette côte jusqu'à Thieuloy (hors du canton). Les autres parties de la route ont été confectionnées sous l'administration de M. de Belderbusch, préfet de l'Oise, de 1802 à 1810». La voie, nous précise le Précis statistique sur le canton de Marseille, «est construite et entretenue avec les cailloux-silex ramassés sur les pentes des coteaux voisins; elle est plantée en pommiers et en ormes dans presque tout son développement. La traverse de la commune de Marseille est en chaussée de grès; près d'Achy, la chaussée est accompagnée de banquettes latérales». Six kilomètres au nord de Troissereux, voilà Saint-Omer-en-Chaussée, bourg connu pour sa laiterie, fondée en 1899 par une société suisse. L'établissement, considéré comme une usine modèle, amenait par le train aux Parisiens un lait de qualité supérieure, garanti par une fermeture des bouteilles en verre ou en porcelaine par cachets (la classe!). Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les chasse-marées, ravitaillant Paris en poisson venant des ports de la Manche, passaient par Saint-Omer. On suit la vallée du Petit-Thérain jusqu’à Marseille-en-Beauvaisis. «La commune, nous annonce l'encyclopédie Wikipédia, est un ancien bourg fortifié, qui avait trois portes, Saint-Maur au nord, Saintes-Hosties à l'ouest et Saint-Michel, au sud. Elle fut dévastée par une inondation causée par un orage en 1645». Le marché de la ville, raconte Louis Graves dans le Précis statistique sur le canton de Marseille, «fut suspendu à la fin du siècle dernier (XVIIIe, ndlr) à l'époque de la construction de la route de Calais, parce que la chaussée de la route fut tracée précisément sur l'emplacement des halles, ce qui a nécessité la destruction de celles-ci. elles ont été reconstruites en dernier lieu près du ruisseau d'Herboval dans le bas du bourg, et le marché a enfin repris son activité dans l'année 1828». Partant de ce bourg, annoncent les historiens locaux, une ancienne chaussée rejoignait Saint-Valéry-sur-Somme par Saint-Thibault et Fouilloy. On en voit la trace sur les cartes, au niveau de Brombos et des carrefours de Saint-Clair et du Coq-Gaulois notamment. Ce fut aussi un chemin utilisé par le chasse-marée venant du Tréport.

R.N.30: LA CONQUETE DE L’EST
Entre Rouen et La Capelle, la R.N.30 historique traverse la France des champs, vaste et sans limites apparentes. Amoureux des cîmes s'abstenir... (lire)

Borne de limites départementales entre l'Oise et la Somme. On peut y lire la mention "route n°1 de Paris à Calais" (photo: Marc Verney, janvier 2012).

On continue maintenant en direction de Grandvilliers par la rue du Général-Leclerc. On passe les villages de Fontaine-Lavaganne, où la route «contourne par l'est le village ancien» (Wikipédia), Thieuloy-Saint-Antoine et Halloy. C'est au début du XIIIe siècle que débute l'histoire de Grandvilliers. Dans l’Itinéraire descriptif et topographique des routes de Paris à Londres, on lit «qu'il s'y tient des marchés importants; toutes les rues, qui sont d'une belle largeur, aboutissent à une grande place». Hélas, le 2 septembre 1680, en pleine nuit, un incendie d’une violence inouïe éclate soudainement. «En quelques heures, nous raconte le site grandvilliers.fr, ce bourg, l’un des plus considérables de la Picardie, était presque entièrement détruit». Bossuet, seigneur de Grandvilliers promet son aide: il est dit que le tracé des larges rues de la ville lui est dû. Au XIXe siècle, l’Hôtel d’Angleterre est la halte recherchée par les voyageurs. Beaucoup plus tard, Grandvilliers est de nouveau terriblement très éprouvé. Les 6, 7 et 8 juin 1940, les bombardements ravagent totalement 163 maisons et une partie des édifices publics. «La reconstruction des immeubles commence en novembre 1948. Elle est terminée en décembre 1954», signale le site municipal grandvilliers.fr. Le Guide de l'étranger à Londres et dans ses environs décrit joliment la campagne picarde en 1855: par ici, la campagne, écrit l’auteur, est «de loin en loin, parsemée de bosquets, dont chacun recèle toujours un village, suivant l’usage de la Picardie d’entourer tous les lieux de bosquets, de vergers et de prairies». On passe dans la Somme 7 km après Grandvilliers.

Arrivée à Poix-de-Picardie (photo: Marc Verney, janvier 2012).

Voilà maintenant Poix-de-Picardie. La descente de la côte de la rue de Paris va en surprendre plus d’un après les douces courbes du Beauvaisis… Poix, ville-carrefour, avec les itinéraires historiques de Paris à Calais et de Rouen à Amiens, a souvent subi les violences des envahisseurs: en 1346, quelques jours avant le désastre de Crécy, Edouard III d'Angleterre pille et brûle la cité; plus tard, rebelote en 1472, le colérique Charles le Téméraire, mis en échec devant Beauvais avec le concours de Jeanne Hachette, assouvit sa rage sur les pays voisins et incendie la petite cité qui n’avait rien demandé à personne... Il reste encore une quarantaine de kilomètres à parcourir jusqu’à Abbeville. Voici Thieuloy-l’Abbaye, Lincheux et Camps-en-Amiénois. Peu avant l'arrivée sur Airaines, «bourg à moitié chemin de Paris à Calais, bien bâti et agréablement situé sur trois petites rivières» dit le Guide classique du voyageur en France et en Belgique, voilà le château de Tailly, sur la gauche de la route, qui se camoufle derrière un petit bois: la demeure a appartenu au maréchal Leclerc, le libérateur de Paris en 1944. Aux XIVe et XVe siècles, on entre d’ailleurs dans Airaines avec l’avenue du Général-Leclerc-de-Hautecloque. La petite cité, qui est à la frontière entre le Ponthieu, fief anglais, et la France, souffre des conflits liés à la guerre de Cent Ans. Airaines ne devient définitivement français qu'en 1477, après la mort de Charles le Téméraire, qui avait rasé les maisons de la ville, cinq ans plus tôt, raconte airaines.fr. De 1860 à 1940, écrit le site municipal, c'est «l'aventure industrielle»: dix-sept moulins, «véritables usines du temps jadis», font travailler deux savonneries grâce à l’huile issue de leur labeur. «A cette époque 200 commerces animent la ville. En 1890, on assiste à la mécanisation du tissage. Les ateliers d’Airaines deviennent des maisons florissantes qui travaillent la broderie, le velours et le jute». Puis vient l'électricité... Las, en juin 1940, les assaut du général Rommel détruisent cette prospérité durement acquise. C’est dans cette localité que le capitaine français N’Tchoréré à la tête de la 5e compagnie du 53e régiment d’infanterie coloniale mixte, se montrera d’une bravoure peu commune face à l’ennemi nazi. On se souviendra aussi d’une institution locale, le restaurant Le Rallye (également station-service), étape incontournable de la route Paris-Calais, à l’époque où il n’y avait pas l’autoroute…

Travaux sur la R.N.1 autour d'Airaines entre XIXe et XXe siècles (remerciements: Airaines éternelle). Ce site respecte le droit d'auteur. En cas de souci sur cette image, merci de me le faire rapidement savoir.
Plaque de cocher située à L'Arbre-à-Mouches (photo: Marc Verney, janvier 2012).

Il y a encore une vingtaine de kilomètres à faire avant d’atteindre Abbeville. On traverse le village de Sorel-en-Vimeu par la «route de Paris». Puis la R.N.1 historique (D901) passe la Somme à Pont-Remy (ou Pont-de-Rémy). «Cette ancienne place-forte, écrit le Nouveau guide général du voyageur en France, a été mêlée à toutes les guerres de l'invasion anglaise et de l'époque féodale. Ce village avait autrefois un magnifique château, où l'empereur Sigismond a séjourné en 1415 et où Richelieu s'est arrêté en 1620». Le pont sur la Somme, signalé en 1817 par le Nouveau dictionnaire géographique, ou description de toutes les parties du monde, existait très vraisemblablement sous l'Ancien Régime. Les extraits du registre des délibérations de la Chambre de commerce de Picardie en 1777-1778 indiquent que le passage était périlleux pour les bateaux… alors pour les voyageurs de la route! D’ailleurs, la vallée de la Somme est souvent inondée, comme en 1841 où la route n°1 s’est révélée totalement impraticable en janvier… Wikisara mentionne d’ailleurs la «reconstruction» du pont la même année. Après Epagnette, voilà Abbeville. Pour les amateurs des voyages à l’ancienne, c’est là que l’on retrouve le trajet du XVIIIe siècle de la diligence Paris-Calais (par Amiens) mais aussi le dernier tracé de la R.N.1 moderne (de 1973 à 2005). La «ville de l’abbé» a une histoire des plus troublée. «Vers 990, Hugues Capet enlève le domaine rural d'Abbeville à l'abbaye de Saint-Riquier contre dédommagement», écrit le site municipal abbeville.fr. Le lieu devient alors une place forte. Au XIe siècle, la ville est encore un port, les bateaux voguent sur la Somme, jusqu'à la mer, à Saint-Valery ou le Crotoy, mais aussi en direction d'Amiens. Au XIIIe siècle, Abbeville est une ville drapante qui fabrique du drap de laine. Son port est alors un des premiers du royaume et son commerce considérable. Mais, au fil des ans, l'ensablement de la baie de Somme repousse la mer plusieurs kilomètres vers l'ouest, il faut canaliser le fleuve, ce qui ne sera fait qu’en 1827. Au XIVe siècle, la confiscation, par les Français, du Ponthieu, détenu par les Anglais, marque le début de la guerre de Cent Ans. Puis la cité passe sous la coupe des Bourguignons après le traité d’Arras (1435). Mais elle sera rachetée (ainsi que plusieurs autres villes de la Somme) par Louis XI en 1463 afin que les Bourguignons soient éloignés de Paris. Reprise par Charles le Téméraire en 1466, le belliqueux duc de Bourgogne y fit brûler 1700 maisons afin d’impressionner les habitants. La mort du Téméraire sous les murs de Nancy le 5 janvier 1477 mit fin au rêve bourguignon et Abbeville est à nouveau réunie au royaume de France. Le 30 octobre 1665, dit abbeville.fr, un industriel hollandais vient se fixer à Abbeville pour y établir une manufacture royale de draps fins à la demande de Louis XIV et de son ministre Colbert. Cette manufacture, dite «des Rames», est construite chaussée d'Hocquet entre 1709 et 1713. L’année 1847 voit l’arrivée du chemin de fer dans la ville. Comme souvent en France, le XIXe siècle est une période de grands travaux: en 1867, Abbeville, alors place forte de troisième classe, est déclassée. Portes et fortifications seront partiellement démolies à partir de 1869 pour laisser la place à de nouvelles voies (boulevards de la République et Voltaire).Si les bombardements de 1914-18 laissent des traces (1200 immeubles détruits ou endommagés), celui du 20 mai 1940 sera dévastateur: entre 9h30 et 17h environ, les avions allemands, arrivant par vagues successives, déversent 5000 bombes qui ravagent la quasi-totalité du centre-ville en détruisant 2400 immeubles et en endommageant 3600, signale Wikipédia. Les opérations de reconstruction furent longues. Inauguré en 1948 par le président Vincent Auriol, le chantier se prolongera jusqu'en 1960 avec l'ouverture du nouvel hôtel de ville. L’entrée de la cité (chaussée de Paris) se fait par le faubourg Saint-Gilles, juste à côté du marais du même nom.

R.N.25: DE MANCHE EN FLANDRES (I)
Première partie de notre voyage entre Le Havre et Lille. Du port du Havre on retrouve la côte d'Albâtre. Voilà Fécamp, Dieppe. Puis on file sur Abbeville. (lire)

ABBEVILLE A VOIR, A FAIRE Malgré la quasi destruction du centre-ville, on doit visiter la collégiale Saint-Vulfran (fin du XVe siècle), le beffroi-musée Boucher-de-Perthes (XIIIe siècle), et, juste à côté d’Abbeville, l’abbatiale de Saint-Riquier. Les visiteurs ayant du temps ne manqueront pas le détour par la baie de Somme et les ports de Saint-Valery-sur-Somme (c'est de là, en 1066, que Guillaume le Conquérant est parti à l'assaut de l'Angleterre!) et du Crotoy.


Plaque de cocher à l'entrée d'Abbeville (photo: Marc Verney, janvier 2012).

R.N.28: SUS AU NORD!
De Rouen à Bergues, c ’est la «course au Nord», au milieu de paysages de bocage, de «plat pays» sillonné de canaux, de villages de brique... (lire)

A Abbeville, les haltes les plus connues s’appellaient Hôtel de l’Europe, d’Angleterre, de la Tête-de-Bœuf, de l’Ecu-de-Brabant, du Lion-Noir… En sortant des lieux, une montée, la côte de la Justice, longue «d’un quart de lieue» (le Guide de l’étranger à Londres et dans ses environs) aboutit au carrefour des routes de Calais (D1001) et de Saint-Omer (ancienne R.N.28). Ce n’était, avant 1789, qu’un mauvais chemin creux. Cette voie «prenait autrefois pour nom "cavée Marcadé"», dit Ernest Prarond dans La topographie historique et archéologique d'Abbeville. «Elle a été une première fois très adoucie de pente et élargie en 1788. La disette ayant à cette époque considérablement aggravé la misère publique, on fut obligé d'instituer des travaux de charité et les travaux furent appliqués à l'amélioration de cette route» précise encore l’auteur. «La côte de la Justice est ainsi nommée parce qu'on y exécutait les malfaiteurs. Les fourches patibulaires étaient dressées à peu près vers la place où la route d'Hesdin s'embranche sur celle de Montreuil», conclut Ernest Prarond. Partant de là, nous dit en 1826 l’Itinéraire descriptif et topographique des routes de Paris à Londres par W. Lake, «la route parcourt une plaine entrecoupée de bois», le sol est «crayeux»… On passe Le Titre et on longe la forêt de Crécy, lieu de la terrible défaite de la chevalerie français en 1346 face aux archers anglais. Cet itinéraire devait toutefois exister dès le Xe siècle entre Abbeville et Montreuil-sur-Mer (ancienneté de ces deux cités et existence du Travers de Nampont sur l'Authie, vers 1002-1016 dans un acte du roi Robert-le-Pieux), voit-on dans l'article «Considérations historiques et archéologiques sur Nouvion-en-Ponthieu», par Eric Balandra. Voici Nouvion, «treizième relais à quarante lieues et demi de Paris (…) dont les maisons, bâties en terre et couvertes de chaume, sont cependant propres et bien entretenues». Vingt kilomètres après Abbeville, la route traverse le bourg de Bernay-en-Ponthieu, où subsiste l’ancien relais de poste, quatorzième sur la route de Calais. Il en reste ces mots de Victor Hugo en 1837: «Ce hameau est situé à l'endroit précis où la diligence qui arrive de Paris a faim pour déjeuner et où la diligence qui arrive de Calais a faim pour dîner. (...) Il en a résulté une fort bonne auberge». «Inscrit à l’inventaire des Monuments historiques depuis le 18 mai 1926, dit l'Atlas paysager et patrimonial de Bernay publié sur le site baiedesomme3vallees.fr, sa construction date du XVe siècle. Il peut recevoir jusqu’à 180 chevaux, ce qui en a fait à l’époque un important point d’attractivité. Bernay-en-Ponthieu est situé sur la fameuse "route du poisson"  qui approvisionnait Paris depuis Boulogne-sur-Mer en moins de 24 heures grâce à des attelages de quatre chevaux boulonnais qui pouvaient tracter jusqu’à 3,5 tonnes». On traverse la vallée de la Maye dont les zones humides furent drainées au XVIIIe siècle par la canalisation de la rivière entre Bernay-en-Ponthieu et Le Crotoy. A Nempont-Saint-Martin (Nampont-Saint-Firmin, dans le Pas-de-Calais), la vallée de l'Authie séparait la Picardie du Nord-Pas-de-Calais (auj. Hauts-de-France). La rivière, longue de 100 km a été jusqu’en 1536 la frontière nord du royaume de France face à l'Artois. Là, au XIVe siècle, nous indique Du Gris-Nez à la Somme: sur les chemins de terre et d'eau, petits transports et petits usagers (XIIIe-XVe siècles), le trafic marchand semble délaisser largement la «voie Brunehaut» de l’intérieur des terres en faveur d’un grand chemin qui suit la côte au plus près de l’estuaire de la Somme à l’estuaire de la Liane «en franchissant l’Authie aux deux Nampont, en passant la Canche au bac d’Attin en aval de Montreuil et en allant droit sur Boulogne par Frencq et Neufchâtel». La carte de Cassini (XVIIIe) publiée par le Géoportail de l’IGN nous montre de son côté le même itinéraire jusque sous les murs de Montreuil, mais pas au-delà.

A l'entrée de Bernay-en-Ponthieu, par un clair matin d'hiver (photo: Marc Verney, janvier 2012).
A Nempont-Saint-Firmin, on entre dans le Pas-de-Calais (photo: Marc Verney, janvier 2012).

A VOIR, A FAIRE On peut faire une petite infidélité à la route nationale n°1 historique pour aller visiter l'abbaye de Valloire, fondée en 1137 par Guy II, comte de Ponthieu. L'ancien et le contemporain se mêlent ici harmonieusement puisque les jardins de l'abbaye ont été redessinés par l'urbaniste Gilles Clément. Une réussite.


Joli duo de Michelin à la hauteur de Puits-Bérault (photo: Marc Verney, janvier 2012).

Première étape dans le Nord-Pas-de-Calais, on visitera sans faute la localité de Montreuil-sur-Mer, seizième relais des diligences sur la route de Calais, dans le val de Canche, perchée sur sa butte fortifiée, à la vaste place centrale, décrite par un grand voyageur de la R.N.1... Victor Hugo dans Les Misérables... Les rues (toujours) pavées ont longtemps supporté le trafic de la nationale n°1 dans le centre-ville. Cependant, ici, pas de voie antique, la chaussée romaine traversait la Canche à Brimeux, plus à l’est. Ce n’est qu’à partir du Xe siècle que Montreuil-sur-Mer et son bac à Attin commencent à prendre de l’importance. Ainsi, en 1450, découvre-t-on sur le site lechodes3baies.fr, ces dépenses attribuées au duc de Bourgogne pour l’usage du bac, un bateau plat retenu par une corde fixée à un câble attaché aux deux rives: «Vingt-quatre sols accordés à plusieurs bateliers qui avaient passé mondit seigneur, madame la duchesse et leur compagnie à certain bac, lez la ville de Montreuil, en allant en pèlerinage de la ville de Hesdin à Nostre-Dame de la ville de Boulogne». A l’époque, la mer (qui est à 15 km aujourd’hui) remontait jusqu’aux murailles de ce qui était l’unique port de mer du royaume de France. La chaussée ancienne partait de Wailly vers le bac, par Campigneulles et Sorrus; elle se raccordait à celle de Boulogne en dessus du Mont-des-Brosses. Mais l’ensablement de l’estuaire, l’annexion de la Normandie au royaume, la guerre de Cent Ans et les dévastations dues à Charles Quint en 1537 finissent de ruiner la petite cité de Montreuil-sur-Mer. Le bac d’Attin, nous indique le site de la mairie du village, perd lui aussi de son importance à la toute fin du XVIe siècle, lorsque l’on construit une nouvelle route passant par Neuville suivie d'un pont sur la Canche.

Entrée de Montreuil-sur-Mer (photo: Marc Verney, septembre 2006).

MONTREUIL A VOIR, A FAIRE La citadelle (1570) et les remparts, une promenade longue de 3 km, la ville ancienne, que l’on peut atteindre par la porte de Boulogne en montant la «cavée» Saint-Firmin. A côté, la station du Touquet se laisse voir pour ses anciennes villas balnéaires, sa plage et… ses panneaux Michelin de toutes formes qui restent encore aujourd'hui debout dans les rues et les allées de cette ville créée en 1882 et adoptée par les Anglais.

La route prend dès lors le chemin de Boulogne en passant par Samer, un petit bourg blotti sur une colline autour de son clocher. Ce chemin n’est viabilisé que sous le règne de Louis XV. Auparavant, la route suivie par les voyageurs passait donc par Frencq et Neufchâtel. Mais il faudra quelque temps avant que le tracé actuel prenne le pas sur son ancêtre...

Marc Verney, Sur ma route, mars 2023

AU FIL DE LA ROUTE NATIONALE...
Les régions du nord de la France recèlent de nombreuses traces des routes anciennes... Le voyageur qui zigzague entre anciennes nationales et nouvelles départementales le sait bien... (lire)

Continuer la promenade sur la RN1 historique